Politique

Le modèle plus abouti : la plus chère des bombardiers revient en ligne de production


L’annonce du président Trump, évoquant la commande d’une version améliorée du bombardier furtif B-2, a provoqué un vaste débat après son allocution devant le Parlement israélien. En revenant sur une opération conduite par ces appareils en juin dernier contre des sites nucléaires iraniens, Trump a déclaré : « Je ne savais pas qu’il pouvait faire ce qu’il a fait. Honnêtement, nous en avons commandé 28 autres, une version un peu plus évoluée ; nous avons demandé un lot complet. »

La B-2 « Spirit », décrite par la revue Military Watch comme l’un des avions de combat les plus célèbres et les plus mystérieux de l’histoire militaire contemporaine, conjugue technologies de furtivité avancées et capacité à mener des frappes stratégiques longue portée. Elle détient aussi le palmarès du plus coûteux : le prix unitaire a dépassé les deux milliards de dollars et seules vingt machines ont été mises en service entre 1997 et 2000.

Si la B-2 a démontré des performances opérationnelles impressionnantes, son exploitation s’est révélée extraordinairement onéreuse et sa maintenance d’une complexité supérieure aux prévisions. Ces coûts ont conduit le Pentagone à renoncer à son projet initial d’acquérir une flotte massive — qui devait atteindre 132 exemplaires.

Des doutes sur une relance de la production

Malgré la déclaration de Trump, les spécialistes de la défense estiment hautement improbable la relance de la production de la B-2. Réactiver des lignes de fabrication après plus d’un quart de siècle d’interruption reviendrait à engager des dépenses difficilement justifiables, surtout si l’objectif se borne à produire seulement 28 appareils. De surcroît, la conception, issue de la fin de la guerre froide, apparaît aujourd’hui quelque peu datée face aux progrès rapides des systèmes radar et des techniques de furtivité.

Par ailleurs, l’US Air Force concentre ses efforts sur le programme du nouveau bombardier B-21 « Raider », entré en phase d’essais en vol en novembre 2023 et dont la production en série devrait débuter autour de 2030. À la lumière de ce calendrier, beaucoup d’analystes jugent qu’il n’existe ni justification militaire ni rationalité économique à ressusciter la B-2.

Des pressions budgétaires inédites

Les forces aériennes américaines font aujourd’hui face à une pression financière considérable, financements majeurs cumulés pour le B-21 Raider, les missiles balistiques intercontinentaux Sentinel, les chasseurs F-47, les commandes continues de F-35, ainsi que la nécessité de renouveler la flotte de ravitailleurs. Dans ce contexte, débloquer des fonds pour relancer un programme des années 1990 paraît quasiment impossible.

Mises à jour et adaptations

Pourtant, la B-2 conserve une place particulière dans l’arsenal américain. Capable d’emporter des charges conventionnelles et nucléaires et d’atteindre des distances supérieures à 11 000 kilomètres sans ravitaillement, elle demeure un symbole de la dissuasion stratégique. Ces dernières années, les appareils opérationnels ont bénéficié de modernisations notables, notamment l’intégration de missiles de croisière longue portée du type « Jasem », leur permettant d’atteindre des objectifs depuis des distances à l’écart des zones de défense aérienne ennemies.

La B-2 est également préparée pour l’emport de la nouvelle bombe nucléaire B61-13 et pour une version modernisée de la bombe pénétrante GBU-57, utilisée récemment lors de frappes américaines contre des cibles iraniennes.

Un héritage technique unique

Malgré l’orientation vers une nouvelle génération de bombardiers, la B-2 devrait rester en service jusqu’au milieu des années 2030, voire plus longtemps si le programme B-21 prend du retard. Symbole d’un savoir-faire aéronautique d’après-guerre froide, la « Spirit » est aussi un rappel des limites imposées par la réalité économique face à l’exception technologique.

Entre mythe et contraintes budgétaires, la B-2 — icône des guerres secrètes et appareil le plus discret au monde — demeure une étape majeure de l’histoire de l’aviation militaire, même si son retour en production semble, en l’état, peu réaliste.

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