Le silence de Washington trouble les alliés : l’Amérique se retirera-t-elle d’Europe ?

La question majeure sur l’avenir de la présence militaire américaine en Europe est restée sans réponse lors du dernier sommet de l’OTAN à La Haye.
Selon le magazine américain Newsweek, les discussions sur un éventuel retrait ou une réduction des forces américaines stationnées sur le Vieux Continent n’ont pas été abordées avec les autres participants, alors que seule la délégation américaine détient la réponse à cette interrogation.
Les États-Unis ont exprimé leur volonté de réorienter leurs ressources vers la région indo-pacifique, tout en gérant les répercussions de leurs récentes frappes contre l’Iran durant le week-end. Néanmoins, la date et l’ampleur d’un éventuel retrait demeurent incertaines.
L’ambassadeur américain auprès de l’OTAN, Matthew Whitaker, a déclaré qu’ »aucune décision n’a encore été prise » officiellement quant au retrait des troupes, précisant que des « discussions sérieuses » suivraient le sommet, avec un examen nécessaire des « conséquences pratiques » de toute décision.
Un responsable européen de la défense a confirmé à Newsweek que ni le président Donald Trump, ni le secrétaire à la Défense n’avaient évoqué le sort des forces américaines en Europe lors des réunions officielles. Un deuxième responsable a souligné que ce « silence délibéré » était un choix unilatéral américain, malgré l’intérêt marqué des Européens sur la question.
La perspective d’un transfert de dizaines de milliers de soldats américains inquiète profondément les alliés européens, qui ont longtemps vu cette présence comme une garantie de sécurité majeure et un symbole de l’engagement des États-Unis face aux menaces, notamment en provenance de la Russie.
Les grandes bases américaines en Europe, qui fournissent certaines des capacités militaires les plus stratégiques de l’Alliance, font actuellement l’objet d’un réexamen global par le Pentagone, dont les conclusions sont attendues pour l’automne prochain.
Bien que Whitaker ait assuré avant le sommet que Washington collaborerait avec ses alliés afin d’éviter « toute brèche sécuritaire », un retrait des troupes représenterait un processus extrêmement complexe et coûteux. L’Institut international d’études stratégiques estime qu’il en coûterait jusqu’à un trillion de dollars à l’Europe pour compenser les capacités américaines sur une période de 25 ans, alors que l’alternative d’accueil pour ces troupes n’est pas encore définie côté américain.
Malgré cette incertitude, le sommet s’est révélé satisfaisant pour Trump, qui a tempéré ses critiques habituelles sur le manque de dépenses militaires de certains membres. Après des déclarations passées controversées sur la Russie et les « mauvais payeurs » de l’OTAN, il a cette fois réaffirmé son soutien total aux alliés.
Ce réchauffement s’est matérialisé par la signature d’un engagement ambitieux des pays membres à porter les dépenses de défense collective à 5 % du PIB au cours de la prochaine décennie.
L’accord prévoit que 3,5 % soient alloués à la défense directe (« défense dure ») et 1,5 % à des infrastructures stratégiques essentielles comme les capacités cybernétiques et les ponts logistiques. Un objectif longtemps jugé irréaliste, même par les Européens eux-mêmes, qui reconnaissent désormais leurs insuffisances passées.
Cependant, les divisions persistent. L’Espagne, en affirmant pouvoir remplir ses engagements sans atteindre les 3,5 % d’investissement militaire direct, a suscité des critiques. Trump a qualifié cette position de « terrible » et « regrettable », soutenant les propos du Premier ministre néerlandais Mark Rutte, qui a mis en doute la capacité de Madrid à respecter les objectifs sans augmentation de budget.
Ce désaccord met en lumière la fracture persistante au sein de l’Alliance : les pays de l’Est, proches de la Russie, accélèrent leurs efforts, tandis que ceux de l’Ouest et du Sud de l’Europe peinent à suivre le rythme.