Moyen-Orient

Le front oublié: La guerre parallèle d’Israël contre les Palestiniens de l’intérieur


Depuis que le Hamas a lancé son attaque surprise contre les colonies de la bande de Gaza, le 7 octobre 2023, Israël est plongé dans un cycle de violence généralisée contre les Palestiniens.

Ce cycle de violence ne s’est pas limité à la bande de Gaza, mais a également touché les Palestiniens à l’intérieur d’Israël, qui sont censés être des citoyens jouissant de tous leurs droits. Cependant, les événements récents ont mis en lumière la fragilité de la situation de ces Palestiniens, qui représentent environ 20% de la population israélienne, soit près de 16% de l’ensemble des Palestiniens. Ils sont rapidement devenus des cibles d’une campagne de répression systématique et de persécution.

Tandis que l’attention internationale se concentrait sur l’attaque israélienne contre Gaza, le sort des Palestiniens de l’intérieur a été largement ignoré, malgré des évolutions inquiétantes indiquant une dérive rapide vers des pratiques “racistes” généralisées, selon une analyse du Foreign Affairs américain.

Citoyenneté incomplète et identité rejetée

Les Palestiniens de l’intérieur vivent dans une contradiction permanente : légalement, ils sont citoyens israéliens, jouissant de droits civils théoriques, mais en réalité, ils subissent un système de discrimination systématique qui touche tous les aspects de leur vie.

L’État qui se définit comme “juif et démocratique” les a exclus depuis sa création des centres de pouvoir, des ressources et de l’influence politique réelle.

Avant le 7 octobre 2023, les Palestiniens de l’intérieur avaient mené une longue lutte civile pour réduire l’écart économique et social avec les Juifs israéliens, obtenant des progrès relatifs, en particulier avec l’ascension de la Liste arabe unie dans le paysage politique en 2015.

Cependant, ces progrès ont progressivement reculé, culminant avec la fragmentation de la Liste en 2022, ce qui a dispersé la voix arabe à la Knesset et ouvert la voie à l’expansion du discours de droite appelant à leur exclusion politique.

Une répression systématique

Avec la déclaration de guerre d’Israël après l’attaque du Hamas, le gouvernement a lancé une campagne répressive violente contre les citoyens palestiniens au sein des frontières de 1948, les présentant comme un danger interne et un “cinquième colonne”.

Les leaders d’extrême droite, en tête desquels Itamar Ben Gvir, ont mené cette campagne, soutenus par d’autres ministres et membres de la Knesset qui ont appelé à les surveiller, les menacer d’expulsion et de retrait de leur nationalité.

La discrimination légale systématique a atteint un nouveau stade lorsque la police israélienne a interdit les manifestations anti-guerre dans les villes arabes, tandis que les manifestants juifs étaient autorisés à s’exprimer librement, mettant en évidence une double norme dans l’application de la loi.

Ces mesures ont continué jusqu’en mars 2024, sans qu’aucune révision juridique sérieuse ne soit effectuée.

Poursuites numériques

La guerre contre les Palestiniens de l’intérieur a également pris une forme numérique, avec des publications sur les réseaux sociaux étant surveillées et des poursuites judiciaires engagées simplement pour avoir exprimé leur solidarité avec Gaza ou leur opposition à la guerre.

Des dizaines de citoyens ont été arrêtés pour des publications qui ne dépassaient pas des citations coraniques ou des expressions de compassion humanitaire.

Parmi les cas les plus médiatisés, on note l’arrestation de l’artiste Dala Abu Amneh pour une publication religieuse et d’un comédien arabe qui a exprimé sa tristesse pour les enfants de Gaza, illustrant ainsi la régression de la liberté d’expression, même dans ses formes les plus simples.

Entre octobre 2023 et mai 2024, plus de 150 Palestiniens de l’intérieur ont été jugés pour “incitation au terrorisme”, sans que des accusations similaires ne soient portées contre les Juifs ayant incité au meurtre ou à l’expulsion massive des Arabes.

