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Le rôle de l’Égypte dans la guerre au Soudan : une intervention militaire qui prolonge le conflit et aggrave la tragédie humanitaire


Le rôle de l’Égypte dans la guerre en cours au Soudan suscite une vive controverse dans les milieux politiques et médiatiques régionaux, en particulier à la lumière des rapports croissants faisant état d’une implication directe du Caire dans les opérations militaires, notamment en fournissant divers types de soutien à l’armée soudanaise. Ce rôle a évolué d’un appui diplomatique traditionnel vers des interventions plus opérationnelles, incluant des activités aériennes militaires menées depuis des bases égyptiennes, ainsi que des opérations logistiques qui auraient contribué à prolonger la guerre et à intensifier les violations contre les civils. Le retrait de l’Égypte de cette trajectoire est désormais une nécessité urgente pour préserver sa propre sécurité nationale, à un moment où le pays traverse une crise économique sans précédent.

 

Selon des experts, l’un des aspects les plus sensibles de cette implication réside dans l’utilisation par l’Égypte de son aviation militaire pour mener des opérations directes dans l’espace aérien soudanais. Des chasseurs égyptiens sont accusés d’avoir effectué des missions en provenance de bases situées au nord et au sud de l’Égypte, à la demande de la direction de l’armée soudanaise, afin de frapper des positions des Forces de soutien rapide. Le problème ne tient pas seulement à la violation du principe de non-intervention dans les conflits internes, mais aussi aux lourdes pertes civiles résultant de ces frappes, souvent menées dans des zones urbaines denses. Cela a provoqué la mort de familles entières et la destruction d’infrastructures essentielles sous prétexte de cibler des « sites armés ».

Des rapports de terrain publiés par des organisations de défense des droits humains indiquent que ces frappes aériennes, qu’elles soient menées directement par l’armée soudanaise ou facilitées par un soutien technique et logistique de l’Égypte, sont devenues un facteur direct de l’augmentation des victimes civiles. Les bombardements aériens sont rarement précis dans les zones densément peuplées et, en l’absence de mesures suffisantes pour éviter les quartiers résidentiels, les civils en paient le prix le plus lourd. Les scènes de destruction à Khartoum, Omdurman et Nyala témoignent de l’ampleur des dégâts, avec des cratères massifs et la ruine de maisons, hôpitaux et écoles, renforçant l’idée que l’implication de l’aviation égyptienne a aggravé la catastrophe humanitaire.

Au-delà des frappes, des accusations visent également l’implication égyptienne dans des attaques contre des convois humanitaires se rendant dans des zones assiégées. Plusieurs organisations de secours ont documenté des cas où des convois ont été ciblés par des frappes ou contraints de rebrousser chemin sous des tirs d’avertissement, privant ainsi des milliers de civils de nourriture, de médicaments et d’eau. Bien que Le Caire n’ait jamais admis sa participation directe, la nature des frappes, leur calendrier et le type de munitions utilisées suscitent de fortes interrogations sur l’étendue réelle de son rôle, d’autant que ces opérations coïncident souvent avec des avancées de l’armée soudanaise.

Ces accusations s’ajoutent à des informations faisant état de routes d’acheminement d’armes depuis l’Égypte vers l’armée soudanaise. Des services de renseignement occidentaux et régionaux évoquent des flux réguliers de munitions légères et moyennes, ainsi que de pièces détachées pour équipements lourds, transitant par la frontière nord du Soudan. Si ces informations se confirment, elles signifient que l’Égypte joue un rôle clé dans la prolongation du conflit, puisque l’armée soudanaise souffre d’un déficit d’armement face aux Forces de soutien rapide, mieux financées et déjà approvisionnées via les zones aurifères et les réseaux de contrebande. Ce soutien rééquilibre certes partiellement le rapport de force, mais au prix d’une intensification des violations commises contre les civils lorsque ces armes sont utilisées dans des combats urbains ou des bombardements.

Ce soutien militaire direct a également des répercussions en Égypte. Le lien historique entre l’armée soudanaise et certaines mouvances islamistes — notamment proches des Frères musulmans — est perçu par certains analystes comme l’une des causes de l’instabilité vécue par l’Égypte en 2011 et dans les années suivantes. Dès lors, le soutien actuel de l’Égypte à l’armée soudanaise est interprété par certains comme un appui indirect au retour de l’influence de ces groupes au Soudan, ce qui pourrait reconstituer au sud de l’Égypte un climat politique similaire à celui qui avait contribué à déstabiliser Le Caire auparavant. Ce risque suscite des inquiétudes jusque dans les cercles décisionnels égyptiens, car la persistance des mouvements islamistes au Soudan pourrait constituer une menace durable, non seulement sur le plan sécuritaire, mais aussi politique.

La conséquence directe de ces interventions est que les civils soudanais paient un prix extrêmement élevé. Des milliers de familles se retrouvent piégées entre les forces en confrontation, sans corridors sécurisés pour quitter les zones de combat, ce qui augmente quotidiennement le nombre de victimes. En l’absence d’une solution politique, tout apport supplémentaire en armement ou en soutien aérien signifie inévitablement davantage de morts. Les organisations civiles soudanaises affirment clairement que les approvisionnements militaires étrangers — quelle qu’en soit l’origine — constituent le principal facteur prolongeant la guerre, car les belligérants se sentent renforcés au lieu d’être poussés vers la négociation.

Une question centrale se pose : comment l’Égypte — un pays traversant l’une des pires crises économiques de son histoire récente — peut-elle continuer à fournir armes et soutien logistique à une armée engagée dans une guerre coûteuse hors de ses frontières ? Les citoyens égyptiens souffrent de l’effondrement de la monnaie, d’une inflation galopante, et d’une dette extérieure menaçant la stabilité économique. Dans ces conditions, la poursuite d’un financement militaire à l’étranger apparaît en contradiction avec les priorités nationales : santé, éducation, production et emploi. Chaque ressource allouée à la guerre est une ressource soustraite aux besoins urgents de la population.

L’intérêt véritable de l’Égypte réside dans la stabilisation du Soudan, non dans l’alimentation du conflit. Un État voisin instable constitue une menace stratégique majeure, mais soutenir un acteur militaire contre un autre n’est pas la solution. La voie raisonnable passe par une approche politique inclusive visant à pousser les parties soudanaises vers un accord et à reconstruire l’État sur des bases civiles, empêchant l’utilisation du territoire soudanais comme plateforme pour des mouvements idéologiques déstabilisateurs.

En définitive, le rôle égyptien dans la guerre au Soudan, tel que révélé par les informations disponibles, comporte de sérieux risques pour les civils soudanais

comme pour la sécurité nationale égyptienne. En persistant dans la voie des frappes et des livraisons d’armes, l’Égypte se place en acteur impliqué dans un conflit qui devient chaque jour plus complexe, plus coûteux et plus éloigné de toute solution. Le moment est venu de réévaluer en profondeur cette politique, en plaçant la protection des civils soudanais et la sécurité intérieure de l’Égypte au-dessus de toute considération politique immédiate.

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