Effondrement de la force blindée et crise du recrutement : l’Ukraine face à sa plus grave épreuve depuis le début de la guerre
L’armée ukrainienne traverse l’une de ses phases les plus critiques depuis le déclenchement de la guerre en février 2022. Des rapports de terrain et des sources militaires indiquent un effondrement marqué de la capacité opérationnelle des bataillons de chars, conjugué à une crise du recrutement sans précédent qui menace la cohésion des fronts. Ces difficultés cumulées placent l’Ukraine dans une situation de vulnérabilité extrême.
Selon des sources citées par la revue Military Watch, le taux de disponibilité des chars de combat ukrainiens ne dépasse plus 6 à 18 % de leur potentiel initial, conséquence directe de pertes massives impossibles à compenser et de difficultés techniques croissantes pour entretenir les véhicules encore actifs sur les lignes de front. Le spécialiste des blindés Mykola Salamakha souligne que les chars sont désormais utilisés comme « ultime recours » dans les combats, avertissant que leur emploi symbolique ou propagandiste a considérablement amplifié les pertes.
« On envoie parfois un seul char pour soutenir les troupes d’infanterie, mais il est rapidement détruit », explique-t-il. Selon ses estimations, à peine un tiers de la flotte blindée ukrainienne demeure opérationnel, et dans certaines zones, cette proportion ne dépasse pas 20 %. Et cela malgré une hausse considérable des dépenses militaires et des aides occidentales dédiées à la maintenance et aux pièces détachées.
Les drones russes changent les règles du jeu
Les attaques massives de drones russes ont profondément bouleversé la dynamique du champ de bataille, rendant les chars ukrainiens vulnérables même à plus de dix kilomètres derrière les lignes de front. « Dès qu’un char est détecté, il devient la cible de frappes successives de drones de différents types », précise Salamakha.
Bien que l’Ukraine ait reçu des centaines de chars soviétiques, notamment des T-72 fournis par la Pologne et plusieurs pays d’Europe de l’Est, ces renforts ne suffisent plus à compenser les pertes, les stocks de ces pays étant aujourd’hui presque épuisés. Quant aux chars occidentaux — tels que les Abrams américains et les Leopard allemands — présentés au départ comme des instruments décisifs capables de renverser le cours du conflit, ils ont subi des pertes « catastrophiques ». En juin 2025, 87 % des chars Abrams livrés à Kiev (27 sur 31) avaient été détruits, un choc pour les capitales occidentales qui voyaient en eux le symbole de la supériorité technologique de l’OTAN.
La crise du recrutement : du volontariat à la contrainte
Mais la crise du matériel ne représente qu’une partie du problème. L’autre dimension, plus préoccupante encore, concerne la pénurie de soldats. Le recrutement est en chute libre, tandis que la fuite et l’évasion du service militaire prennent de l’ampleur.
Le journaliste britannique Jerome Starkey, du The Sun, a relaté une scène saisissante à Kharkiv, où un collègue ukrainien a été contraint par les forces locales de rejoindre l’armée à un point de contrôle. « Le soldat a simplement vérifié nos papiers, puis a conduit mon collègue dans un centre de recrutement sans autre explication », rapporte-t-il.
Au début du conflit, des dizaines de milliers de volontaires s’étaient précipités pour s’enrôler, portant les effectifs de l’armée à plus d’un million d’hommes et de femmes. Mais après l’échec de la contre-offensive de l’été 2023 et l’aveu du général Valery Zaloujny reconnaissant que la guerre était dans une impasse, l’élan patriotique s’est effondré.
Aujourd’hui, rares sont ceux qui souhaitent s’engager, tandis que les arrestations forcées se multiplient. La corruption a atteint des niveaux alarmants : le chef des services psychiatriques de l’armée a été arrêté pour avoir perçu plus de 800 000 livres sterling de pots-de-vin destinés à exempter certains hommes du service. Face au scandale, le gouvernement a dissous les commissions médicales militaires.
Sous la loi martiale, les hommes âgés de 18 à 60 ans ne peuvent quitter le pays, mais les autorités ont assoupli en 2024 les restrictions pour les 18-22 ans, beaucoup de familles cherchant à envoyer leurs enfants à l’étranger avant qu’ils ne soient mobilisables. Malgré les pressions occidentales pour abaisser l’âge du recrutement à 18 ans, le gouvernement ukrainien refuse, redoutant une explosion de la colère populaire.
Les capacités de combat, elles, s’érodent dangereusement. Le président Volodymyr Zelensky a reconnu en février dernier la mort de plus de 45 000 soldats et 380 000 blessés — des chiffres qui continuent d’augmenter.
Des fronts fragilisés et une avancée russe
Le manque d’effectifs a ouvert d’importantes brèches le long d’un front s’étendant sur plus de 1 600 kilomètres. En août dernier, les forces russes ont pu progresser de plus de 15 kilomètres près de Donetsk en seulement deux jours, profitant de l’effondrement des défenses ukrainiennes.
Face à cette situation, Kiev tente de compenser par une dépendance accrue aux drones et aux systèmes automatisés. Mais selon de nombreux analystes, le problème est désormais structurel : un armée dépourvue à la fois de blindés et de soldats, dépendante d’une aide extérieure qui ne parvient plus à combler le fossé grandissant entre les besoins militaires et le moral des troupes.









