Des Gazaouis sous les bombardements : la peur d’un déplacement à l’est de la ligne jaune
À Bani Souheila, au sud de Gaza, Oum Ahmed Qdeih ne trouve aucune réponse aux questions de ses enfants, qui tremblent de peur à chaque frappe israélienne et lui demandent pourquoi ils ne quittent pas la région.
Au cours de la semaine écoulée, l’armée israélienne a mené des bombardements intensifs sur les zones orientales de Khan Younès, situées à l’est de la ligne jaune, où vivent des dizaines de milliers de Palestiniens dans des tentes ou des maisons endommagées par une guerre acharnée qui dure depuis deux ans.
Qdeih, âgée de 40 ans, vit avec ses enfants dans une tente dressée à côté de leur maison détruite. Elle confie : « Nous ne dormons pas de la nuit à cause de la peur et de la poursuite des bombardements dans la zone orientale ». Elle ajoute que ses enfants lui demandent sans cesse : « Pourquoi ne partons-nous pas d’ici ? Les explosions ne s’arrêtent pas. Où irons-nous ? ». Et de conclure : « Je n’ai pas de réponse, car en réalité, il n’existe aucune alternative réelle ».
Elle poursuit en expliquant que la zone d’Al-Mawassi, à l’ouest de Khan Younès, est déjà totalement saturée de tentes, soulignant que rester près de leur maison détruite leur paraît « moins terrible que l’inconnu ».
Dans le nord-est de Khan Younès, Abdel Hamid Al-Farra, âgé de 70 ans, explique que sa famille vit sur les ruines de sa maison partiellement détruite. Il affirme : « Si nous restons ici, ce n’est pas parce que nous sommes en sécurité, mais parce que nous n’avons nulle part où aller », avant d’ajouter sur un ton défiant : « Nous ne partirons pas d’ici. C’est notre terre. Peu importe l’intensité des bombardements, nous resterons. Le déplacement ne serait pas une solution, mais une nouvelle tragédie ».
Selon Al-Farra, la zone d’Al-Mawassi n’est plus en mesure d’accueillir davantage de déplacés. Il estime que la poursuite de la destruction des habitations dans les zones orientales vise à « vider entièrement la région située à l’est de la ligne jaune ».
La ligne jaune, sous contrôle israélien, correspond à une ligne de démarcation établie dans le cadre d’une trêve entre Israël et le Hamas, entrée en vigueur le 10 octobre.
Plus tôt ce mois-ci, le chef d’état-major de l’armée israélienne, Eyal Zamir, a qualifié la ligne jaune de « nouvelle frontière » avec Israël.
L’armée israélienne a déclaré que ses frappes répondaient à des « menaces » émanant des factions palestiniennes. Dans un communiqué, elle a précisé que ses opérations actuelles à Gaza, et en particulier son déploiement dans la zone de la ligne jaune, visaient à faire face à des menaces directes provenant d’organisations qualifiées de terroristes dans la bande de Gaza.
« Ni tentes, ni nourriture, ni médicaments »
La guerre à Gaza a éclaté le 7 octobre 2023, à la suite d’une attaque sans précédent menée par le Hamas dans le sud d’Israël, qui a fait 1 221 morts, selon un décompte de l’Agence France-Presse basé sur des chiffres officiels israéliens.
Depuis le début du conflit, plus de 70 000 personnes ont été tuées à Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire, tandis que la majorité de ses 2,2 millions d’habitants ont été déplacés, souvent à plusieurs reprises.
Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, les deux parties s’accusent régulièrement de violations de l’accord.
Selon le porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal, certains habitants quittent leur domicile en raison des bombardements, mais leur nombre reste limité, car « les citoyens n’ont aucune option. Beaucoup préfèrent rester malgré le risque de mort sous les bombardements, car il n’existe aucun endroit sûr dans la bande de Gaza ».
Bassal indique que l’armée israélienne a « intensifié ces dernières semaines les bombardements aériens et d’artillerie quotidiens sur Khan Younès et d’autres zones du territoire afin de pousser les habitants à partir et de laisser les zones orientales vides face à l’occupation ».
De son côté, le maire de Khan Younès, Alaa Al-Batta, qualifie les frappes israéliennes de « violations de l’accord de cessez-le-feu », estimant qu’elles visent à « déplacer les populations hors de leurs zones ». Il a appelé à une intervention urgente pour mettre fin à ces violations, soulignant que « des centaines de milliers de déplacés manquent des besoins les plus élémentaires : ni tentes, ni nourriture, ni médicaments ».
Bombardements incessants
Dans la localité de Khuzaa, Mahmoud Baraka, 45 ans, affirme que les bombardements d’artillerie « ne s’arrêtent pas » dans les zones orientales et que les explosions se produisent « à une distance très proche ».
Il explique que l’armée israélienne mène quotidiennement des opérations de destruction de maisons, « comme si nous étions sur un véritable champ de bataille. L’objectif de l’occupation est de nous terroriser ».
Il ajoute : « Nous ne dormons pas la nuit. Mes enfants tremblent encore de peur, mais aussi de froid. Nous vivons une véritable tragédie, mais en réalité, nous n’avons ni choix ni alternative, si ce n’est de rester ici ».
Baraka espère que cette situation prendra fin avec le lancement de la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu à Gaza et le retrait de l’armée israélienne. Il conclut : « Nous essayons de reprendre progressivement une vie normale, car nous sommes épuisés ».
Israël et le Hamas s’accusent mutuellement de retarder le lancement des négociations de la deuxième phase de l’accord, laquelle prévoit le retrait des forces israéliennes de leurs positions actuelles, la mise en place d’une autorité temporaire pour administrer le territoire à la place du gouvernement du Hamas, ainsi que le déploiement d’une force internationale de stabilisation.
