De Gaza à Téhéran… 2025, une année riche pour la diplomatie égyptienne
L’année 2025 n’a pas été ordinaire pour la politique étrangère de l’Égypte. Elle a représenté un test complexe de la capacité du Caire à gérer des crises régionales imbriquées et à agir comme un acteur diplomatique majeur dans une conjoncture d’une grande turbulence.
De la guerre de Gaza et ses répercussions humanitaires et politiques, au dossier nucléaire iranien et ses risques d’escalade régionale, jusqu’aux échéances intérieures — notamment les élections des deux chambres du Parlement — la diplomatie égyptienne a évolué sur plusieurs fronts et avec des outils variés, pour empêcher la région de glisser vers des confrontations ouvertes et préserver un minimum de stabilité dans un environnement troublé.
Au cours de cette année, le rôle de l’Égypte s’est imposé comme une médiation centrale et indispensable, tant dans la gestion du conflit palestino-israélien que dans la maîtrise des conséquences de la frappe israélo-américaine contre les installations nucléaires iraniennes, en s’appuyant sur un réseau de relations équilibrées avec les grandes puissances et des canaux de communication ouverts avec les parties prenantes.
Parallèlement, Le Caire a cherché à utiliser cette dynamique extérieure pour renforcer la stabilité interne et assurer une transition constitutionnelle encadrée à travers le processus électoral, dans un contexte de défis économiques et sécuritaires étroitement liés à la scène régionale.
Dans ce cadre, à travers diplomates et experts, le bilan d’une année intense pour la diplomatie égyptienne, ainsi que le rôle du Caire dans l’évitement de scénarios plus
dangereux pour la région, et les limites de ce rôle face à la complexité de la scène internationale et aux divergences entre grandes puissances.
Gaza… un rôle actif de la diplomatie égyptienne
Selon l’ambassadeur Motazz Ahmedin, ancien représentant de l’Égypte auprès des Nations unies, l’année 2025 a marqué un succès pour la diplomatie égyptienne, notamment dans la gestion du conflit à Gaza et la maîtrise des retombées du dossier nucléaire iranien après la frappe israélo-américaine.
Il a expliqué que l’Égypte a joué un rôle déterminant dans l’élaboration de l’accord de cessez-le-feu à Gaza, annoncé le 19 janvier 2025, à la veille de la prise de fonctions du président américain Donald Trump. Cet accord, considéré comme une évolution d’une initiative américaine antérieure, a toutefois été désavoué par Israël, qui a repris la guerre, entraînant la suspension de la conférence de reconstruction de Gaza que Le Caire prévoyait d’accueillir.
Il a ajouté que l’Égypte a rejeté fermement les propositions visant à déplacer les habitants de Gaza ou à transformer le territoire en projet touristique, et a réussi à préparer un plan intégré de reconstruction en coordination avec les agences des Nations unies. Ce plan a été adopté comme initiative arabo-islamique lors du Sommet du Caire en mars 2025, en réponse aux propositions américano-israéliennes.
Ahmedin a souligné que Le Caire est également parvenu à contenir une tension potentielle avec Washington grâce à des démarches diplomatiques préventives. L’Égypte a poursuivi ses efforts de médiation avec le Qatar et la Turquie, malgré l’acceptation ultérieure d’un plan américain favorable à Israël, imposant davantage d’obligations au côté palestinien et aux médiateurs arabes, tout en allégeant celles pesant sur Israël.
Selon lui, ce plan — malgré son manque d’équité — représentait l’opportunité disponible pour mettre fin aux massacres, tout en laissant subsister des points de discorde essentiels, notamment l’absence de retrait israélien complet de Gaza et le maintien d’une zone tampon, y compris sur l’axe Philadelphie, ce à quoi l’Égypte a exprimé de claires réserves.
Le moment le plus marquant est intervenu lors du Sommet de la paix de Charm el-Cheikh, en octobre dernier, coprésidé par les présidents Abdel Fattah Al-Sissi et Donald Trump, avec la participation de dirigeants et représentants de plus de vingt pays. Ce sommet a constitué un tournant dans les efforts internationaux visant à mettre fin à la guerre à Gaza et à relancer le processus de paix au Moyen-Orient.
