Politique

Derrière chaque chiffre, une tragédie… 11 déplacements vers l’inconnu sous les ruines de Gaza


Dans la bande de Gaza, les déplacés se déplacent sans répit d’un endroit à l’autre. Chaque transfert s’accompagne de douleurs nouvelles et accentue un sentiment de perte et de désespoir.

Tel est le sort de la famille Abou Jarad, contrainte de vivre une errance continue ponctuée de souffrances. Depuis près de deux ans, elle a été forcée de quitter son refuge et de se déplacer à travers Gaza à onze reprises depuis le déclenchement de la guerre.

Alors qu’il repliait une nouvelle fois ses maigres effets et les toiles de tente de sa famille à Gaza-ville pour fuir les bombardements israéliens, Naaman Abou Jarad confiait à l’agence Associated Press : « C’est une nouvelle forme de supplice. Nous ne sommes pas déplacés, nous mourons. »

Dès le lendemain, la famille a dressé sa tente sur une terre agricole aride, près de Khan Younès, sans certitude quant à la provenance de leur nourriture ou de leur eau.

Depuis leur fuite initiale de leur maison dans le nord de Gaza, peu après l’offensive israélienne lancée en réponse à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, la famille vit une existence précaire semblable à celle d’innombrables familles palestiniennes, contraintes de fuir sans cesse, à chaque nouvelle frappe visant les abris où elles tentaient de se protéger.

« La mort nous poursuit »

Lors de la trêve entamée en janvier dernier, la famille a pu brièvement revenir dans sa maison endommagée mais encore debout. L’instant fut à la fois doux et amer : deux mois plus tard, le cessez-le-feu fut rompu, et ils durent de nouveau partir.

À chaque déplacement, Naaman et son épouse Majda tentent de maintenir une apparence de stabilité pour leurs six filles et leur petite-fille de deux ans. Lana, la benjamine, n’a que huit ans ; Balssam, l’aînée, est déjà mariée. Mais le poids de l’absurde pèse lourd. « Ce qui nous attend est sombre. Nous pourrions être expulsés de Gaza. Nous pourrions mourir… La mort nous encercle. Nous courons d’un endroit à l’autre pour l’éviter », confie Naaman.

Un exode sans fin

Depuis mai, une tente dressée à Gaza servait de refuge. Ils s’étaient familiarisés avec le voisinage, trouvaient de l’eau et parfois des soins médicaux. Leurs filles revoyaient quelques camarades également déplacées. Une famille voisine permit même à leur fille Sarah d’utiliser Internet pour suivre ses cours au lycée.

Mais la faim grandissait : les restrictions israéliennes sur l’aide avaient plongé la ville dans la famine. Naaman se joignait à la foule attendant les camions d’approvisionnement, souvent sous les tirs. « Nous avons vu des morts, des blessés », raconte Majda. Parfois, malgré le danger, il rapportait un peu de nourriture.

Ils avaient trouvé une école pour Lana, qui s’en réjouissait. Mais un nouvel ordre d’évacuation en vue de la prise de Gaza les contraignit à partir encore. Une frappe détruisit un immeuble à proximité, envoyant des éclats transpercer leur tente. Une autre rasa une maison voisine, tuant les habitants assis devant leur porte.

Jeudi dernier, la famille s’est jointe au flot des déplacés se dirigeant vers le sud. Dans leur nouveau camp, ils vivent sur une terre aride, sans école ni marché, à deux kilomètres de la connexion Internet la plus proche. Chaque jour, la vie sous la tente devient plus insoutenable : transporter l’eau, ramasser du bois, chercher de quoi manger, nettoyer, et craindre à tout instant un bombardement fatal.

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