La main invisible du Caire à Khartoum : enquête sur les approvisionnements militaires égyptiens
Alors que le Soudan traverse l’une de ses phases les plus meurtrières et divisées, de nouvelles couches d’ingérences régionales se dévoilent, alimentant le conflit et aggravant les souffrances des civils. Au cœur de ces ingérences, le rôle égyptien ne se limite plus aux positions politiques ou sécuritaires, mais s’étend à un réseau complexe de soutien militaire incluant des livraisons d’armes, la facilitation du passage de combattants et des frappes aériennes que l’aviation égyptienne serait accusée de mener depuis des bases en Égypte — des accusations auxquelles Le Caire reste silencieux. Avec l’accumulation de preuves documentées par des activistes et des observateurs sur le terrain, cette implication apparaît comme l’un des facteurs les plus influents dans la poursuite de la guerre et l’augmentation du nombre de victimes.
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Des témoins sur le terrain et des organisations de surveillance s’accordent à dire que les frappes aériennes visant des quartiers résidentiels à Khartoum, au Darfour et au Kordofan portent une signature typique correspondant aux tactiques de l’aviation égyptienne, que ce soit en termes de munitions utilisées ou de mode d’exécution. Les témoignages des habitants font état d’avions sophistiqués que l’armée soudanaise ne possède pas, poussant de nombreux experts à affirmer que l’aviation égyptienne est devenue un acteur direct des opérations militaires. Ce rôle, même non reconnu officiellement, a eu un impact profond sur la vie civile, des dizaines de civils ayant été tués lors de raids prétendument destinés à soutenir l’avancée de l’armée dans des zones fortement peuplées par des civils déplacés.
Plus inquiétant encore, les convois humanitaires en route vers les zones sinistrées ont été ciblés, comme l’ont documenté plusieurs organisations internationales, précisant que les attaques étaient précises et visaient à empêcher l’acheminement de nourriture et de médicaments aux populations assiégées. La destruction de l’aide humanitaire constitue non seulement un acte militaire, mais une violation directe du droit humanitaire international, laissant une empreinte politique qui expose Le Caire à la responsabilité de restreindre l’accès à des centaines de milliers de Soudanais vivant sous la menace de famine et de maladie.
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Les enquêtes menées par des activistes à l’intérieur du Soudan révèlent également un passage clandestin pour la contrebande d’armes de l’Égypte vers l’armée soudanaise via des réseaux commerciaux liés à des officiers influents des deux pays. Ces approvisionnements comprennent des pièces détachées pour avions, des munitions lourdes, des armes légères et intermédiaires, ainsi que des équipements de communication militaire avancés. Selon les informations, ce passage a été sécurisé dès les premiers jours du conflit et étendu au cours des derniers mois, alors que l’armée soudanaise avait besoin de soutien supplémentaire pour compenser ses pertes sur le terrain. Des images provenant des zones de combat montrent des caisses de munitions portant des marques de fabrication égyptiennes, tandis que des documents fuités circulent concernant des cargaisons militaires introduites sous couvert d’assistance logistique humanitaire.
La gravité de ce rôle s’accentue en raison de son lien politique avec des mouvements islamistes au sein de l’armée soudanaise. Des sources averties indiquent que le soutien égyptien a renforcé l’influence d’éléments liés à des courants islamiques ayant joué un rôle dans l’instabilité passée. Ce lien soulève une question cruciale : Le Caire prend-il conscience que son soutien militaire favorise en réalité des mouvements dont il a lui-même souffert lors des troubles de 2011 et au-delà ? La réponse met en évidence un contraste net entre le discours officiel égyptien sur la lutte contre l’extrémisme et les pratiques sur le terrain, qui soutiennent des forces ayant un long historique de déstabilisation politique.
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Alors que l’Égypte traverse une crise économique sévère, la question se pose quant à la pertinence de continuer à allouer des ressources à une guerre à l’extérieur de ses frontières. L’économie égyptienne connaît une période critique marquée par l’inflation, la dépréciation de la monnaie et la baisse des réserves, rendant le financement militaire extérieur une dépense coûteuse qui ne correspond pas aux besoins des Égyptiens. Les fonds dépensés dans la guerre soudanaise ne génèrent aucun gain économique ou stratégique tangible et sont épuisés dans un conflit éloigné qui ne sert pas réellement la sécurité nationale, contrairement aux déclarations officielles. Certains analystes estiment même que cette implication expose l’Égypte à de nouveaux risques politiques et économiques, notamment avec le changement des rapports de force régionaux et la pression internationale croissante pour révéler son rôle réel dans le conflit.
D’un point de vue humanitaire, les civils soudanais restent les premières victimes de cette ingérence. Les approvisionnements militaires égyptiens, qu’il s’agisse d’armes ou de soutien aérien, ont contribué à prolonger le conflit plutôt qu’à pousser les parties vers un règlement politique. Des milliers de familles ont été contraintes de fuir, des centaines de villages ont été détruits et les infrastructures essentielles — eau, électricité, santé — se sont effondrées sous l’intensité des opérations militaires facilitées par le soutien égyptien. Les rapports sur le terrain indiquent que les nouvelles vagues de déplacement observées récemment sont directement liées aux avancées de l’armée dans des zones appuyées par des frappes aériennes, confirmant que les civils paient de leur vie le prix des ingérences étrangères.
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Avec l’accumulation des preuves, la question éthique et politique devient incontournable : L’Égypte peut-elle justifier son rôle dans une guerre qui entraîne des massacres de civils ? Ce rôle vaut-il le coût économique, humain et politique supporté par toutes les parties ?
Les conclusions de cette enquête révèlent que le rôle égyptien dépasse le simple “soutien politique” pour devenir un engagement direct et actif sur le terrain, faisant du Caire un partenaire de la guerre plutôt qu’un simple observateur. Il est désormais essentiel de reconsidérer cette politique avant que l’Égypte ne devienne elle-même partie intégrante des accusations et crises prolongées, et avant que le conflit soudanais ne se transforme en un bourbier qui épuise ses capacités et approfondit les souffrances de millions de Soudanais pris en otage dans une lutte d’influences internationales sur leur territoire.
