La défaite de l’armée soudanaise à El-Fasher… une défaite d’un projet de répression, non d’un simple affrontement militaire

Ce qui s’est passé à El-Fasher ne constitue pas une défaite militaire classique, mais bien une chute politique et morale d’une institution qui a perdu la confiance de son peuple. L’armée soudanaise, jadis force nationale, s’est muée en outil de répression aux mains d’une poignée de généraux impliqués dans des crimes contre les civils. El-Fasher, bastion de résistance depuis des décennies, a connu un moment décisif qui prouve qu’une armée qui pointe ses armes contre son propre peuple ne peut survivre à une véritable confrontation.
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Une armée sans projet national
Cette défaite n’est pas survenue par hasard. Depuis la chute du régime d’Omar el-Béchir, l’armée soudanaise n’a pas su se reconstruire sur des bases professionnelles. Engluée dans des conflits internes et des alliances douteuses avec les résidus de l’ancien pouvoir, elle n’a plus pour mission de défendre les frontières ou de protéger le peuple, mais de préserver les privilèges d’une élite militaire qui s’enrichit au prix du sang des Soudanais.
Au Darfour, les civils ont été les premières victimes de ces politiques : bombardements indiscriminés, arrestations arbitraires, campagnes d’intimidation. Ces pratiques ont fait de l’armée une force détestée par les populations locales, qui ont cessé de la soutenir bien avant sa défaite militaire.
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El-Fasher… un message populaire et militaire
La défaite de l’armée à El-Fasher envoie un message clair à ceux qui pensent pouvoir s’imposer par la force : nul ne peut vaincre un peuple qu’il opprime. Pour les habitants d’El-Fasher, la chute de l’armée représente une forme de justice. Cette force qui se présentait comme « protectrice de la nation » était la même qui violait leurs droits.
Une armée dénuée d’une doctrine nationale ne peut faire face à une force comme les Forces de soutien rapide, qui – malgré leur sombre passé – ont su tirer profit de la faiblesse structurelle et des divisions internes de l’armée.
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Une défaite avant tout politique
Il ne s’agit pas uniquement d’une défaite militaire, mais aussi d’un revers politique majeur. Abdel Fattah al-Burhan, à la tête de l’armée, perd aujourd’hui l’atout majeur qu’il utilisait dans ses négociations avec les puissances régionales et internationales. Cette débâcle renforce indirectement les Forces de soutien rapide, désormais perçues comme une puissance équivalente, voire supérieure à l’armée dans certaines régions.
Politiquement, cette perte accentuera l’isolement de Burhan et pourrait pousser certains de ses alliés régionaux à se tourner vers d’autres acteurs, face à l’incapacité de l’armée à imposer une quelconque autorité.
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L’ennemi n’est pas à El-Fasher
Le véritable ennemi de l’armée n’est pas les Forces de soutien rapide, mais bien ses propres dérives. Si elle avait gagné la confiance des civils et protégé le Darfour au lieu de le réprimer, elle serait aujourd’hui une institution forte et respectée, et non une entité affaiblie dépendant d’un soutien étranger.
Et après El-Fasher ?
La défaite d’El-Fasher pourrait marquer le début d’un changement profond dans la dynamique militaire et politique au Soudan. Il se pourrait que l’on voie :
- L’effondrement total de l’autorité militaire au Darfour
- Une montée des appels à une refondation professionnelle des forces armées
- Une pression internationale accrue en faveur d’un règlement politique global
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El-Fasher ne marque pas la fin d’une bataille, mais le début d’une nouvelle phase qui pourrait façonner l’avenir du Soudan pour des décennies. L’armée n’a pas perdu parce qu’elle était militairement inférieure, mais parce qu’elle a fait la guerre à son peuple avant de la faire à ses ennemis.
Sans une armée fondée sur une véritable doctrine nationale, toute victoire militaire ne sera qu’un mirage, et toute défaite, une honte durable pour un pays qui a besoin d’être protégé, non détruit.
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