Politique

Le Mali en 2025 : Al-Qaïda étouffe le pays de l’or 


Une nouvelle tactique replonge le Mali, en 2025, dans la spirale du terrorisme, cette fois à travers des violences accompagnées d’un siège visant les artères vitales de l’approvisionnement.

Bien que ce pays africain parmi les plus pauvres soit habitué aux troubles et au terrorisme depuis 2012, l’année 2025 l’a replacé brutalement sous les projecteurs, en raison d’un blocus imposé par l’organisation terroriste sur les circuits d’approvisionnement en carburant, dans le but d’asphyxier l’économie nationale.

L’élargissement de la bataille

Le 23 mai dernier, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, branche d’Al-Qaïda, a lancé une attaque contre une base militaire à Dioura, au Mali, causant la mort d’environ 41 soldats.

Quelques jours plus tard, précisément le 1er juin, des combattants terroristes se sont emparés d’une base dans la localité de Boulikessi, à l’issue d’affrontements ayant fait près de 100 morts parmi les rangs de l’armée malienne, selon le site francophone Sahel Intelligence.

Une autre attaque a visé des sites militaires et des barrages de sécurité dans la région de Tombouctou, au nord du pays. Bien qu’elle n’ait pas permis la prise de contrôle des aéroports, elle a confirmé la capacité du groupe terroriste à frapper des zones reculées.

Ces attaques traduisent, dans un contexte de pressions croissantes sur les forces gouvernementales, une montée en puissance méthodique des capacités opérationnelles des groupes armés, annonçant une extension continue de la violence.

Le siège de Bamako

Depuis septembre dernier, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans impose un siège à la capitale en coupant ou en détruisant les camions-citernes sur les routes en provenance des régions voisines, notamment via des axes clés comme Kayes et Sikasso, qui relient Bamako aux principales voies de circulation.

Ce blocus a provoqué une grave pénurie de carburant dans la capitale, entraînant la paralysie des services essentiels, des coupures d’électricité, l’arrêt des transports et une quasi-interruption de la vie quotidienne.

Fin octobre dernier, les autorités maliennes ont annoncé la suspension des cours dans l’ensemble des écoles et universités du pays, en raison de la crise du carburant qui entravait les déplacements des élèves et des enseignants.

Selon des rapports internationaux, près de deux mille établissements scolaires sont restés fermés jusqu’à la mi-2025, affectant plus de 600 000 élèves.

Au-delà du carburant, le groupe a ciblé une infrastructure économique plus large, notamment des sucreries dans des zones comme Dougabougou et Bougouni, qui ont été pillées ou incendiées. Des cimenteries et des sites miniers ont également été paralysés dans plusieurs régions.

Ces attaques ont entraîné une forte hausse des prix, des licenciements massifs et un recul marqué de l’activité économique, aggravant la souffrance des civils à Bamako et ailleurs dans le pays.

Entre terreur et désespoir

Le siège frappe durement les civils sans défense. Les populations souffrent de la faim, du manque de carburant et de l’absence de services de base, tout en vivant dans une peur permanente. Cette situation a conduit plusieurs pays occidentaux et africains à appeler leurs ressortissants à quitter le Mali.

De son côté, l’Union africaine a appelé à une action internationale urgente après la dégradation de la situation humanitaire et sécuritaire, mettant en garde contre une « catastrophe totale » si le siège et les attaques se poursuivent.

Dans ce contexte extrêmement tendu, Ouldou Bolama Boukartey, analyste politique et sécuritaire spécialisé dans les questions de terrorisme au Sahel, a évoqué plusieurs scénarios possibles.

L’expert de l’unité des politiques de lutte contre l’extrémisme à l’Institut Tony Blair pour le changement mondial a estimé que le scénario le plus favorable consisterait en une reprise du contrôle sécuritaire par l’État, à travers la mobilisation de l’armée, le renforcement de la protection des routes et des convois, un retour progressif à une vie quasi normale et la levée du siège.

Un autre scénario verrait l’organisation extrémiste opposer une résistance farouche et progresser progressivement jusqu’à une prise de contrôle du pays, profitant de la fragilité des capacités logistiques de l’État.

Un troisième scénario, selon Boukartey, serait la mise en place d’un partenariat sécuritaire régional et international pour soutenir le Mali, reposant sur la coopération en matière de renseignement, une participation africaine active, le soutien aux fronts de stabilisation et une pression internationale accrue sur les groupes armés afin de rétablir la stabilité politique interne.

Tournant et appels à l’action

Boukartey estime que l’année 2025 marque un tournant stratégique dans la nature de la guerre menée contre le Mali, passant d’affrontements limités à un siège économique et à une politique d’affamement généralisé visant le cœur de l’État, à savoir la capitale, et non plus seulement les lignes de front.

Il considère également que « le conflit ne se joue plus uniquement sur le terrain militaire, mais aussi sur le tissu social, l’économie et l’éducation, ce qui en fait une guerre multidimensionnelle ».

Il a appelé à une mobilisation internationale urgente pour soutenir le Mali sur les plans militaire et humanitaire, ainsi qu’à une solidarité africaine en faveur de la stabilité. Il a souligné la nécessité de reconstruire l’économie et les infrastructures, en soutenant l’agriculture et l’énergie et en sécurisant les chaînes de distribution alimentaire et énergétique.

Il a également plaidé pour une réconciliation nationale, une participation civile accrue et l’ouverture d’un dialogue inclusif avec les communautés affectées, afin que la solution ne soit pas uniquement militaire, mais aussi sociale.

Enfin, il a insisté sur l’importance de mettre en place des mécanismes internationaux de contrôle dans la lutte contre le terrorisme, de protéger les civils et les droits humains, et d’éviter que la guerre ne serve de prétexte à la répression politique.

Le chercheur a averti que le siège de Bamako constitue un signal d’alarme : sans unité nationale et sans un soutien international et régional efficace, la capitale pourrait ne pas échapper à l’effondrement.

Il a conclu en soulignant que « la bataille ne se limite pas à la lutte contre les terroristes, mais concerne la survie de l’État, la protection des civils et le sauvetage de l’avenir d’un pays tout entier ».

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