Ses résultats ont confirmé la consolidation du cessez-le-feu, l’échange de prisonniers et d’otages, l’acheminement de l’aide humanitaire, ainsi que le lancement d’un plan de reconstruction sous supervision égyptienne et internationale — réaffirmant le rôle historique de l’Égypte comme médiateur régional essentiel.
Le dossier nucléaire iranien… médiation sous pression des sanctions
S’agissant du dossier nucléaire iranien, Ahmedin a indiqué que l’Égypte a agi à la demande des États-Unis pour contenir l’escalade, en menant des contacts directs avec Téhéran et l’Agence internationale de l’énergie atomique. Ces efforts ont abouti à un accord visant à reprendre les inspections, avec un large soutien international, avant que les avancées ne reculent à la suite du rétablissement des sanctions européennes, poussant l’Iran à se désengager, estimant que les engagements avaient été violés.
Il a souligné que la diplomatie égyptienne a rempli son rôle dans les deux dossiers, palestinien et iranien, grâce à ses relations étroites avec Washington et ses canaux
ouverts avec les différentes parties. Toutefois, le non-respect des engagements par d’autres acteurs — qu’il s’agisse d’Israël, des États-Unis ou de pays européens — a fragilisé les résultats obtenus et laissé la situation ouverte à de nouvelles escalades.
Le Caire avait accueilli plusieurs rounds de négociations cruciales entre Téhéran et l’AIEA, renouant des ponts avec l’Europe et les États-Unis, et devenant un partenaire clé pour empêcher une nouvelle confrontation, avec la perspective d’élargir la médiation aux pays de la troïka et aux États-Unis en vue d’un accord plus large.
Des experts ont insisté sur l’importance du rôle égyptien, qui a contribué à rétablir la confiance entre l’Iran et l’AIEA et à ouvrir la voie à des compromis plus vastes avec les grandes puissances, faisant de l’Égypte un garant de la désescalade et un facteur de stabilité régionale.
Diplomatie de prévention de l’embrasement
Pour l’ambassadeur Atef Sayed Al-Ahl, ancien ambassadeur d’Égypte en Israël, l’année 2025 a été un succès pour la diplomatie égyptienne, contribuant à épargner à la région une guerre dévastatrice, dans un contexte où le conflit arabo-israélien s’est transformé en conflit «géré», façonné par plusieurs acteurs internationaux et marqué par une attitude israélienne de supériorité à l’égard des Palestiniens.
Il estime que les initiatives et résolutions internationales ont manqué de mécanismes concrets d’application, ce qui les a rendues incapables de mettre fin au conflit. Selon lui, la pensée américano-israélienne a promu l’idée de «paix régionale» comme substitut à une solution globale de la question palestinienne.
Le succès de la diplomatie égyptienne s’est reflété à travers plusieurs axes : soutien à la solution à deux États, parrainage de la réconciliation palestinienne, gestion des vagues d’escalade israélienne et tentative de contenir la crise du dossier nucléaire iranien — dans le cadre de la responsabilité historique de l’Égypte envers la cause palestinienne et la stabilité régionale.
Le front intérieur… des élections dans une année de défis
De son côté, l’expert électoral Abdel Nasser Kandil estime que la réussite diplomatique de l’Égypte s’est accompagnée d’une gestion interne efficace. L’année 2025 a constitué, selon lui, un véritable test des capacités de l’État à retrouver sa place régionale et internationale malgré des défis majeurs.
Il souligne que l’Égypte a affronté des pressions régionales complexes — notamment à ses frontières avec la Libye et le Soudan, ainsi qu’avec la guerre à Gaza — mais a su imposer sa vision, en particulier sur le dossier libyen, où les foyers de tension ont reculé de manière notable.
Le Caire a également renforcé sa présence en Afrique, ce qui s’est reflété dans l’évolution de ses relations diplomatiques et l’accueil d’un important sommet africain en fin d’année, avec une vision globale pour le développement du continent.
Sur le plan intérieur, Kandil relève que l’État a pu organiser les élections parlementaires malgré des difficultés inédites, tout en respectant les échéances constitutionnelles, avec des signes de reprise économique relative, un recul de l’inflation et un climat politique plus apaisé que les années précédentes.
Il conclut que le principal défi de la prochaine étape résidera dans la performance du nouveau Parlement et sa capacité à exercer un contrôle plus efficace, afin de rééquilibrer le rôle du pouvoir législatif et consolider le processus de stabilité politique engagé en 2025.
