La sécurité du Kurdistan et le démantèlement des milices sont les conditions posées par Washington pour soutenir l’Irak
Le député républicain Joe Wilson exige, pour accorder un soutien sécuritaire et économique au gouvernement fédéral, la prévention des attaques menées par les milices contre les champs pétroliers de la région.
Le membre républicain du Congrès américain, Joe Wilson, a rouvert l’un des dossiers les plus sensibles dans les relations entre les États-Unis et l’Irak, après avoir annoncé que le soutien du Congrès à Bagdad dépend désormais du démantèlement des milices soutenues par l’Iran et de la garantie de la protection du Kurdistan. Ses déclarations, publiées dans un long message sur la plateforme X, révèlent une orientation américaine croissante fondée sur une formule explicite : l’abandon par l’Irak des groupes armés pro-Téhéran et le respect de la sécurité de la région en échange d’une aide économique et sécuritaire élargie de Washington. Selon des observateurs, ce discours reflète une politique américaine assumée reposant sur le principe de la carotte et du bâton dans la gestion du dossier irakien.
Wilson a commencé son message en saluant le rôle de l’ancien président américain Donald Trump et de son envoyé spécial en Irak, Mark Savaya, estimant que ce dernier avait présenté à Bagdad une vision de reconstruction de l’État à condition d’abandonner le soutien aux milices liées à Téhéran. Il a souligné que « libérer l’Irak de l’Iran » est devenu une nécessité urgente.
L’évocation récurrente de Mark Savaya depuis sa nomination en octobre dernier comme envoyé spécial en Irak – le troisième après Paul Bremer et Brett McGurk – confirme, selon lui, que Washington redéfinit son approche vis-à-vis de Bagdad, notamment dans un contexte où l’administration Trump considère disposer d’une « dernière chance » pour impulser un changement profond dans le comportement du gouvernement irakien.
Le point le plus sensible dans les déclarations de Wilson était son annonce que, pour la première fois, le Congrès est prêt à inclure des clauses conditionnelles dans la loi d’autorisation de la défense nationale, permettant de fournir une aide sécuritaire à l’Irak à condition que des mesures concrètes soient prises pour arrêter le soutien aux milices pro-iraniennes. Il s’agit d’un tournant majeur dans les outils de pression américains, qui passent de positions politiques générales à des conditions législatives formelles et contraignantes.
Il a également précisé que la loi contient déjà des dispositions qu’il a contribué à introduire au fil des années, interdisant d’orienter tout financement américain vers des milices classées comme dangereuses, telles que l’Organisation Badr et d’autres formations accusées par Washington d’opérer dans l’orbite iranienne en Irak.
Il est clair que le discours de Wilson ne s’éloigne pas de la pression exercée par Washington ces dernières années, mais il se présente aujourd’hui avec davantage de fermeté. Il a décrit l’Irak comme un pays « sous contrôle iranien » dans ses institutions militaires, sécuritaires, judiciaires et politiques, citant des groupes comme les Kataeb Hezbollah, Asaib Ahl al-Haq et les Kataeb Imam Ali, et accusant le système judiciaire et son président, Faiq Zaidan, d’être alignés sur Téhéran.
Les déclarations du député américain ont coïncidé avec une nouvelle série de sanctions imposées début octobre 2025 par le Département du Trésor américain, visant des personnalités bancaires et des entreprises irakiennes liées aux Gardiens de la révolution et aux Kataeb Hezbollah, dont la société Al-Muhandis, bras
économique du Hachd al-Chaabi. Washington a justifié ces sanctions comme une tentative de démanteler des réseaux de financement et de blanchiment d’argent utilisés pour soutenir les groupes armés.
Wilson a également appelé à cesser le financement du Hachd al-Chaabi et des autres milices par le budget fédéral, à empêcher le transfert d’argent vers l’Iran, et à soumettre le secteur pétrolier irakien à un audit international complet, tout en demandant le désarmement permanent des groupes pro-Téhéran.
Malgré son ton ferme, le discours du député républicain contenait un aspect incitatif. Il a évoqué une « opportunité de prospérité » si l’Irak décidait de modifier son orientation politique et sécuritaire, indiquant que les États-Unis sont prêts à ouvrir la voie à une coopération économique plus large et à renforcer l’aide, à condition que Bagdad prouve sa volonté de réduire l’influence iranienne.
Wilson s’est également aligné sur le discours récent de l’envoyé Savaya qui affirmait que l’Irak se trouve à un « carrefour » entre le contrôle des armes ou le retour à une « spirale de complexité », soulignant qu’aucune économie ne peut prospérer en présence d’un double pouvoir entre l’État et les milices. Washington présente cette voie comme un moyen de consolider l’État de droit et de renforcer l’image de l’Irak en tant qu’État souverain capable de bâtir des relations internationales équilibrées.
Une partie des déclarations de Wilson s’est concentrée sur la région du Kurdistan, appelant le gouvernement fédéral à empêcher les groupes soutenus par l’Iran de cibler la région. Cette demande intervient après une série d’attaques par roquettes et drones, dont la dernière a visé le champ gazier de Kormor fin novembre, la onzième attaque contre ce site considéré comme vital pour l’électricité de la région et de plusieurs provinces voisines.
Ce point reflète la volonté de Washington de maintenir le Kurdistan comme un allié stratégique stable dans la région, perçu comme un facteur d’équilibre face à l’influence iranienne en Irak.
Critiquant la structure politique irakienne, Wilson a estimé que les résultats des dernières élections, remportées par les forces du « Cadre de coordination », ne changent rien à la « réalité de la pénétration iranienne profonde », affirmant que la majorité des Irakiens, toutes communautés confondues, aspirent à un État indépendant exempt d’ingérences étrangères, mais que les structures actuelles ne le permettent pas.
Wilson a conclu en affirmant que le Congrès « ne donnera pas de chèques en blanc indéfiniment à l’Irak », appelant Bagdad à saisir l’occasion offerte par l’administration Trump et l’envoyé Savaya avant qu’il ne soit trop tard. Il a insisté sur le fait que l’avenir de l’Irak pourrait être plus prospère s’il choisissait de bâtir des relations fondées sur le commerce et les partenariats régionaux et internationaux, plutôt que de s’engager dans des dynamiques servant l’Iran.
Les déclarations du député républicain révèlent les contours d’une stratégie américaine complexe, mêlant pressions, sanctions et menaces d’un côté, et promesses de coopération et de soutien économique de l’autre. Il s’agit d’une application claire de la politique de la carotte et du bâton, appliquée à l’Irak à un moment délicat susceptible de façonner les relations entre les deux pays pour les années à venir.
