Infiltration de villes fortifiées et attaques ciblées : le terrorisme déstabilise le Sahel africain

La région du Sahel africain traverse une phase critique marquée par l’expansion des activités des groupes terroristes.
Selon des experts politiques, l’attaque de grande ampleur menée par des groupes armés contre la ville de Djibo, au nord du Burkina Faso, suivie de celle contre Diapaga, à la frontière, représente un tournant majeur dans le conflit opposant l’État aux groupes terroristes. Elle révèle un échec tactique de la stratégie militaire de confinement adoptée par le Burkina Faso et ses partenaires régionaux face à la progression de la Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM) et de l’organisation terroriste Daech dans le Sahara.
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Des attaques « en profondeur »
À l’aube du 11 mai, des centaines de combattants extrémistes ont pris d’assaut Djibo, un bastion de l’armée burkinabè, utilisant motos et véhicules lourds lors d’une attaque éclair. Ils ont réussi à franchir les lignes de défense, tuant soldats et civils, avant d’avancer vers la ville de Diapaga, près des frontières avec le Niger et le Bénin.
Décrite par des sources militaires comme « la plus audacieuse depuis des mois », cette attaque a introduit une nouvelle dimension stratégique : elle visait des zones fortifiées en profondeur, imposant un siège complet aux villes, perturbant les communications et pillant marchés et dépôts d’approvisionnement.
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Escalade ou désintégration ?
Cet assaut soulève des questions cruciales : les forces burkinabè et leurs alliés de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont-elles perdu leur capacité de contenir la menace ? Assiste-t-on à une nouvelle escalade concurrentielle entre Al-Qaïda (JNIM) et Daech dans le Sahara ?
L’effondrement de la stratégie et la montée de la menace
Patrick Cournot, chercheur français spécialiste des mouvements terroristes en Afrique, a déclaré que l’attaque de Djibo et Diapaga constitue « une preuve évidente de l’effondrement du concept de ceinture de sécurité adopté par le gouvernement burkinabè avec le soutien de Moscou, incapable de stopper l’infiltration de combattants depuis le Mali et le Niger ».
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Il ajoute : « Nous entrons dans une nouvelle phase de l’insurrection, marquée par des tactiques de contournement coordonnées à travers des cellules régionales interconnectées, ce qui indique une organisation militaire structurée, loin de l’irrégularité du passé ».
Il recommande aux autorités burkinabè de renforcer leur vigilance et de revoir en profondeur leur stratégie de lutte contre le terrorisme pour éviter que ne se reproduisent les drames de Djibo et Diapaga.
Pour sa part, Dr. Sadio Kandé, chercheur malien spécialiste du Sahel à l’Université de Bamako, souligne que l’intensification de la violence résulte aussi d’une « lutte acharnée pour l’influence entre Al-Qaïda et Daech ».
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« Chaque organisation tente de prouver sa supériorité opérationnelle, entraînant les civils dans un engrenage de représailles sanglantes », précise-t-il, notant que des zones comme Djibo et Diapaga sont devenues des théâtres de règlements de comptes terroristes.
Il affirme que la solution ne peut être uniquement militaire : « Sans un plan de développement synchronisé et l’intégration des volontaires locaux dans les structures étatiques, nous resterons prisonniers d’un cycle chaotique sans fin ».
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Du repli défensif à l’initiative stratégique
Face à cette escalade, Dr. Kandé estime que les pays du Sahel doivent adopter une nouvelle stratégie basée sur :
des manœuvres militaires conjointes à l’échelle régionale plutôt qu’un déploiement défensif statique ;
un renforcement du renseignement communautaire ;
l’infiltration des réseaux logistiques des groupes armés ;
et une restructuration des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) pour en faire une force proactive.
Il appelle également à lancer d’urgence des projets de développement dans les zones frontalières pour rallier les populations contre les terroristes.