Politique

Le pari de Washington sur l’interdiction des ATACMS ne menace pas l’Ukraine… quel est donc le secret ?


Washington avait parié que l’interdiction des missiles ATACMS constituerait une carte de pression essentielle sur l’Ukraine, mais la réalité sur le terrain suit une tout autre logique.

Ces derniers mois, l’Ukraine a renforcé son industrie de défense et s’est tournée vers le développement de missiles locaux à longue portée, tels que le « Flamingo », ce qui la rend moins dépendante des livraisons occidentales qu’au début du conflit, selon le journal britannique The Telegraph.

Au printemps dernier, l’administration américaine a lancé des efforts pour convaincre le président russe Vladimir Poutine d’entrer dans de véritables négociations de paix. Mais un obstacle potentiel s’est dressé sur leur chemin : les frappes ukrainiennes en profondeur sur le territoire russe à l’aide de missiles américains. Washington a donc choisi de neutraliser ce risque.

Dans ce cadre, The Wall Street Journal a révélé que l’administration Trump avait mis en place un mécanisme de contrôle interdisant à Kiev de mener des frappes transfrontalières à l’aide des missiles ATACMS américains à longue portée, voire des missiles britanniques Storm Shadow, lorsque ceux-ci reposaient sur des données de ciblage fournies par les États-Unis.

D’après The Telegraph, l’objectif était clair : éviter une frappe majeure en Russie qui aurait compromis la préparation d’un éventuel sommet de paix.

Ces restrictions ont certes privé l’Ukraine d’un outil important pour maintenir le moral, mais elles n’ont pas fondamentalement changé les équilibres militaires. En effet, même lorsque les limitations ont été partiellement levées à la fin du mandat de Joe Biden, Moscou avait déjà déplacé ses bases aériennes et ses dépôts de munitions hors de portée des missiles de 190 miles.

Malgré ces contraintes, les ATACMS ont obtenu des résultats notables, frappant des usines d’armement et des dépôts souterrains grâce à leur vitesse et à leur capacité de pénétration. Cependant, leur nombre limité a empêché une campagne aérienne massive.

Le Pentagone n’a livré qu’environ 500 missiles ATACMS à l’Ukraine, dont une cinquantaine seulement étaient encore disponibles au moment de la levée partielle des restrictions. Quant aux Storm Shadow, les stocks étaient bien plus réduits.

Ni Londres ni Washington ne disposaient de surplus suffisants pour en fournir davantage, compte tenu des priorités militaires au Moyen-Orient et dans l’Indo-Pacifique.

Par ailleurs, le renforcement des systèmes de défense russes, tels que le S-400 et le Pantsir-S1, a réduit l’efficacité des frappes ukrainiennes à l’intérieur du territoire russe.

Sur le terrain toutefois, Kiev n’a pas cessé de frapper en profondeur. Plutôt que de s’appuyer uniquement sur les ATACMS, l’Ukraine a déployé une flotte de drones qui a détruit des réserves de carburant d’une valeur de plusieurs millions de dollars et contribué à la hausse des prix de l’essence en Russie.

Selon Anders Puck Nielsen, expert militaire à l’Académie de défense du Danemark : « Il est évident que l’interdiction des ATACMS n’a pas constitué un problème majeur, puisque l’Ukraine a intensifié ses frappes en Russie à l’aide de solutions alternatives locales. »

En parallèle, Kiev développe un nouveau missile de croisière baptisé « Flamingo », avec une portée estimée à 3000 kilomètres et une mise en service prévue avant la fin de l’année.

Bien que moins rapide que les ATACMS et les Storm Shadow, sa production en série donnerait à l’Ukraine la capacité de frapper de grandes villes, comme Saint-Pétersbourg, sans dépendre de l’approbation ni du soutien américain.

Jusqu’à présent, Donald Trump continue de miser sur un contrôle strict du rythme de l’aide militaire afin d’éviter que ses tentatives de pousser Poutine à la table des négociations ne soient compromises. Mais si sa patience venait à s’épuiser, il pourrait lever à nouveau les restrictions sur les ATACMS, voire aller plus loin en livrant à Kiev des missiles Tomahawk d’une portée de 2500 kilomètres.

Quoi qu’il en soit, l’Ukraine a adressé un message clair : la dépendance totale à Washington n’est plus une option. Son industrie nationale, désormais soutenue par des capacités technologiques croissantes, est prête à combler le vide et à transformer le conflit en une confrontation plus longue et plus douloureuse pour la Russie.

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