Politique

L’attaque des fantômes noirs : la Russie revient-elle à la guerre de guérilla par la porte syrienne ?


Dans une scène qui ravive les souvenirs des guerres du Caucase et redessine les cartes des affrontements au Moyen-Orient, la base militaire russe de Hmeimim en Syrie a été la cible d’une attaque sans précédent. Des assaillants russophones, probablement originaires d’Ouzbékistan, ont mené l’opération que plusieurs observateurs qualifient de « tournant stratégique » dans la nature du conflit syrien.

La menace ne provient plus uniquement de groupes locaux ou de factions dissidentes. Elle adopte désormais une dimension transfrontalière, faisant ressurgir les traumatismes de la Tchétchénie et du Daghestan, et alimentant une inquiétude existentielle au cœur même de Moscou. L’attaque, qui a coûté la vie à trois soldats russes, dépasse le cadre d’un simple incident sécuritaire : elle pourrait annoncer une nouvelle vague de représailles idéologiques et historiques contre la présence russe.

La Russie parviendra-t-elle à contenir cette escalade aussi soudaine que mystérieuse ? Ou bien la Syrie deviendra-t-elle un nouveau champ de règlement de comptes entre le Kremlin et les « fantômes du passé » décidés à se venger d’une guerre jamais vraiment achevée ? Ces interrogations cruciales émergent dans un climat d’insécurité persistante et au cœur de transformations politiques encore instables dans la Syrie post-Assad.

Escalade sans précédent

Dans un développement alarmant qui reflète l’évolution des menaces sécuritaires en Syrie, trois soldats russes ont été tués et plusieurs autres blessés lors d’une attaque audacieuse contre la base de Hmeimim, dans la province de Lattaquié. Les assaillants, soupçonnés d’être d’origine ouzbèke, ont pénétré les abords de la base, lançant des grenades et ouvrant le feu.

Le Kremlin a qualifié cette opération de « montée en puissance sans précédent », soulevant de nombreuses questions quant à l’identité des assaillants et à leurs motivations idéologiques. Bien que les attaques contre les installations russes en Syrie aient été rares depuis l’intervention militaire de Moscou en 2015, celle-ci se distingue par sa complexité et la nature de ses auteurs : des russophones appelant les soldats russes à se rendre, selon les interceptions radio.

Une méthode qui rappelle les tactiques employées par les combattants tchétchènes dans les années 1990, lors des sanglants affrontements avec l’armée russe.

Inquiétude profonde

Le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a exprimé sa « profonde inquiétude » face à la répétition d’attaques menées par des groupes extrémistes. Il a averti que la Russie ne tolérerait aucune menace contre ses forces déployées à l’étranger, sous-entendant la possibilité de frappes préventives contre les zones suspectées d’abriter des combattants étrangers.

L’héritage du sang : de la Tchétchénie à la Syrie

Les combattants étrangers originaires d’Ouzbékistan ou de Tchétchénie, qui s’étaient opposés à l’armée russe par le passé, n’ont jamais disparu. Ils ont simplement trouvé un nouveau théâtre d’opérations en Syrie, profitant du chaos et de l’effritement de l’autorité centrale.

Ces « fantômes noirs », comme les surnomme la presse russe, ont combattu aux côtés des factions rebelles pendant les années de guerre. Mais depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en 2024, certains redirigent leurs armes contre leur vieil ennemi : la Russie.

Avant l’effondrement du régime, les services de renseignement estimaient leur nombre à environ 12 000, dont la moitié seraient d’origine tchétchène ou ouzbèke.

Alors qu’ils ciblaient autrefois le régime syrien, le vide politique et sécuritaire actuel a ranimé des comptes non réglés, cette fois sur le sol syrien.

Une menace pour une stabilité fragile

Ces évolutions inquiètent non seulement Moscou, mais aussi les nouvelles autorités syriennes, qui tentent de rétablir un semblant d’ordre. La présence incontrôlée de combattants étrangers constitue une menace directe pour la sécurité intérieure, d’autant plus que les pressions américaines se poursuivent pour les expulser.

Cependant, la tâche est ardue : les défis sécuritaires sont imbriqués, les allégeances des factions sont multiples, et l’État peine à contrôler l’ensemble du territoire.

La Russie redoute surtout que la Syrie ne devienne une « nouvelle Tchétchénie », mais cette fois à des milliers de kilomètres de ses frontières. Le Kremlin craint que l’attaque de Hmeimim ne soit que le début d’une série de représailles lancées depuis la Syrie et susceptibles d’atteindre le sol russe.

Scénarios à venir

Face à cette menace, trois scénarios sont envisagés :

  1. Une réponse militaire élargie par des frappes ciblées contre les positions soupçonnées d’abriter des extrémistes étrangers, notamment dans le nord-ouest de la Syrie ; 
  2. Un renforcement de la coopération sécuritaire avec Damas, via le déploiement d’unités spéciales soutenues par l’armée syrienne pour traquer ces groupes ; 
  3. L’ouverture de canaux diplomatiques avec des acteurs clés comme la Turquie et les États-Unis pour contenir les mouvements de ces combattants et démanteler leurs réseaux de soutien.
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