Moyen-Orient

Gaza et la stratégie du « fauchage de l’herbe » : Hamas peut-il se reconstruire ?


Parmi les ruines de Gaza émergent des questions cruciales sur l’avenir du conflit. Le Hamas pourra-t-il reconstruire sa force ? Le territoire pourra-t-il sortir de la dévastation pour atteindre une paix durable ?

Selon Foreign Policy, la réponse courte est pessimiste. Dans son état actuel, « il est probable que le Hamas se reconstruise, que Gaza reste en ruines et qu’une résolution pacifique durable soit presque impossible ».

La reconstruction du Hamas

D’après le magazine américain, à la veille de l’attaque du 7 octobre 2023, le Hamas ressemblait davantage à une force paramilitaire, avec une organisation comprenant entre 25 000 et 30 000 combattants répartis en cinq brigades régionales, 24 bataillons et plusieurs unités spécialisées (forces aériennes, navales et opérations spéciales).

L’arsenal du Hamas comptait également jusqu’à 30 000 roquettes, ce qui faisait du mouvement une force militaire plus importante que certaines armées européennes.

L’attaque du 7 octobre a ainsi suivi une approche militaire conventionnelle, intégrant des objectifs secrets et une coordination de bataillons, plutôt qu’une attaque classique menée par un groupe armé non étatique.

Le Hamas après octobre : une organisation affaiblie

Après près de 16 mois de combats, le Hamas a subi des pertes considérables.

L’armée israélienne estime avoir éliminé entre 17 000 et 20 000 combattants du mouvement depuis le début du conflit. Parmi les pertes majeures figurent plusieurs hauts dirigeants du Hamas, notamment Ismaïl Haniyeh (chef du bureau politique), Mohammed Deif (commandant des Brigades Al-Qassam) et son adjoint Marwan Issa.

Yahya Sinwar, présenté par Israël comme l’architecte de l’attaque du 7 octobre et successeur présumé de Haniyeh, est également une cible clé.

En outre, l’offensive israélienne a décimé les cadres intermédiaires du Hamas : huit commandants de brigade, trente chefs de bataillon et 165 commandants de compagnie ont été tués. Foreign Policy en conclut que, sans ces officiers tactiques et opérationnels, le Hamas ne pourra pas orchestrer une attaque coordonnée d’envergure comme celle du 7 octobre.

Mais…

Toutefois, Israël n’a pas encore réussi à démanteler complètement le Hamas en tant qu’organisation. Foreign Policy souligne que la capacité des négociateurs du Hamas à organiser un échange d’otages depuis Doha démontre que sa structure de commandement, bien que fragilisée, reste fonctionnelle.

Avec un cessez-le-feu et une plus grande liberté de mouvement dans la bande de Gaza, les brèches dans la chaîne de commandement du Hamas risquent d’être comblées rapidement.

Les estimations américaines indiquent que le Hamas a recruté environ 15 000 nouveaux combattants durant le conflit. Bien que ces nouvelles recrues ne possèdent pas l’expérience de leurs prédécesseurs, une partie de ce déficit en compétences pourrait être compensée par les prisonniers palestiniens libérés par Israël dans le cadre de l’accord sur les otages.

Lors de la première phase du cessez-le-feu, Israël a libéré plus de 1 900 détenus palestiniens. La libération des 59 otages restants pourrait entraîner la libération d’un nombre similaire de prisonniers palestiniens.

Si Israël ne parvient pas à empêcher le Hamas de se réorganiser, elle pourrait imposer des restrictions de sécurité encore plus sévères à Gaza. Mais, comme le souligne Foreign Policy, « c’est un problème », car le territoire est aujourd’hui en ruines.

Un territoire en ruines et des obstacles à la reconstruction

Selon les Nations Unies, plus de 1,8 million de personnes à Gaza ont besoin d’un abri, et 170 000 bâtiments — soit près de 70 % des infrastructures d’avant-guerre — ont été endommagés ou détruits.

L’ONU estime que la reconstruction de Gaza pourrait prendre au moins quinze ans, tandis que les États-Unis avancent une fourchette de 10 à 15 ans. Mais ces projections supposent qu’Israël autorise l’importation de matériaux de construction, ce qui est loin d’être garanti.

En effet, Tel-Aviv considère de nombreux matériaux comme ayant une « double utilisation ». Le béton et l’acier nécessaires pour reconstruire des logements et des hôpitaux pourraient, selon Israël, être détournés pour rebâtir le réseau de tunnels du Hamas. De même, l’équipement de chantier indispensable pour déblayer les 50 millions de tonnes de débris pourrait être utilisé pour creuser de nouveaux tunnels.

D’après les estimations américaines, environ 30 000 munitions non explosées doivent être neutralisées à Gaza. Cela représente un danger pour les civils mais offre aussi au Hamas une opportunité d’extraire des tonnes d’explosifs pour fabriquer de nouvelles armes.

Le réseau de tunnels du Hamas

Le Hamas dispose d’un vaste réseau souterrain s’étendant sur 350 à 450 miles (560 à 725 km).

Israël affirme avoir détruit environ 80 % des tunnels à Rafah et 85 % de ceux à Khan Younès, mais d’autres sources suggèrent que de larges portions du réseau restent intactes.

Même si ces chiffres sont exacts, cela signifie que le Hamas conserve encore plusieurs dizaines de tunnels pour stocker et acheminer des armes.

Au final, après un éventuel accord, le Hamas pourrait toujours disposer des effectifs, des infrastructures et de l’arsenal nécessaires pour rester une force militaire clé dans la bande de Gaza.

Des implications lourdes pour la gouvernance et la reconstruction

Cela pose plusieurs défis majeurs. Directement, il sera difficile d’exclure totalement le Hamas du futur gouvernement de Gaza, malgré les exigences d’Israël, des États-Unis et d’autres acteurs internationaux.

De plus, Foreign Policy soulève une question essentielle : « Sans garantie sécuritaire, qui acceptera de financer la reconstruction de Gaza ? » Une telle entreprise nécessiterait plus de 50 milliards de dollars.

La stratégie israélienne du « fauchage de l’herbe »

Côté israélien, une majorité de la population préfère poursuivre les négociations sur les otages plutôt que de reprendre les combats.

Cependant, des proportions similaires s’opposent à une solution à deux États et doutent de la possibilité d’une paix durable.

La question n’est donc pas si une nouvelle guerre éclatera à Gaza, mais quand.

Pire encore, les guerres dans la bande de Gaza deviennent de plus en plus longues et meurtrières, ce qui signifie que le prochain conflit pourrait être encore plus dévastateur que l’actuel.

Les stratèges israéliens qualifient cette dynamique de « fauchage de l’herbe » : le Hamas attaque, Israël réduit ses capacités, puis la menace renaît.

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