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Le cri étouffé du Soudan : qui arrêtera la machine de répression avant que la dernière voix ne disparaisse ?


Dans ce moment historique complexe que traverse le Soudan, les questions sur le destin du pays se multiplient plus que jamais, et le conscient populaire se transforme d’une simple valeur sociale en condition existentielle pour la survie même de l’État. La guerre qui a éclaté et qui s’étend sans horizon n’est pas simplement un conflit armé entre deux forces, mais un test pour la conscience d’une société confrontée au risque de fragmentation, un point tournant qui déterminera si les Soudanais reprendront leur pays ou le laisseront à la merci des forces armées, des acteurs régionaux et des réseaux d’influence se nourrissant du chaos. Dans ce contexte, renforcer le conscient populaire, suivre les dossiers de violations et faire pression pour la justice ne sont pas des choix : c’est un devoir national qui ne tolère aucun report.

L’analyse réaliste du cours de la guerre révèle que l’absence de conscience, le fait de laisser l’information prisonnière des rumeurs, et le chaos discursif ont fourni un terrain fertile à la désinformation du public, à l’exploitation de sa peur et à son orientation loin des voies qui auraient pu prévenir l’effondrement. De nombreuses parties — internes ou externes — ont joué sur la faiblesse de la confiance entre les citoyens et les autorités, ainsi que sur la fragilité du paysage médiatique, transformant le citoyen en un récepteur perplexe consommant des informations sans pouvoir distinguer la vérité de la propagande. Ici, la première étape pour la résilience du Soudan consiste à restituer au peuple son droit à la connaissance et à réorienter la boussole vers le suivi des violations comme une responsabilité collective intemporelle.

Suivre les violations n’est pas seulement un travail juridique, c’est une pratique politique de premier ordre, car elle empêche la normalisation de la violence et bloque la réintégration des auteurs dans la scène publique. Chaque cas de disparition forcée, chaque bombardement contre des civils, chaque pillage, agression ou recrutement forcé doit devenir un dossier vivant, et non une simple nouvelle éphémère. Le conscient populaire véritable ne se contente pas de condamner les violations : il les suit, les documente, exige la reddition de comptes et impose à toute autorité — quelle qu’elle soit — de traiter le peuple comme détenteur de droits et non comme spectateur.

L’un des dangers les plus graves auxquels les sociétés sont confrontées pendant les guerres est la banalisation de la catastrophe, où le sang devient une nouvelle quotidienne et où la tragédie perd sa capacité de choquer. Cet engourdissement psychologique est ce que les parties au conflit cherchent à installer, car il permet à la guerre de se poursuivre sans conséquence et ouvre la voie à la restructuration de la scène politique et militaire au profit des centres de pouvoir, au détriment de la société. Ainsi, appeler à la solidarité populaire n’est pas un simple slogan émotionnel : c’est une manière de briser cette banalisation et de redonner de la valeur à l’être humain soudanais, devenu cible directe de l’appareil militaire et victime du silence du monde.

La solidarité populaire ne signifie pas seulement le soutien humain ; elle consiste également à bâtir un réseau de conscience résistant aux discours officiels lorsqu’ils désinforment, aux médias de guerre lorsqu’ils simplifient, et aux groupes armés lorsqu’ils falsifient. Chaque initiative de documentation, chaque média indépendant, chaque groupe de jeunes recueillant des témoignages, chaque organisation de la société civile suivant les crimes est une part de cette bataille de la conscience, aussi importante que toute bataille sur le terrain. La conscience du peuple est l’unique arme que les armées ne peuvent confisquer et que les milices ne peuvent soumettre par la force.

Sur le plan politique, il est devenu clair que les autorités — sous toutes leurs formes et transformations — ne réagissent que lorsqu’elles subissent une véritable pression de l’opinion publique. L’expérience des dernières années a montré que la pression populaire pacifique peut inverser les rapports de force et que les peuples qui surveillent et tiennent responsables sont ceux qui s’approprient leur avenir, et non ceux qui attendent que les dirigeants leur offrent des solutions toutes faites. Reconnaître cette réalité est une part essentielle de la reconstruction du contrat social au Soudan, où le citoyen devient le cœur du processus politique, et non un simple chiffre, une victime ou un acteur invisible.

Parler de conscience populaire au Soudan n’est pas un luxe intellectuel ; c’est une nécessité pour empêcher la répétition du même cycle : chaos, guerre, chute des institutions, puis reproduction des anciennes élites, ramenant le pays au point de départ. Seule la conscience peut déconstruire le discours de haine, limiter l’influence des seigneurs de guerre, révéler leurs liens et comprendre les cartes d’intérêts qui gouvernent le conflit. Lorsque le peuple perçoit l’ensemble de la situation, la capacité des belligérants à l’exploiter diminue, et il devient moins susceptible d’être mobilisé sur des bases tribales, régionales ou propagandistes.

Cependant, renforcer la conscience ne peut se réaliser si le citoyen se sent isolé. L’appel à la solidarité populaire n’a donc pas pour seul objectif de protéger les victimes, mais de créer une société capable d’unifier sa voix. La solidarité forge une force collective qui permet à la société d’imposer des demandes claires : cessation des violations, reddition de comptes des auteurs, protection des civils, ouverture des corridors humanitaires et récupération de l’État des mains des forces qui l’ont kidnappé.

L’avenir du Soudan aujourd’hui dépend de la capacité de son peuple à voir la vérité telle qu’elle est, et non telle qu’on souhaite qu’elle soit. La conscience est la bataille menée par la parole, le témoignage, la documentation, le refus et la persévérance : la justice n’est pas un luxe, mais une condition de survie de l’État. Le silence — dans de telles circonstances — n’est pas neutralité : c’est une participation indirecte au crime.

Le Soudan ne se relèvera pas par des solutions militaires, ne sera pas gouverné par la force, et ne se rétablira pas par des discours constructifs. Le Soudan renaîtra seulement lorsque son peuple retrouvera sa voix, décidera de ne plus accepter que sa vie soit gérée dans l’ombre, que des crimes soient commis en son nom, ou que les faits soient enterrés sous les décombres de la guerre.

Et si le monde traite la crise soudanaise avec froideur, le minimum que les Soudanais peuvent faire pour eux-mêmes est de refuser cette indifférence et de construire une conscience populaire vigilante, capable de faire obstacle à tous ceux qui veulent que le Soudan reste un champ de bataille, au lieu d’être un pays qui mérite de vivre.

C’est le véritable défi. Et c’est la seule voie pour sortir de ce long tunnel de guerre.

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