L’attaque terroriste de Paris souligne la question kurde
L’assassinat à Paris de trois Kurdes du vendredi par la France, qui a reconnu son crime d’« incitation à la haine », a contribué à mettre en évidence les revendications diffuses de ce peuple, au milieu de nombreux défis géopolitiques.
La manifestation en hommage aux deux victimes a mis en lumière la douleur de l’assassinat. Des manifestants ont chanté en kurde « Des martyrs ne meurent pas » et en français « Les femmes, la vie, la liberté », un slogan des manifestations en Iran.
Ils ont également appelé à la « vérité et à la justice », tandis que beaucoup ont rappelé l’assassinat à Paris, le 9 janvier 2013, de trois militantes du PKK, au cours d’un incident qui n’a pas encore été élucidé. Cela arrive à un moment où le PKK est considéré comme l’ennemi juré de la Turquie, que lui-même et l’Union européenne qualifient de « terroriste ».
Ci-dessous, la lumière est projetée sur un peuple sans État de 25 à 35 millions d’individus dispersés entre l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie.
Les Kurdes vivent dans des zones d’environ un demi-million de kilomètres carrés, essentiellement musulmans sunnites, ainsi que dans des minorités non musulmanes et des groupes politiques, essentiellement laïques.
L’effondrement de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale ouvre la voie à la création d’un État kurde. Mais après la victoire de Mustafa Kemal en Turquie, les Alliés sont revenus sur leur décision.
En 1923, le traité de Lausanne consacre le contrôle de la Turquie, de l’Iran, de la Grande-Bretagne et de la France sur les populations kurdes en Irak et en Syrie.
Depuis lors, les Kurdes qui demandent un Kurdistan unifié sont considérés comme une menace pour l’intégrité territoriale de leur pays d’installation, en fonction des caprices des événements internationaux, bien qu’ils soient parfois considérés comme des alliés provisoires de certaines puissances.
Mais les Kurdes, qui n’ont jamais vécu sous une autorité centrale, sont aussi divisés en une myriade de partis et de factions. Ces mouvements transfrontaliers sont souvent contradictoires, notamment en raison d’alliances avec des régimes voisins.
En Syrie, les Kurdes ont adopté une position neutre au début de la guerre civile de 2011, avant de profiter du chaos et d’établir une auto-administration dans les régions du nord.
Par la suite, les combattants kurdes ont dominé la coalition des Forces démocratiques syriennes, qui combattit l’État islamique, avec le soutien de l’alliance internationale menée par les États-Unis.
Les Forces démocratiques syriennes contrôlent maintenant un territoire où des dizaines de milliers de djihadistes et leurs familles sont détenus, et réclament sans succès leur retour dans leur pays d’origine.
Mais alors qu’ils considèrent qu’ils ont combattu l’État islamique au Levant, au nom du reste du monde, la Turquie les poursuit.
Le 20 novembre, Ankara a lancé une série de frappes aériennes contre les positions de combattants kurdes dans le nord de la Syrie. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan menace de déclencher une opération militaire terrestre dans le nord de la Syrie.
La question kurde occupe l’un des nombreux axes de tension dans les relations bilatérales entre Paris et Ankara.
Cela dit, les éléments de l’enquête sur le meurtre de trois activistes du PKK en 2013 à Paris suggèrent que le suspect aurait probablement été agi pour le compte des services de renseignement turcs. Ce dernier est mort, mais les juges anti-terroristes ont repris l’enquête.
En avril 2021, quatre hommes d’origine kurde ont été attaqués avec des barres de fer dans un bureau d’une association situé à Lyon, dans le centre-est de la France, dans le cadre d’une attaque imputée aux « Loups gris », le nationalisme ultra-turc récemment dissous.
Pour des raisons évidentes, la tragédie du vendredi à Paris a soulevé des inquiétudes chez 150 000 Kurdes en France.
Le directeur du Centre français de recherche sur l’Irak, Adil Bakhwan, a déclaré au journal français « Le Journal du Dimanche » qu’il y avait des menaces directes, que les institutions politiques, culturelles et diplomatiques kurdes en France avaient raison de se sentir terrifiées. Il a également exprimé sa crainte que les excès commis en marge des manifestations « sapent la solidarité considérable de l’opinion publique française ».
En outre, la communauté kurde rejette l’hypothèse du crime raciste par un homme qui agit seul. Le jeune président du Conseil Démocratique Kurde de la France dit deux fois: « Le système fasciste d’Erdoğan a été frappé à nouveau ».
Sans aucun lien apparent, un jeune « d’origine turque » de 40 ans a été placé en garde à vue mardi, après avoir été atteint d’une coupe de cheveux « d’origine kurde » à Rubix (Nord), dans une altercation liée à une transmission de musique kurde, selon l’agence France Presse, d’une source proche de l’enquête.
Pour sa part, Ankara a convoqué l’ambassadeur de France en Turquie pour lui faire part de son « mécontentement pour la propagande noire du PKK », selon une source diplomatique turque, l’agence France-Presse.
Le Ministère français des Affaires étrangères déclare à France Presse que « notre ambassadeur a souligné le caractère honteux de l’attaque », notant que « le ministère public a publiquement parlé de l’existence d’une motivation raciste chez le suspect ».