Entre déni et confusion : pourquoi les Houthis ont-ils tardé à annoncer leurs pertes ?

Les milices houthies ont subi un coup dur après la mort de plusieurs de leurs chefs militaires et politiques lors de frappes israéliennes, révélant un profond état de désarroi au sein de leurs rangs.
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Cinquante jours après les raids sur Sanaa, les Houthis ont fini par reconnaître la mort de leur chef d’état-major, Mohammed Abdel Karim al-Ghamari. Cette annonce tardive est intervenue seulement après qu’ils ont réorganisé leur hiérarchie militaire et cherché à préserver le moral de leurs troupes, selon des experts et chercheurs yéménites.
Ces spécialistes ont expliqué que « cet aveu traduit une fissure symbolique dans la sacralité militaire de la milice, ainsi qu’un trouble interne et une crise de confiance croissante », attribuant ce retard à « plusieurs facteurs, à la fois politiques et militaires, mais aussi à la crainte d’un effondrement de la loyauté de leurs bases ».
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Un impact négatif et des raisons au silence
L’expert militaire yéménite, le général de brigade Abd al-Samad al-Mujzafi, estime que la mort de figures de haut rang au sein des Houthis aura un effet négatif majeur en raison des changements dans la direction militaire. Selon lui, ces dirigeants historiques avaient fondé la structure militaire du mouvement à ses débuts, assurant
la liaison entre la direction et les troupes à travers les chaînes de commandement, les réseaux opérationnels et les cellules exécutives.
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Al-Mujzafi a expliqué qu’« il existait une coordination étroite entre ces figures, et leur disparition perturbera les opérations et la cohésion, car il s’agissait des meilleurs cadres militaires dont disposait la milice pour étendre son contrôle ».
Quant au retard dans l’annonce de la mort de ces chefs militaires, contrairement aux dirigeants politiques, al-Mujzafi estime que « la disparition des responsables politiques n’a que peu d’importance, puisque le gouvernement houthi n’est qu’une structure de façade : ce sont d’autres figures, notamment les superviseurs militaires, qui détiennent réellement le pouvoir ».
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Il a ajouté que « les Houthis ont dissimulé la mort de leurs dirigeants pour plusieurs raisons : éviter un effondrement du moral des combattants, et empêcher qu’Israël ne se vante d’avoir facilement éliminé des cibles de haut niveau ».
Selon lui, un autre facteur de ce silence tient au besoin de temps pour réorganiser la chaîne de commandement et désigner un successeur, la milice disposant de peu d’options pour remplacer un chef d’état-major. De plus, « les Houthis ne voulaient pas offrir à Israël l’occasion de célébrer une victoire symbolique, bien que les Israéliens savaient parfaitement qui ils avaient ciblé ».
Al-Mujzafi prévoit que « dans les jours à venir, d’autres noms de commandants houthies tués ou grièvement blessés lors de la même opération seront révélés ».
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Un vide complexe et une lutte de factions
Pour le chercheur et journaliste politique yéménite Anas al-Khalidi, « la mort de ces dirigeants constitue une frappe qui touche le cœur organisationnel du mouvement, bâti sur une structure centralisée fermée, fondée davantage sur la loyauté et la confiance personnelle que sur la compétence institutionnelle ».
Al-Khalidi a souligné que « la disparition d’une figure d’un tel niveau crée un vide à double dimension : un vide hiérarchique, mais aussi une perte de confiance au sein du commandement. Cela se traduira par une fragilisation progressive de la cohésion interne ».
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Selon lui, « le plus grave est l’effritement du mythe de la sacralité militaire entourant les symboles de la milice. L’effet ne sera pas immédiat, mais cumulatif : il érodera à moyen terme la centralisation du pouvoir ».
Concernant le retard dans l’annonce des morts, al-Khalidi estime qu’il reflète « une confusion interne plutôt qu’une prudence médiatique. Le mouvement, qui a bâti sa légende sur une image d’invulnérabilité, se retrouve face à un événement qu’il ne peut expliquer à son public sans admettre une grave faille sécuritaire ».
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Il ajoute : « Les Houthis ont donc eu recours à leur méthode habituelle de gestion des crises : le silence, le temps de formuler un récit cohérent à usage interne, sans briser l’image d’impeccabilité sécuritaire. De plus, la rivalité entre les factions dirigeantes transforme l’annonce de telles pertes en un enjeu interne de pouvoir : qui portera la responsabilité, et qui héritera du poste vacant ? »
Al-Khalidi estime également probable que « d’autres hauts responsables aient été tués sans que cela ne soit annoncé », une hypothèse cohérente avec « la stratégie interne du mouvement, qui repose sur une politique de dissimulation préventive — c’est-à-dire la rétention d’informations jusqu’à la stabilisation des équilibres internes ».
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Il conclut que « l’annonce publique ne dépend pas seulement de l’événement lui-même, mais aussi de la préparation du remplaçant et de la garantie de la loyauté du cercle organisationnel. Souvent, les semaines suivantes révèlent de nouveaux noms, soit ajoutés à la liste des morts, soit victimes de règlements de comptes internes présentés comme des incidents sécuritaires ou militaires ».