D’où Daech tire-t-il ses fonds et comment les transfère-t-il ? Nouvelles stratégies d’adaptation

Assécher les sources de financement des organisations extrémistes et tracer leurs flux financiers constitue l’une des armes non militaires les plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme. Il s’agit d’une bataille de longue haleine : à mesure que les États resserrent l’étau sur ces groupes, ceux-ci s’efforcent de développer de nouvelles méthodes d’adaptation.
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Un rapport présenté au Conseil de sécurité par l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions concernant « Daech », « Al-Qaïda » et les entités qui leur sont associées, apporte des éléments de réponse à deux questions essentielles : d’où ces organisations tirent-elles leurs revenus et comment les déplacent-elles vers leurs branches et combattants ?
Le document souligne que « Daech » et « Al-Qaïda » conservent une capacité d’adaptation notable en matière de collecte de fonds. Les moyens varient selon les contextes géographiques : exploitation de ressources locales, imposition de taxes illégales aux communautés, enlèvements contre rançon, extorsion des commerçants, entre autres procédés.
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En matière de transferts, les méthodes traditionnelles comme la hawala et les transferts en espèces dominent encore. Toutefois, des modes plus sophistiqués apparaissent, notamment chez « Daech », visant à stocker et dissimuler les fonds. Parmi eux : l’utilisation accrue de femmes pour transporter des liquidités, le recours à des « systèmes de hawala basés sur le cloud », qui consistent à stocker des données financières en ligne afin d’échapper à la détection, ou encore le dépôt d’argent dans des coffres sécurisés chez des changeurs, récupérable ultérieurement grâce à un code secret.
En Syrie, les structures financières de « Daech » fonctionnent indépendamment de son chef. Les difficultés rencontrées sur le terrain se traduisent par une chute des revenus, obligeant l’organisation à réduire les salaires de ses combattants à 50-70 dollars par mois et à n’accorder que 35 dollars aux familles, des montants historiquement bas et versés de façon irrégulière, témoignant d’une crise de liquidité.
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En Somalie, après les offensives militaires, le réseau financier du « Bureau al-Karrar » a été fortement perturbé. Le refus croissant des commerçants locaux de coopérer a tari ses sources de financement. Les cellules affiliées se sont rabattues sur des enlèvements rapides contre de petites rançons, souvent de 50 à 100 dollars, payées via des applications de transfert mobile. Parallèlement, des caches de liquidités ont été établies et certains fonds dissimulés sur des comptes bancaires de sympathisants ou investis dans de petites entreprises locales.
En Asie du Sud et en Asie centrale, le rapport indique que la branche « Daech-Khorasan » ne souffre pas de manque de ressources. Alimentée par le « Bureau al-Karrar » somalien, des dons et des enlèvements d’hommes d’affaires en Afghanistan, elle dispose d’environ 10 millions de dollars, dont une partie investie dans l’immobilier au Moyen-Orient.
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Le recours aux cryptomonnaies connaît une progression marquée. « Daech-Khorasan » s’appuie sur des monnaies numériques comme Monero, KuCoin, MEXC, Huobi ou Totalcoin. Bien que leur utilisation devienne plus complexe, elles facilitent le financement clandestin. L’apparition de nouvelles applications, tel « Cash Now », permet d’échanger différentes cryptomonnaies et d’accéder plus facilement à des liquidités. L’organisation exploite également des portefeuilles « non hébergés » pour des transactions uniques et expérimente l’usage de faux documents générés par l’intelligence artificielle afin de contourner les procédures de vérification d’identité.
Ce rapport illustre la capacité d’adaptation continue des groupes terroristes face aux pressions internationales. Il révèle que le combat contre leur financement demeure un enjeu global, nécessitant une coopération accrue et une surveillance constante pour contrer des méthodes toujours plus inventives.