Moyen-Orient

Du champ de bataille aux cliniques psychiatriques : Gaza pourchasse les soldats israéliens sans tirer une balle


Alors que Benyamin Netanyahou poursuit son projet d’occupation totale de la bande de Gaza, un autre front s’effondre en silence en arrière-plan : des milliers de soldats israéliens de réserve reviennent du combat marqués de profondes blessures psychologiques, certains au bord de la rupture, d’autres poussés jusqu’au suicide.

Le traumatisme n’est plus une honte cachée, mais un véritable fléau psychique qui ronge la colonne vertébrale de l’armée israélienne, engagée dans l’un de ses conflits les plus longs et les plus éprouvants.

De 270 cas par an à environ 3 000 en moins d’un an, le nombre de soldats demandant un soutien psychologique a explosé, révélant la fragilité de « l’arrière psychologique » au sein de l’institution militaire, selon le Jerusalem Post.

Alors que les soldats troquent les tranchées pour leur lit, l’armée revoit ses priorités, tiraillée entre la volonté politique d’une victoire décisive et la réalité de troupes psychologiquement à bout, dans une guerre censée engloutir Gaza.

Une hausse sans précédent

Selon le lieutenant-colonel Uzi Bichor, chef de l’unité de santé mentale pour les réservistes, le nombre de demandes de prise en charge est passé de 270 à environ 3 000 par an, soit une augmentation de plus de 1000 %.

Il a précisé que son unité, Pitchon, est prête à aider tout soldat en souffrance, qu’il s’agisse de stress post-traumatique, de dépression ou de symptômes physiques comme des tremblements.

Contrairement aux autres structures relevant de l’armée ou du ministère de la Défense, Pitchon ne prend pas en charge les soldats actifs, mais les réservistes démobilisés, désormais civils – une situation exceptionnelle à l’échelle mondiale.

Il a précisé que beaucoup de soldats reçoivent entre 12 et 15 séances de psychothérapie, tandis que d’autres peuvent suivre un traitement durant un an ou plus. Toutefois, Pitchon ne fournit pas un traitement à vie ; dans ces cas, l’unité recommande au ministère de la Défense de couvrir les soins nécessaires.

Des soins sont également proposés aux personnels de soutien au combat, comme les ambulanciers ou les chauffeurs, ainsi qu’au personnel administratif affecté par le conflit.

Pitchon insiste sur l’impact réel du traumatisme sur la capacité opérationnelle des soldats, plutôt que sur les formalités administratives, en s’appuyant sur une équipe pluridisciplinaire composée de psychologues, assistants sociaux, thérapeutes et psychiatres.

Pourquoi cette explosion ?

Bichor attribue cette augmentation non seulement à l’intensité et à la durée exceptionnelles de cette guerre, mais aussi à une plus grande volonté des soldats de chercher de l’aide rapidement.

Certains appellent même depuis le front à Gaza pour fixer un rendez-vous dès leur libération, indique le Jerusalem Post. L’unité compte aujourd’hui jusqu’à 800 réservistes en mesure de fournir des soins dans tout le pays.

Interrogé sur des accusations selon lesquelles des commandants privilégieraient le renvoi au front comme critère de réussite au détriment de la santé mentale, Bichor a répondu que certaines études montrent que reprendre une activité normale peut favoriser la guérison de certains traumatismes.

Il a néanmoins reconnu la complexité de réintégrer des soldats traumatisés dans un conflit de longue durée, avec un risque accru de rechute ou de suicide, et a souligné la nécessité d’une prise en charge rapide.

La majorité des suicides n’ont pas pu être détectés à temps, faute d’un suivi médical ou psychologique. D’où l’importance cruciale de sensibiliser via les médias, explique Bichor.

Justice militaire et prise de conscience

Bichor a également été interrogé sur l’affaire récente de soldats de la brigade Givati, ayant servi plus de 300 jours sous stress intense, menacés d’emprisonnement après avoir demandé à être affectés à des postes non combattants.

Il a répondu : « Les commandants ne sont pas infaillibles. Nous avons perdu des chefs, des soldats. Nous sommes à bout psychologiquement. Mais les choses changent : les commandants en parlent davantage, encouragent leurs hommes à consulter, donnent l’exemple. »

Une transformation impensable il y a cinq ans, lorsque consulter un psychologue militaire était encore tabou.

Aujourd’hui, la guerre qui s’éternise impose une autre réalité, et révèle un tournant social au sein de l’armée israélienne : « Nous recevons des appels chaque jour, et nous cherchons constamment à nous améliorer. Chaque cas mérite d’être réévalué. »

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