Politique

Cabo Delgado… la porte d’entrée de Daech en Afrique


Dans un coin oublié du nord du Mozambique, où les richesses naturelles côtoient une pauvreté extrême, s’embrase un conflit qui illustre les drames de la marginalisation et de l’extrémisme.

C’est la province de Cabo Delgado, riche en gaz naturel et en rubis, devenue en quelques années un véritable champ de bataille opposant l’État à l’organisation « Daech – Province de l’Afrique centrale ».

Ce qui n’était qu’une insurrection marginale en 2017 s’est rapidement transformé en rébellion organisée, prenant le contrôle de villes et de ports, provoquant le déplacement de plus d’un million de personnes. Cette bande côtière stratégique est ainsi devenue le symbole de « l’échec du développement » et le reflet d’une violence enracinée dans l’exclusion.

Un emplacement stratégique

La province jouit d’un emplacement stratégique qui lui vaut un intérêt régional et international. Elle présente une grande diversité culturelle et ethnique, et abrite une importante population musulmane, partie intégrante du tissu social local.

Cabo Delgado a connu un boom économique après la découverte d’immenses réserves de gaz naturel au large de ses côtes, attirant des investissements étrangers de plusieurs milliards de dollars, selon le Financial Times.

Outre le gaz, la province possède d’autres ressources naturelles comme le rubis et le graphite.

Cependant, ces richesses n’ont pas bénéficié à la population locale, qui continue de souffrir de pauvreté et de chômage. Ce fossé socio-économique a alimenté un sentiment de marginalisation et de tension sociale, transformant la province en un foyer de violence après l’apparition d’une insurrection armée revendiquée par « Daech – Province de l’Afrique centrale ».

Située à l’extrême nord du Mozambique, Cabo Delgado est bordée par la Tanzanie au nord et l’océan Indien à l’est. Elle est considérée comme une région stratégique en raison de sa proximité avec les routes maritimes et de son littoral riche.

La province compte environ 2,3 millions d’habitants. Sa population est très diverse, incluant notamment les ethnies Makonde et Mwani. Elle est majoritairement musulmane (environ 54 %), avec une tradition d’islam modéré, avant que certaines franges ne soient influencées par des courants extrémistes au cours de la dernière décennie.

Montée de la violence et de l’extrémisme

Cabo Delgado a été le théâtre d’une montée en puissance des attaques armées menées par Daech – Province de l’Afrique centrale ». Initialement limitées, ces attaques ont gagné en ampleur, culminant en 2020 avec la prise de villes clés comme Mocímboa da Praia.

D’après The Guardian, l’organisation a montré une capacité croissante à mener des opérations complexes et de grande envergure, exploitant les failles sécuritaires et le retrait partiel des forces régionales. La province est ainsi devenue un centre majeur de ses activités.

Cette situation a suscité une attention internationale grandissante pour tenter de répondre à la crise humanitaire et sécuritaire.

Selon The Defense Post, l’organisation utilise des tactiques de guérilla et des attaques sophistiquées, profitant du relief accidenté et du manque de coordination entre les forces de sécurité mozambicaines.

Les causes profondes de la violence

Plusieurs facteurs se recoupent pour expliquer l’intensification de la violence à Cabo Delgado :

  • Marginalisation économique : la population locale n’a pas bénéficié des projets gaziers, creusant davantage le fossé avec l’État. 
  • Faiblesse étatique et sécuritaire : l’incapacité du gouvernement à contrôler les zones rurales a laissé le champ libre aux insurgés. 
  • Soutiens extérieurs : des rapports évoquent un soutien logistique et un entraînement en provenance de réseaux actifs en Afrique de l’Est. 
  • Manque d’alternatives sociales : la baisse de l’éducation et l’absence d’opportunités ont rendu les jeunes vulnérables au recrutement. 

Une situation humanitaire désastreuse

D’après Decide Electoral Platform, le conflit a provoqué le déplacement de plus d’un million de personnes à l’intérieur du pays, la mort de milliers de civils, ainsi que des crises alimentaires et sanitaires aiguës dans les camps de fortune privés de services de base.

Face à cette situation, des forces régionales de la SADC et du Rwanda sont intervenues pour soutenir l’armée mozambicaine dans sa tentative de reconquête des villes et axes stratégiques.

Si certaines zones ont pu être libérées, la menace persiste, notamment en raison de la tactique des cellules mobiles et de l’infiltration de l’organisation parmi la population.

Certains analystes redoutent que, sans traitement des causes profondes du conflit, Cabo Delgado ne devienne une nouvelle plaque tournante du radicalisme en Afrique, comparable aux situations observées au Mali ou en Somalie.

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