Politique

L’éclat meurtrier : Une géographie piégée dans la région du Kivu en RDC


Plus la terre scintille et dévoile ses trésors, plus les conflits s’intensifient, transformant les bénédictions en malédictions et l’éclat en poudre explosive.

C’est exactement ce qui se passe à l’est de la République démocratique du Congo, en particulier dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Là-bas, sous des motifs multiples, Kinshasa affronte depuis longtemps des groupes rebelles locaux et étrangers, mais le cœur du conflit reste inchangé : la lutte pour le contrôle des ressources minières.

Dans cette région riche en or, coltan, étain et tantale, les combats font rage et les tirs résonnent quotidiennement. Depuis des décennies, cette instabilité dessine les contours d’un paysage plus profond : une économie parallèle, des enjeux géopolitiques visibles et souterrains, et de multiples équations dont tirent profit aussi bien les groupes armés que les réseaux internationaux.

Des minerais au cœur du conflit

Les produits miniers à l’origine de la majorité des conflits dans les deux Kivu sont l’or, les « trois T » (étain, tantale et tungstène), et dans une moindre mesure, les pierres précieuses. Mais l’or reste de loin le minerai le plus convoité.

Christoph Vogel, chercheur spécialisé dans les dynamiques conflictuelles en Afrique centrale, a déclaré à Radio France Internationale (RFI) que l’or « a une valeur bien plus élevée que les autres minerais, notamment parce qu’il est impossible à tracer une fois fondu, ce qui en fait un outil privilégié dans l’économie de guerre ».

Zobel Behalal, expert au sein de l’Initiative mondiale contre la criminalité organisée, estime quant à lui que 750 000 kilogrammes d’or sont extraits illégalement tous les six mois dans le Sud-Kivu, avant d’être expédiés vers les pays voisins pour y être raffinés, en particulier à Rubavu.

Il précise également que le prix du gramme d’or, qui oscillait entre 40 et 50 dollars il y a quelques années, a quasiment doublé pour atteindre aujourd’hui entre 80 et 100 dollars, en raison de la forte demande des acheteurs ougandais.

De son côté, Christoph Vogel appelle à la prudence, estimant que le lien entre ressources minières et violence mérite encore d’être étudié scientifiquement. À titre d’exemple, il souligne que l’implication des rebelles du M23 dans l’exploitation minière a évolué avec le temps : faible entre 2021 et 2023, leur activité s’est intensifiée après la prise de Rubaya, une zone riche en coltan.

Dans cette région, les groupes armés tirent aussi des revenus d’autres activités comme la taxation de l’alcool ou des axes routiers. Néanmoins, l’or demeure, selon les experts, le plus rentable, le plus facile à transporter et le plus recherché.

Des répercussions mondiales

Qu’importe l’épicentre d’un conflit, lorsqu’il implique des ressources naturelles, ses effets se font sentir à l’échelle mondiale.

Ainsi, les tensions dans les Kivu menacent de perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales de minerais stratégiques. Le cas de la mine d’étain de Bisie, à Walikale, est emblématique : en 2024, elle représentait 6 % de la production mondiale.

Sa fermeture temporaire, due à la prise de contrôle par une coalition des rebelles du M23 et du Front de libération Moro, a provoqué des tensions sur les marchés. L’entreprise Alphamin, exploitant le site, a dû suspendre ses activités avant de les reprendre après le retrait des combattants armés, preuve du lien étroit entre sécurité locale et stabilité économique globale.

Zobel Behalal insiste néanmoins : « Le marché ne connaît pas la guerre », soulignant que même en période de conflit, le flux de minerais ne s’arrête jamais.

Il cite en exemple la ville de Manguredjipa, dans le territoire de Lubero (Nord-Kivu), où le gramme d’or atteint 100 dollars, porté par une demande internationale toujours plus forte.

Des solutions à explorer

Pour Zobel Behalal, la solution ne réside pas seulement dans un suivi strict des circuits miniers, mais dans un renforcement de la coopération régionale et la signature de contrats mutuellement bénéfiques entre les États et les acteurs économiques.

Il plaide pour l’intégration des réseaux congolais, chinois et indiens qui dominent actuellement le commerce informel des minerais, estimant qu’il faut les intégrer à l’économie formelle via une régulation appropriée et une coordination avec les pays de transit (Rwanda, Ouganda, Burundi, Tanzanie).

Les experts insistent également sur la nécessité d’une approche régionale globale, visant à encadrer les activités minières et à affaiblir les sources de financement des groupes armés.

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