Interdiction, contrôle et sensibilisation… L’Allemagne intensifie la lutte contre le terrorisme numérique
Entre interdictions ciblées et stratégies de résilience sociétale, l’Allemagne avance sur un terrain brûlant : celui du recrutement terroriste en ligne, dans l’espoir de contrer la dynamique des algorithmes.
Les autorités allemandes ont porté un coup majeur à l’un des principaux réseaux de recrutement en ligne en interdisant, le mois dernier, l’organisation Muslim Interaktiv, liée aux Frères musulmans. Mais d’autres organisations terroristes, telles que Daech, Al-Qaïda et diverses cellules informelles, continuent d’opérer sans structures visibles, via des individus disséminés sur les réseaux sociaux et les plateformes de jeux vidéo, aggravant ainsi les risques.
À titre d’exemple, les services de sécurité de l’État de Basse-Saxe ont enregistré une hausse du radicalisme islamiste chez les jeunes, les prédicateurs de haine semblant cibler tout particulièrement les adolescents psychologiquement vulnérables.
Ces derniers jours, des experts ont débattu, lors d’une session consacrée à la lutte contre l’extrémisme en ligne, des moyens de protéger les jeunes de l’islamisme. La ministre de l’Intérieur de Basse-Saxe, Daniela Behrens, a exprimé sa préoccupation face aux méthodes de recrutement utilisées par les extrémistes.
Selon la ministre, les groupes d’islam politique ont récemment exploité le conflit israélo-palestinien comme porte d’entrée pour recruter des jeunes sur Internet.
Pour sa part, le chef de l’Office de protection de la Constitution en Basse-Saxe, Dirk Pejril, a mis en garde contre la sous-estimation des conséquences de l’islamisme radical, affirmant que « la menace d’attentats reste élevée ».
Comment le terrorisme exploite-t-il les algorithmes ?
Sur TikTok en particulier, prédicateurs et influenceurs exploitent le conflit au Moyen-Orient pour convaincre les jeunes d’adhérer à leur idéologie.
Selon un rapport antérieur du renseignement intérieur allemand, TikTok joue un rôle central dans la diffusion de contenus islamistes en ligne. Les groupes extrémistes tirent pleinement parti de l’influence, du fonctionnement algorithmique et de la large portée de la plateforme.
Le rapport de l’Office de protection de la Constitution de l’État de Brandebourg attribue l’attrait de TikTok auprès des organisations terroristes à deux facteurs : d’une part, le nombre très élevé d’utilisateurs, permettant d’atteindre un large public ; d’autre part, le lien entre le contenu vidéo et la dynamique algorithmique, qui expose rapidement les jeunes à un grand volume de contenus.
Les réseaux sociaux et autres plateformes vidéo comme Instagram et YouTube jouent également un rôle important dans le recrutement, mais l’impact est plus fort et plus rapide sur TikTok, selon le même rapport.
De plus, le chercheur Andreas Zick a souligné un point crucial : « Les groupes islamistes tentent d’attirer les jeunes souffrant de troubles psychologiques », rapportent plusieurs médias.
Une réponse sociétale
Des rapports antérieurs de l’Office de protection de la Constitution ont évoqué la surveillance des activités terroristes en ligne et l’interception des communications, dans une logique préventive visant à empêcher des attaques.
Mais lutter contre ce type de recrutement nécessite également une réponse collective. La ministre Behrens a ainsi appelé à renforcer la lutte contre le recrutement en ligne et demandé aux écoles et aux professionnels de la jeunesse d’être particulièrement vigilants.
Elle a déclaré : « Les services de sécurité ne peuvent pas, à eux seuls, gérer les questions liées à l’islamisme… Nous avons toujours besoin d’alliés. »
En pratique, des programmes financés par le gouvernement, tels que « Démocratie Vivante », apportent conseils et soutien aux parents et aux écoles concernant le recrutement et la radicalisation en ligne, et expliquent comment réagir face aux jeunes exposés à ce type de contenu.
Par exemple, le réseau « Violence Prevention Network », soutenu par l’État, propose des formations destinées aux enseignants.
Le réseau travaille également avec les élèves, mais essentiellement dans une logique de prévention, comme l’a expliqué la chercheuse Maryam Tink dans des déclarations antérieures à la presse.
