Moyen-Orient

Deux ans de guerre à Gaza : comment la destruction s’est propagée comme une traînée de poudre


Le 7 octobre, la bande de Gaza entre dans une nouvelle phase de souffrance. Ce n’est plus une actualité brûlante, mais une réalité quotidienne traduite par des chiffres effroyables et des paysages de désolation.

Entre les images satellites prises à différentes dates, se dessine la trajectoire d’une destruction progressive qui a touché chaque rue et chaque foyer, retraçant deux années de guerre ayant transformé la bande de Gaza en un champ de ruines humaines et matérielles, selon une analyse fondée sur des données d’agences internationales et de l’ONU.

Comment la destruction s’est-elle propagée ?

L’offensive israélienne s’est concentrée au départ sur le nord de la bande de Gaza, sous prétexte que les combattants du Hamas s’y cachaient.

La ville de Beit Hanoun, située à seulement deux kilomètres de la frontière israélienne, fut parmi les premières à subir des frappes aériennes massives, causant d’énormes dégâts.

Une carte datée du 12 octobre 2023, publiée par la BBC, montre les villes de Gaza du sud au nord : Rafah, Khan Younès, Deir al-Balah et la ville de Gaza, limitrophe du nord. Les zones détruites apparaissent en rouge, la concentration la plus forte étant autour de la ville de Gaza et de Beit Hanoun.

Israël a poursuivi ses bombardements sur la ville de Gaza et d’autres centres urbains du nord, ordonnant aux civils de se déplacer au sud du wadi Gaza pour « leur sécurité et leur protection », avant de lancer une invasion terrestre à la fin d’octobre 2023.

Mais les bombardements ont aussi visé le sud de la bande, là même où des centaines de milliers de civils avaient fui. À la fin de novembre 2023, une grande partie du nord et du sud de Gaza n’était plus qu’un amas de décombres.

Une carte datée du 29 novembre 2023 montre que le tiers supérieur de la bande était presque entièrement rouge, avec le wadi Gaza séparant le territoire en deux.

En décembre 2023, Israël intensifia ses frappes sur le sud et le centre avant de lancer son offensive terrestre sur Khan Younès.

En janvier 2024, plus de la moitié des bâtiments de Gaza étaient endommagés ou détruits. Les images satellites montrent une extension dramatique des zones rouges, notamment au-dessus de Khan Younès.

Après deux ans de guerre, environ 70 % des bâtiments de la bande ont été touchés, selon les Nations unies. Environ 90 % des logements ont subi des dégâts, dont 160 000 totalement détruits et 276 000 partiellement ou gravement endommagés.

La “ville des tentes”

Avant la guerre, Gaza subissait déjà un blocus israélien sévère. Près des deux tiers de la population vivaient dans la pauvreté, selon la Banque mondiale, et des milliers dans des camps de réfugiés gérés par l’ONU. Le territoire abritait néanmoins des écoles, des hôpitaux et des commerces.

Aujourd’hui, sur ses 41 km de long et 10 km de large, une grande partie de Gaza est devenue inhabitable. Des quartiers entiers ont été rasés, les terres agricoles transformées en champs de sable et de débris sous les bulldozers et chars israéliens.

Les habitants, déplacés à plusieurs reprises au gré des offensives, se sont retrouvés massés dans des zones désignées par Israël comme « humanitaires », notamment à Al-Mawasi, sur la côte ouest de Khan Younès.

En mai, Israël a élargi cette zone à des parties de Khan Younès et Deir al-Balah, après son offensive terrestre sur Rafah, qui abritait plus d’un million de personnes.

En août, l’ONU estimait à 1,2 million le nombre de personnes déplacées à Al-Mawasi, une zone dépourvue d’infrastructures et de services essentiels. Sa superficie a été multipliée par dix, passant de 7 à 72 km².

Les camps de réfugiés de l’ONU au centre et au sud sont aujourd’hui surpeuplés. De nombreuses familles vivent dans des tentes, des abris improvisés ou à ciel ouvert.

Une crise alimentaire sans précédent

Environ 1,8 million de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë, dont 133 000 en situation catastrophique, selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC). Les niveaux de malnutrition aiguë sont dix fois supérieurs à ceux d’avant-guerre.

Le Programme alimentaire mondial estime qu’il faut au minimum 300 camions de vivres par jour pour répondre aux besoins de base – un seuil jamais atteint depuis le début du conflit.

L’ONU accuse les restrictions israéliennes, les hostilités continues et l’effondrement de l’ordre public d’aggraver la crise. Israël, de son côté, rejette la faute sur les agences onusiennes, accusant le Hamas de détourner l’aide – ce que le mouvement dément.

Pauvreté et effondrement économique

La Banque mondiale indique que l’économie de Gaza s’est contractée de 86 % au premier trimestre 2024, le pire effondrement économique jamais enregistré.

Près de 100 % de la population vit désormais dans la pauvreté, contre 64 % avant-guerre, tandis que le coût des produits de base a augmenté de 250 %.

La CNUCED évalue les pertes économiques à 18,5 milliards de dollars, soit sept fois le PIB de Gaza en 2022. Elle estime qu’à rythme actuel, il faudrait 350 ans pour restaurer l’économie au niveau d’avant-guerre.

Les hôpitaux, déjà sous pression, ont été gravement endommagés. Sur les 36 établissements existants, seuls 18 fonctionnent partiellement. L’hôpital Al-Shifa, autrefois le plus grand du territoire, a été réduit en ruines.

Un long chemin vers la reconstruction

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) avertit que la remise en état prendra des décennies. Les systèmes d’eau et d’assainissement sont presque totalement détruits, les déchets s’accumulent autour des camps, et les sols risquent d’être contaminés par les produits chimiques des munitions et panneaux solaires endommagés.

Le PNUE estime à plus de 50 millions de tonnes les débris de guerre accumulés à Gaza, dont le déblaiement complet pourrait prendre 21 ans.

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