La coexistence des contraires à Gaza : une vie qui palpite parmi les morts
À Gaza, la mort n’est plus une fin éternelle, mais un voisin partageant avec les vivants les détails de leur quotidien au milieu des tombes, dans une scène où s’incarne la coexistence des contraires.
La surpopulation et l’absence d’abris dans l’ensemble de la bande de Gaza ont poussé environ trente familles déplacées à vivre sous des tentes dans un cimetière de Khan Younès, au sud de la bande. Vivants et morts partagent ainsi le même espace à la recherche d’un refuge.
Les squelettes sont ainsi devenus les voisins de certains Palestiniens qui n’ont trouvé d’abri que dans les cimetières pour fuir la guerre.
L’agence Associated Press indique que les pierres tombales servent désormais de sièges et de tables pour des familles comme celle de Maysaa Brika, qui vit avec ses enfants dans un cimetière de Khan Younès depuis cinq mois. Environ trente familles y ont trouvé refuge.
Devant l’une des tentes, un enfant blond s’amuse à faire glisser le sable entre ses doigts pendant la journée, tandis qu’un autre observe timidement derrière un rideau de tissu.
Mais la nuit a un autre visage. « Quand le soleil se couche, les enfants ont peur et ne veulent pas sortir. J’ai quatre petits. Ils ont peur de sortir à cause des chiens la nuit, et à cause des morts », confie Brika.
Au cours des deux années de guerre déclenchée à la suite de l’attaque du Hamas contre le sud d’Israël, le 7 octobre 2023, plus de deux millions de Palestiniens ont été déplacés dans la bande de Gaza.
Les familles se sentent mal à l’aise de vivre parmi les tombes, mais elles n’ont pas d’autre choix. Brika indique que la maison de sa famille à Khan Younès a été totalement détruite et que le quartier est désormais sous contrôle israélien.
Certains habitants du cimetière de Khan Younès viennent du nord de Gaza, loin des sépultures de leurs proches.
Mohammed Shamma raconte qu’il vit dans le cimetière depuis trois mois. Debout sur une pierre tombale brisée, il confie en fixant le soleil : « Je suis un homme adulte, mais j’ai toujours peur des tombes la nuit, alors je me cache dans ma tente. »
Son épouse, qui lave sa vaisselle dans un petit récipient en préservant chaque goutte d’eau, ajoute que « le manque d’argent pour se loger ailleurs est l’une des raisons pour lesquelles les familles restent parmi les tombes ».
Elle poursuit : « Bien sûr, la vie dans le cimetière est pleine de peur, de terreur et d’anxiété. Nous ne dormons presque pas, en plus de la tension constante que nous subissons. »
Même les tombes ne sont pas sûres
Même parmi les morts, la sécurité n’existe plus. Selon l’ONU et d’autres observateurs, les forces israéliennes ont bombardé des cimetières pendant la guerre.
Israël accuse le Hamas d’utiliser certains cimetières comme lieux de dissimulation, estimant que cela leur fait perdre leur protection juridique.
