Moyen-Orient

Le désarmement du Hezbollah est plus proche que jamais


Le président libanais affirme que le désarmement du parti soutenu par l’Iran se fera par la négociation et non par la force.

Le désarmement du Hezbollah, jadis considéré comme hors de portée, semble aujourd’hui plus réalisable que jamais, en raison de la pression croissante des États-Unis sur la nouvelle direction libanaise et des lourdes pertes subies par le mouvement lors de sa dernière guerre avec Israël. Le président libanais Joseph Aoun a affirmé que ce processus se ferait par la voie de la négociation, dans le cadre d’une stratégie de défense nationale, et non par la force.

Des experts estiment que l’issue des discussions sur le programme nucléaire iranien, qui ont débuté samedi entre l’Iran et les États-Unis, pourrait largement influencer l’avenir de l’arsenal du Hezbollah, qui, avant le dernier conflit, dépassait celui de l’armée libanaise.

David Wood, analyste spécialisé dans les affaires libanaises auprès de l’International Crisis Group, affirme que « l’impact de la guerre a clairement modifié la situation sur le terrain au Liban », et estime qu’« il est possible que le Hezbollah se dirige vers un désarmement, voire qu’il participe volontairement à ce processus au lieu de le rejeter ».

Un accord de cessez-le-feu conclu le 27 novembre a mis fin à une confrontation de plus d’un an entre le Hezbollah et Israël, qui avait évolué en une guerre ouverte de deux mois, affaiblissant considérablement le groupe soutenu par l’Iran, tant sur le plan militaire qu’en termes de popularité, avec la perte de commandants clés.

Cependant, l’armée israélienne continue de mener presque quotidiennement des frappes dans le sud du Liban.

L’accord prévoit le retrait des combattants du Hezbollah au sud du Litani et le démantèlement de toute infrastructure militaire dans cette région. Le Hezbollah insiste toutefois sur le fait que cet accord ne s’applique pas au reste du pays.

Une source proche du Hezbollah, sous couvert d’anonymat, a indiqué samedi que la majorité des positions militaires du groupe au sud du Litani sont désormais sous le contrôle de l’armée libanaise, qui a renforcé sa présence dans la région.

Lors d’une visite au Liban ce mois-ci, la sous-envoyée américaine au Moyen-Orient, Morgan Ortagus, a déclaré que Washington continue de faire pression sur le gouvernement libanais pour « l’application complète du cessez-le-feu, y compris le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », soulignant que cela doit se faire « dans les plus brefs délais ».

Joseph Aoun a réaffirmé son engagement à placer toutes les armes entre les mains de l’État, insistant sur « l’importance du dialogue » pour atteindre cet objectif.

Dans une interview accordée à la chaîne Al Jazeera, il a indiqué que le gouvernement libanais a décidé que les armes doivent être détenues uniquement par l’État, tout en précisant que des discussions sont en cours pour déterminer comment appliquer cette décision. Il a ajouté que ces discussions prennent la forme d’un « dialogue bilatéral » entre la présidence et le Hezbollah.

Mais selon Hanin Ghaddar, chercheuse au Washington Institute, « une confrontation avec le Hezbollah est inévitable », car « l’unique alternative au désarmement forcé du groupe soutenu par Téhéran serait qu’Israël s’en charge ».

L’ancien chef du renseignement du sud, le général à la retraite Ali Chahrour, estime que « le Hezbollah a subi un revers, et il n’est certainement pas dans son intérêt d’entrer en guerre ou de s’opposer à l’État ».

Il ajoute : « L’Iran s’oriente également vers la négociation, ce qui pourrait influencer l’ensemble de l’axe dans la région », en référence à l’« axe de la résistance » dirigé par Téhéran.

Plusieurs responsables du Hezbollah se sont récemment dits ouverts au dialogue sur une stratégie de défense, y compris sur l’avenir de leur armement, sans pour autant parler de le remettre.

Ghaddar indique qu’une faction, menée par des figures comme le nouveau secrétaire général Naim Qassem et le chef du bloc parlementaire Mohammad Raad, cherche à « gagner du temps », tandis qu’une autre faction souhaite prendre des mesures plus audacieuses.

Mais elle estime que toute division au sein du Hezbollah, si elle existe, relève d’un désaccord stratégique sur la survie du groupe, et non d’une volonté réelle de remettre ses armes.

Le Hezbollah a toujours justifié la possession de ses armes comme étant essentielle pour défendre le Liban face à toute « agression » israélienne. L’insistance d’Israël à maintenir ses forces sur cinq hauteurs « stratégiques » alimente cette rhétorique, selon les experts.

Chahrour souligne que « les Israéliens donnent clairement au Hezbollah une excuse pour garder ses armes » en ne respectant pas l’accord de cessez-le-feu.

Selon la source proche du Hezbollah, « l’armée libanaise n’a aucune capacité militaire pour défendre le sud face à une agression israélienne ». Il considère que « l’insistance des Américains à ce que l’armée détruise les missiles de la résistance, plutôt que de les conserver, est une preuve supplémentaire que les États-Unis ne veulent pas que l’armée libanaise soit forte, ni même qu’elle ait la capacité de résister à Israël ».

Le professeur et chercheur Karim Bitar compare la question à « l’énigme de l’œuf ou la poule ».

Il estime que le scénario le plus probable serait que le Hezbollah remette certaines de ses armes lourdes à l’armée, tout en affirmant qu’il n’est pas responsable des armes détenues par des civils qui lui sont loyaux mais ne sont pas officiellement membres du parti.

Il précise néanmoins que tout dépendra largement des négociations entre les États-Unis et l’Iran, qui viennent de commencer. Il explique que « sans feu vert iranien, il est peu probable que le Hezbollah accepte volontairement de remettre ses armes à l’armée, même si on lui propose de former une unité indépendante au sein de l’armée libanaise ».

Le Hezbollah est la seule faction militaire à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile libanaise en 1990, sous le prétexte de la « résistance » face à Israël.

Les options envisagées, selon David Wood, incluent le démantèlement complet de la structure militaire du Hezbollah ou l’intégration de ses armes à l’armée, avec une incorporation individuelle de ses combattants dans les rangs militaires. Mais il insiste sur le fait que « la voie la plus sûre » pour traiter la question du désarmement est « de prendre le temps nécessaire ».

Wood conclut qu’« il est possible que l’Iran envisage d’échanger son soutien à ses alliés régionaux, dont le Hezbollah, contre des concessions dans les négociations avec les États-Unis ».

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