Politique

Bagdad écarte le désarmement forcé des milices par crainte de répercussions sécuritaires


La position exprimée par Fouad Hussein découle d’une prise de conscience aiguë d’une réalité complexe sur le terrain : l’influence considérable des milices, en particulier celles soutenues par l’Iran, qui se sont imposées comme un acteur incontournable dans l’équation politique et sécuritaire du pays.

Les déclarations récentes du vice-Premier ministre et ministre irakien des Affaires étrangères, Fouad Hussein, traduisent l’inquiétude croissante du gouvernement face aux difficultés liées au dossier sensible du « monopole des armes par l’État », dans un contexte où des groupes armés liés organiquement et politiquement à Téhéran continuent de jouir d’un pouvoir considérable. Cette inquiétude s’accentue alors que Bagdad subit des pressions intérieures et extérieures l’exhortant à adopter des mesures plus décisives pour mettre fin au phénomène des armes incontrôlées.

Dans une interview télévisée diffusée dimanche, Hussein a insisté sur le fait que « le gouvernement irakien ne peut pas désarmer la mobilisation populaire par la force ». Ce message direct illustre la difficulté, voire l’impossibilité, de traiter ce dossier par une confrontation militaire ou sécuritaire, tant les risques d’embrasement interne demeurent élevés dans un pays marqué par une fragilité persistante sur les plans politique et sécuritaire.

Cette position officielle reflète la conscience d’un rapport de force déséquilibré : les milices armées, notamment les factions appuyées par l’Iran – au premier rang desquelles les Brigades du Hezbollah – participent certes à la structure officielle du Hachd al-Chaabi, mais agissent avec une autonomie telle qu’il est pratiquement impossible de les contrôler sans basculer dans un affrontement généralisé.

Le chef de la diplomatie a reconnu que l’adoption de la loi encadrant le Hachd al-Chaabi avait été mal calibrée, soulignant qu’elle ne s’inscrivait pas dans une stratégie de long terme, mais répondait plutôt à une urgence conjoncturelle, celle de la lutte contre Daech. Il a ajouté que la situation irakienne présentait des similitudes avec le modèle libanais, où l’arsenal du Hezbollah ne peut être retiré que par le dialogue – une logique qu’il estime transposable au cas du Hachd.

Ce parallèle avec le Liban illustre la crainte d’un scénario de « souveraineté limitée », où l’État vit sous la contrainte d’un équilibre de la terreur imposé par des milices plus puissantes que les institutions officielles elles-mêmes. Face à ce dilemme, Bagdad privilégie l’option du dialogue, même lent et incertain, afin d’éviter une dérive vers le chaos.

Cependant, loin de manifester une réelle volonté d’apaisement, certaines factions tendent au contraire vers l’escalade. Les Brigades du Hezbollah ont réaffirmé vendredi dernier, dans un communiqué, leur attachement aux « armes de la résistance », qu’elles jugent indispensables pour « dissuader les agresseurs et défendre les opprimés ». Elles ont même appelé à renforcer leur arsenal avec des équipements sophistiqués, en réponse implicite aux déclarations du Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani réclamant la fin des armes incontrôlées.

Soudani, qui tente de maintenir un équilibre délicat, avait pourtant franchi une étape inédite la semaine dernière en limogeant les commandants des brigades 45 et 46 du Hachd, réputées proches du Hezbollah irakien, et en traduisant en justice plusieurs responsables impliqués dans une attaque armée contre la direction de l’agriculture de Karkh. Mais ces mesures symboliques ont été mal reçues par les factions armées, qui les perçoivent comme une atteinte directe à leur statut et à leurs intérêts.

Parallèlement, les États-Unis maintiennent leur pression sur Bagdad, exigeant le démantèlement des milices et la confiscation de leurs armes comme condition préalable à tout soutien durable. Cette insistance américaine s’inscrit dans un climat régional et international marqué par la crainte de voir ces groupes agir comme des prolongements de l’influence iranienne en Irak, menaçant la stabilité et l’intégrité du pays.

De son côté, Hussein a révélé que l’Iran avait exprimé sa gratitude envers Bagdad pour sa position durant la « guerre des douze jours », une période de tensions régionales durant laquelle des factions irakiennes avaient soutenu Téhéran. Le ministre a également souligné la nécessité du maintien des forces de la coalition internationale en Irak, estimant leur présence « indispensable » à ce stade, une position qui ne fait pas consensus parmi les forces politiques et les milices hostiles à Washington.

Dans cet enchevêtrement de pressions locales et régionales, le gouvernement irakien se retrouve dans une posture particulièrement délicate : il doit prouver sa capacité à affirmer la souveraineté de l’État, tout en évitant un affrontement direct susceptible de déclencher un conflit interne dévastateur.

En définitive, Bagdad semble miser sur une stratégie de désescalade progressive et sur d’éventuelles évolutions internes ou régionales susceptibles de redéfinir les équilibres. Mais, à l’heure actuelle, l’arsenal lourd des milices demeure hors de portée de l’autorité étatique, en attente d’une solution qui paraît encore lointaine.

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