Les lois d’urgence renforcent la ségrégation

Le gouvernement de Netanyahu a profité de l’atmosphère de guerre pour passer des lois renforçant le caractère juif de l’État au détriment de l’égalité, dont la plus notable permet de retirer la nationalité des personnes accusées d’actes “terroristes”, une accusation utilisée presque exclusivement contre les Palestiniens.

Les partis de droite ont également cherché à adopter des lois limitant la représentation des Arabes à la Knesset et réduisant leur participation aux élections locales.

Dans des pratiques tout aussi racistes, certaines municipalités ont fermé des chantiers sous prétexte de sécurité, simplement parce qu’ils employaient des travailleurs palestiniens, préférant bloquer leurs projets plutôt que de permettre le mélange entre Juifs et Arabes sur les lieux de travail.

Les universités comme terrain de répression

Même les institutions académiques, qui prétendent souvent adhérer aux valeurs libérales, se sont engagées dans la campagne contre les étudiants arabes. Plusieurs ont été expulsés pour des publications personnelles, et les administrations universitaires ont déposé des plaintes auprès de la police.

Certains d’entre eux ont été définitivement expulsés, bien qu’aucune violation légale évidente n’ait été commise, tandis que les étudiants juifs appelant publiquement à la violence contre les Arabes n’ont pas été sanctionnés.

Dans un précédent inquiétant, l’Université hébraïque de Jérusalem a suspendu l’académicienne palestinienne Nadira Shalhoub-Kevorkian pour ses déclarations anti-guerre, l’a arrêtée brièvement, puis l’a forcée à démissionner, ce qui témoigne de la montée des pressions même sur les universitaires.

La fragmentation de l’intérieur

Sur le plan politique, le Comité de suivi supérieur et les partis arabes sont passés en mode défensif, incapables d’organiser de vastes manifestations en raison des lois et de la répression sécuritaire.

Malgré plusieurs tentatives, seules quelques actions limitées ont été autorisées, sous une surveillance stricte, ce qui a accentué la régression de l’activisme politique arabe en Israël.

Dans ce contexte, les options pour les Palestiniens de l’intérieur semblent limitées. L’organisation autonome et la construction de réseaux communautaires internes pour faire face à l’isolement sont essentielles, mais insuffisantes. Il est nécessaire d’avoir une intervention extérieure pour redonner de la dignité à leurs droits.

Le besoin d’une solidarité réelle

L’analyse de Foreign Affairs indique que la rupture de longue date entre le monde arabe et les Palestiniens de l’intérieur, pour des raisons politiques ou géographiques, doit prendre fin.

Elle souligne que les citoyens palestiniens en Israël font pleinement partie du peuple palestinien et subissent aujourd’hui une forme de nettoyage politique progressif. Les pays arabes doivent soutenir leurs institutions communautaires et élever leur voix dans les forums internationaux.

Les pays ayant des relations avec Israël doivent placer les droits des citoyens arabes parmi leurs priorités dans toute coopération politique ou économique.

Les institutions internationales, en particulier l’Union européenne et les Nations Unies, doivent exercer des pressions réelles pour appliquer le droit international en matière de droits des minorités, et conditionner leur coopération avec Israël à son respect.

Reconnaître les racines du problème

Selon cette analyse, ce que subissent les Palestiniens de l’intérieur aujourd’hui est une autre facette du “colonialisme de peuplement israélien”. On ne peut parler d’égalité ou de droits sans traiter la racine du problème : l’occupation, et le refus du droit des Palestiniens à l’autodétermination.

Elle insiste sur le fait que la véritable justice ne sera atteinte que si Israël devient un véritable État démocratique pour tous ses citoyens, Juifs et Arabes, met fin à son occupation des territoires palestiniens et reconnaît le peuple palestinien comme un peuple à part entière, avec tous ses droits et sa souveraineté.

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