Entre levée de l’isolement et retour à l’isolement : que signifie réellement la levée des sanctions contre la Syrie ? Des experts répondent

Dans un revirement spectaculaire de la position occidentale, l’annonce de Washington de lever les sanctions contre la Syrie a constitué une décision inattendue, ramenant sur le devant de la scène un pays meurtri par des années de guerre, de famine et de blocus.
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Sans surprise, cette décision a suscité une vive controverse dans les cercles politiques et des droits humains. Toutefois, elle reflète un tournant crucial dans la manière dont l’Occident appréhende la réalité syrienne en mutation. Entre ceux qui y voient un pas vers la rationalité et les intérêts des peuples, et ceux qui l’interprètent comme une manœuvre pour endiguer l’influence de l’Iran et de la Russie à Damas, la communauté internationale semble engagée dans une réévaluation discrète des résultats infructueux de l’isolement prolongé et des pressions économiques.
Mais cette évolution marque-t-elle un véritable début de réintégration de la Syrie dans le concert des nations ou simplement une reconfiguration tactique de la carte des influences ? Et quel est le rôle des Syriens eux-mêmes dans cette dynamique ? Les réponses ne se trouvent pas uniquement dans les bureaux de Washington ou des capitales européennes, mais aussi dans la capacité de Damas à saisir cette opportunité, et dans la volonté de la communauté internationale de bâtir un partenariat fondé non pas sur des conditionnalités politiques, mais sur des intérêts réciproques.
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Une occasion rare
Entre une décision politique inattendue et un sentiment croissant que les sanctions ont atteint leurs limites, une opportunité inédite semble s’ouvrir pour la Syrie et la région : la levée des sanctions économiques américaines et européennes.
Le président américain Donald Trump a annoncé la fin des restrictions économiques imposées à la Syrie, accompagnée d’une déclaration de son secrétaire d’État, Marco Rubio, affirmant que les autorités de transition syriennes sont à quelques semaines de l’effondrement. Certains analystes interprètent cette déclaration comme une tentative de préserver l’État syrien sans en faire chuter le régime, tout en freinant l’influence des puissances rivales.
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Ce revirement n’est pas une simple modification d’approche, mais une rupture entre la logique punitive et celle de la reconstruction. Il est désormais évident que les sanctions économiques n’ont pas renversé le régime, mais ont détruit le tissu social syrien et plongé le pays dans la misère.
Cette décision n’est pas uniquement d’ordre moral. Elle s’inscrit dans une redéfinition stratégique plus large, impliquant à la fois les États-Unis et l’Europe. Alors que Téhéran et Moscou restent au cœur du jeu syrien, l’Occident semble choisir la voie économique pour revenir dans la région.
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L’échec des sanctions
Le politologue syrien Ammar Waqaf estime que cette évolution constitue un aveu tardif de l’échec de la politique de sanctions, précisant que c’est le peuple syrien, non le régime, qui en a payé le prix.
Waqaf déclare que les sanctions ont paralysé la production, fermé les accès à l’éducation et à l’énergie, et anéanti la classe moyenne.
Il plaide pour un passage de l’aide humanitaire ponctuelle à des investissements durables dans les infrastructures économiques et sociales, soulignant que la stabilité de la Syrie est un gage direct pour la sécurité de l’Europe avant d’être un enjeu purement local.
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Du chantage à la coopération
Pour sa part, l’écrivain syrien Ahmad Sheikhou affirme que l’Europe est confrontée à un dilemme moral, car les sanctions sont devenues un fardeau éthique et stratégique.
Il explique : « Maintenir les sanctions n’affaiblit plus le régime, mais entraîne un éclatement accru de la société syrienne, tout en offrant à l’Iran et à la Russie un champ libre pour renforcer leur domination. »
Il va même plus loin, affirmant que la relation entre l’Europe et le peuple syrien est aujourd’hui mise à l’épreuve. Selon lui, retrouver la confiance nécessite de rompre avec la logique de la « carotte et du bâton » et d’entamer une démarche de réforme progressive couplée à une ouverture économique.
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Mais quelles garanties existe-t-il que la levée des sanctions ne sera pas instrumentalisée par les autorités syriennes pour reconstituer l’ancien système sans véritables réformes ? Ici se pose la question essentielle de la justice transitionnelle, qui reste une exigence centrale dans toute négociation.
Bien qu’un organisme syrien officiel travaille déjà sur ce dossier, son impact reste limité sans un appui international sérieux.
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Waqaf souligne que certaines des revendications occidentales – comme une gouvernance plus représentative, la fin de la propagande médiatique et le lancement de réformes internes – convergent en réalité avec les attentes de nombreux Syriens.
En conclusion, la levée des sanctions n’annonce pas la fin de la crise syrienne, mais l’ouverture d’un nouveau chapitre. Un test de crédibilité pour toutes les parties : Damas saura-t-elle transformer l’essai en repensant l’État ? L’Occident saura-t-il transformer ce dégel en partenariat durable ? Ou s’agit-il simplement d’une nouvelle manœuvre dans le grand jeu géopolitique mondial ?
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