Politique

Déplacement massif et menaces d’annexion : la Cisjordanie face au scénario de Gaza


Alors que les regards du monde sont tournés vers la bande de Gaza, une vaste opération israélienne se déroule discrètement en Cisjordanie, provoquant des changements radicaux dans la réalité des villes et des camps palestiniens.

Les campagnes sécuritaires ont entraîné le déplacement de dizaines de milliers de Palestiniens et la destruction de quartiers entiers, dans un scénario rappelant celui de Gaza. Certains estiment que cette étape prépare une annexion officielle par Israël de certaines parties des territoires occupés, dans un contexte de montée du discours politique de droite favorable à la colonisation, selon le New York Times.

L’opération militaire a transformé des quartiers des villes de Jénine et Tulkarem en véritables zones de guerre, avec des maisons détruites et des routes éventrées par les bulldozers militaires. Depuis janvier, des quartiers entiers ont été vidés de leurs habitants : près de 40 000 Palestiniens ont fui leurs maisons, soit le plus grand déplacement depuis l’occupation de la Cisjordanie en 1967.

À Jénine, un quartier autrefois habité par plus de dix mille personnes est devenu une ville fantôme, entourée de décombres et de gravats, les routes étant obstruées par des couches de terre.

Présence militaire prolongée

Contrairement aux opérations éclairs précédentes, l’armée israélienne maintient la présence la plus longue depuis des décennies dans les villes palestiniennes, avec l’appui d’hélicoptères et de blindés. Bien que la campagne vise – selon la version israélienne – des éléments du Hamas et du Jihad islamique, cette présence affaiblit l’autorité du président Mahmoud Abbas, censée administrer ces zones dans le cadre d’un futur État palestinien.

« Israël agit comme si l’Autorité palestinienne n’existait pas. Nous sommes à un tournant du conflit », a déclaré Mohammed Jarar, maire de Jénine.

Déplacement forcé et craintes d’une “nouvelle Nakba”

Israël a ordonné la démolition de centaines de maisons sous prétexte de « faciliter les opérations militaires », ce que l’armée nie officiellement, mais les habitants racontent une réalité différente.

Ces inquiétudes reflètent les propos de ministres israéliens extrémistes, comme Itamar Ben Gvir, qui soutiennent l’annexion de la Cisjordanie, où vivent environ trois millions de Palestiniens et 500 000 colons.

Selon des responsables locaux, Israël cherche à modifier l’identité des camps fondés pour accueillir les réfugiés en 1948. En janvier, des dirigeants palestiniens ont reçu des informations sur l’intention de transformer le camp de Jénine en « quartier résidentiel ordinaire », en écartant l’UNRWA de la gestion des services.

Les Palestiniens rejettent cette proposition : les camps symbolisent le droit au retour des réfugiés. « Israël veut effacer notre histoire. C’est un signal clair d’annexion », déclare Ammar Abou Bakr, président de la chambre de commerce de Jénine.

Le dilemme du retour

Des centaines de familles déplacées vivent dans des logements temporaires, comme des appartements étudiants à Jénine. « Le plus difficile dans l’exil, c’est de ne pas savoir ce qu’il adviendra de nos maisons. Nous vivons dans l’inconnu… Nous avons perdu le contrôle sur tout », explique Mohamed Abou Wasfa, 45 ans, qui aide les déplacés.

Les images aériennes jouent un rôle clé pour documenter les destructions. On y voit des routes élargies pour faciliter la circulation des blindés et des bâtiments détruits, que l’armée dit avoir abrité des caches d’armes.

Ces campagnes redessinent la carte du conflit israélo-palestinien, transformant la Cisjordanie – censée être le noyau d’un futur État palestinien – en champ de bataille à ciel ouvert.

Alors qu’Israël insiste sur le fait qu’il combat le « terrorisme », les Palestiniens y voient une guerre existentielle destinée à consolider une domination permanente. Dans un contexte de violence croissante et d’absence de solution politique, l’avenir paraît plus sombre que jamais.

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