La justice entre les mains des Houthis : comment le système judiciaire yéménite est devenu un instrument politique de répression
Dans une nouvelle démonstration de leur mainmise sur les institutions de l’État dans les zones qu’ils contrôlent, la milice houthiste a créé ce qu’elle appelle « l’Autorité suprême de la justice », un organisme remplaçant le Conseil supérieur de la magistrature. Cette décision, rapportée par plusieurs sources yéménites, s’inscrit dans une stratégie visant à remodeler le système judiciaire afin qu’il serve les intérêts politiques et idéologiques du mouvement.
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Selon des analystes, cette initiative marque le début d’une transformation profonde du concept même de justice, qui devient désormais « confessionnelle » et subordonnée à une idéologie religieuse plutôt qu’à la constitution.
Les Houthis ont procédé à l’éviction de dizaines de juges associés à l’ancien système judiciaire, les remplaçant par des partisans formés dans des instituts religieux affiliés au mouvement.
L’« Autorité suprême de la justice » nouvellement instaurée a également modifié les mécanismes de nomination et de procédure judiciaire, plaçant de fait le pouvoir judiciaire sous la tutelle directe du Conseil politique suprême, l’organe exécutif contrôlé par les Houthis à Sanaa.
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Mais ces transformations ne se limitent pas à la sphère administrative : elles touchent également le fond même de la justice. Les tribunaux, désormais politisés, prononcent des verdicts contre des opposants, des journalistes et des militants, souvent sous les accusations vagues et idéologiquement chargées de « trahison » ou de « corruption sur terre ».
Ces procès servent à semer la peur, à museler la presse indépendante et à légitimer la confiscation de biens privés sous le prétexte de « protection de la souveraineté nationale ».
Pour de nombreux observateurs, cette évolution inquiétante traduit un effort systématique de « confessionnalisation » de la justice, transformant le système judiciaire en instrument de domination idéologique et de contrôle politique, à l’image du modèle iranien dont les Houthis s’inspirent largement.
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Alors que le pouvoir judiciaire devrait être le garant impartial de la loi, il est devenu dans les zones contrôlées par les Houthis un outil de leur autorité politique. Cette instrumentalisation compromet les fondements mêmes de la justice et annihile toute possibilité de reconstruire un État de droit au Yémen.
Le rapport conclut que le système judiciaire dans les régions tenues par les Houthis n’est plus une institution constitutionnelle indépendante, mais plutôt une façade légale servant un pouvoir de facto. Les décisions y sont rendues selon le critère du loyalisme, non de la compétence. Tant que ces pratiques persistent, la justice au Yémen risque de demeurer un instrument de persécution politique, au service de la répression plutôt que de l’équité et de la protection des droits.
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