Le président el-Menfi interdit les manifestations armées à Tripoli, craignant une dérive sécuritaire

Dans un contexte de tensions sécuritaires croissantes et de mouvements militaires inquiétants entre factions rivales à Tripoli, le président du Conseil présidentiel libyen, Mohammed el-Menfi, a émis une décision officielle interdisant toutes les manifestations armées dans la capitale. Cette mesure vise à empêcher une nouvelle confrontation violente dans une ville déjà marquée par une instabilité persistante. Toutefois, la mise en œuvre de cette interdiction sur le terrain demeure incertaine, dans un pays divisé où les milices armées conservent une influence considérable.
La décision, publiée officiellement, interdit tout déplacement des brigades et formations armées « sous quelque prétexte que ce soit », précisant que le maintien de l’ordre relève exclusivement de la direction de la sécurité de Tripoli et de la police militaire. Par cette directive, le Conseil présidentiel cherche à réaffirmer l’autorité des institutions sécuritaires officielles et à réduire l’emprise des groupes armés, bien que la faisabilité de cette démarche soit déjà remise en question par plusieurs observateurs.
Des sources proches du Conseil présidentiel ont indiqué que cette initiative s’inscrit dans un effort sérieux pour contenir les tensions, après que plusieurs unités armées ont été observées en train de se mobiliser de manière inhabituelle dans et autour de Tripoli ces derniers jours. Ces mouvements laissent craindre des affrontements imminents entre factions en quête de contrôle.
Cette interdiction intervient dans le sillage d’un accord fragile entre le Conseil présidentiel et le gouvernement d’unité nationale dirigé par Abdelhamid Dbeibah, visant à coordonner les efforts pour réduire les tensions dans la capitale. Mais selon plusieurs analystes, cet accord a été ignoré par certaines milices influentes, qui ont continué à déplacer leurs troupes et équipements sans en référer aux autorités officielles.
Malgré les apparences d’unité affichées par les dirigeants, les différends latents sur la répartition des pouvoirs et des zones d’influence persistent. Le gouvernement Dbeibah repose en grande partie sur des groupes armés pour assurer sa présence sur le terrain, ce qui rend l’application du décret présidentiel d’autant plus difficile.
Cette recrudescence de l’instabilité sécuritaire à Tripoli, revenue sur le devant de la scène ces dernières semaines, suscite une inquiétude grandissante en Libye comme à l’international. Sur le plan local, la population redoute un retour des affrontements armés dans des quartiers densément peuplés, souvent les plus touchés par les combats.
À l’échelle régionale et internationale, plusieurs voix – notamment celle de l’envoyé spécial de l’ONU en Libye, ainsi que de diverses ambassades occidentales et arabes – appellent à respecter les décisions souveraines et à cesser les mouvements militaires non autorisés. Ils mettent en garde contre un retour à la violence et au chaos, alors que le processus politique est au point mort, qu’aucun consensus électoral n’est en vue, et qu’aucune autorité centrale ne semble en mesure de désarmer ou d’intégrer les milices dans les structures de l’État.
Le risque est grand que l’échec de cette interdiction affaiblisse davantage les institutions sécuritaires naissantes et bloque toute reprise sérieuse du dialogue politique. Tant que les armes resteront aux mains de groupes non étatiques, le rétablissement de l’État libyen sur des bases institutionnelles solides demeurera un objectif hors de portée.
Avec des institutions divisées entre l’Est et l’Ouest, et des accords politiques fragiles, Tripoli reste un foyer de tension permanent, susceptible d’exploser à tout moment. L’enjeu, aujourd’hui, est de savoir si les autorités libyennes sauront imposer leur autorité, ou si le pays s’achemine vers une nouvelle spirale de violence, sous le regard hésitant de la communauté internationale.