L'Europe

Islam politique et espace numérique en Europe : recrutement, expansion et dérive préoccupante


Les organisations de l’islam politique exploitent ce que l’on appelle les « nouveaux médias » et l’univers du jeu vidéo comme voies de recrutement et de diffusion « inhabituelles ».

Des réseaux d’influenceurs atypiques à la transformation des jeux en ligne en plateformes de communication et de financement, ces mouvements semblent avoir trouvé en Europe un terrain d’action échappant au contrôle des États, facilitant ainsi leurs activités de mobilisation et de prosélytisme.

Les réseaux sociaux, par leur rapidité, leur attractivité visuelle et sonore ainsi que leur simplicité d’utilisation, offrent un champ d’action quasi illimité en termes de portée et d’accessibilité. Il n’est donc pas surprenant que des acteurs et influenceurs proches de l’islam politique y soient particulièrement actifs.

Ces dernières années, plusieurs plateformes ont renforcé leurs mesures de lutte contre l’extrémisme, sous la pression notamment des gouvernements, grâce à l’usage croissant de l’intelligence artificielle. Dans ce cadre, publications, vidéos, images et profils sont scrutés afin de détecter des contenus susceptibles d’être liés à l’extrémisme ou au terrorisme. Ces contenus sont ensuite supprimés automatiquement ou transmis à des modérateurs humains.

Cependant, des tactiques de contournement se développent : certains groupes utilisent des émojis, des sous-entendus ironiques ou des codes linguistiques (« dog whistling ») pour transmettre leurs messages à un public acquis, sans attirer l’attention des algorithmes de surveillance.

Grâce à ces méthodes, un réseau d’influenceurs liés à l’islam politique opère sur les réseaux sociaux européens, notamment dans les pays germanophones, avec pour objectif d’étendre ces courants, d’ancrer leur présence dans l’espace public et de recruter de nouveaux adeptes.

Selon le rapport annuel du Centre de documentation sur l’islam politique en Autriche, certaines chaînes YouTube figurent parmi les plus influentes dans ce domaine en langue allemande : LoveAllah (28 300 abonnés, 7 495 vidéos en avril 2025), Muslim Interaktiv (18 700 abonnés, 214 vidéos) et Im Auftrag des Islam (21 400 abonnés, 834 vidéos). Ces chaînes sont également actives sur Instagram, Facebook et TikTok.

À cela s’ajoute une galaxie d’influenceurs, dont Hana Hacen, ancienne mannequin et championne du monde de kick-boxing, devenue islamiste radicale, qui dispose désormais de 200 000 abonnés sur les réseaux sociaux.

Un fil conducteur relie ces plateformes aux dynamiques de radicalisation, particulièrement chez les mineurs. Le quotidien autrichien Der Standard a rapporté, par exemple, que l’auteur présumé du projet d’attentat contre un concert de Taylor Swift à Vienne, à l’été 2024, aurait été radicalisé via TikTok et d’autres réseaux sociaux. Dans ce contexte, le prédicateur extrémiste Abou Barah, basé à Berlin, est cité comme influenceur possible, ses vidéos courtes et divertissantes atteignant particulièrement les jeunes publics.

Le rapport souligne l’interconnexion entre les sphères allemandes et autrichiennes : les influenceurs suivis par des milliers d’utilisateurs en Allemagne trouvent également un public important en Autriche. Les événements politiques, sociaux et historiques, tels que la guerre de Gaza, sont exploités pour amplifier la propagation des idéologies extrémistes en ligne.

Un phénomène émergent, jugé préoccupant, est la convergence croissante entre islamisme et univers des jeux en ligne. Ces espaces numériques servent à la fois de canaux de communication et de plateformes financières, échappant largement au contrôle des États en raison de leur opacité et du langage codé qui y circule.

De plus, le mouvement islamiste développe progressivement une autonomie financière et s’impose, dans certains cas, comme un modèle économique viable grâce aux multiples possibilités de monétisation offertes par les réseaux sociaux, selon ce rapport de 178 pages.

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