Aux portes du Burundi… le M23 progresse vers la troisième ville du Sud-Kivu congolais
Après Uvira, les rebelles du mouvement M23 avancent vers Baraka, la troisième plus grande ville du Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, se rapprochant ainsi des frontières du Burundi.
Ces derniers jours, les rebelles ont pris le contrôle de la ville stratégique d’Uvira, qui servait de siège provisoire au gouvernement provincial depuis la chute de Bukavu.
Selon des experts, la chute d’Uvira offre aux rebelles un accès vital au lac Tanganyika ainsi qu’à la province du même nom située plus au sud, ravivant les craintes d’une extension régionale du conflit vers le Burundi voisin.
Bien que les rebelles aient précédemment affirmé ne pas vouloir avancer vers Bujumbura, la capitale du Burundi, des observateurs doutent des intentions réelles du mouvement.
Des milliers de civils ont fui après s’être retrouvés pris au piège des échanges de tirs entre le M23 d’un côté et les forces congolaises et leurs alliés de l’autre.
Le 4 décembre courant, les présidents américain Donald Trump, rwandais Paul Kagame et congolais Félix Tshisekedi ont signé à Washington un accord de paix qualifié de « miracle » par Trump, visant à mettre fin au conflit. Toutefois, de nouvelles attaques avaient déjà commencé avant même leur rencontre.
La bataille n’est pas terminée
La situation dans l’est de la RDC figurait parmi les principaux points à l’ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies, réuni vendredi, au lendemain de la prise d’Uvira par les rebelles.
À Kinshasa, les autorités ont cherché à clarifier leur position. S’exprimant devant le corps diplomatique, le ministre congolais de la Justice, Guillaume Ngefa, a déclaré que « les Forces armées de la République démocratique du Congo, avec l’appui de forces alliées, réorganisent leurs rangs et leur déploiement afin de défendre l’intégrité territoriale ».
Il a ajouté : « La bataille pour la libération du Sud-Kivu n’est pas terminée ».
Sur le terrain, la tension demeure toutefois très forte dans cette région qui s’étend jusqu’à Baraka, située à environ 100 kilomètres au sud d’Uvira.
La radio française RFI a rapporté, citant des sources sécuritaires, que des tirs attribués à l’armée congolaise avaient été entendus dans la localité de Baraka, sans que les circonstances exactes de l’incident soient précisées.
Des informations ont également fait état d’affrontements près de Mboko entre la milice d’autodéfense Wazalendo et les rebelles, toujours positionnés aux abords d’Uvira.
Face à la dégradation de la situation sécuritaire, l’organisation Médecins sans frontières a annoncé la suspension de ses activités dans la région. Elle y avait lancé, en août dernier, une intervention d’urgence contre le paludisme, prévue jusqu’à la fin janvier prochain.
Selon la même source, les équipes médicales ont été évacuées, mais l’organisation alerte sur une situation sanitaire préoccupante en pleine saison des pluies.
Dans un communiqué, Ton Berg, directeur des programmes de Médecins sans frontières au Sud-Kivu, a déclaré : « Nous approchons du pic de la saison du paludisme et nous sommes profondément préoccupés de ne pas pouvoir apporter l’aide nécessaire aux populations ».
Cette détérioration sécuritaire a de nouveau provoqué des déplacements de population du Sud-Kivu vers la province voisine du Tanganyika.
À Kalemie, un déplacé originaire de Bukavu, installé dans la ville depuis plusieurs mois, a confirmé l’arrivée d’une nouvelle vague de déplacés.
Colère américaine
Les États-Unis ont vivement critiqué vendredi l’implication du Rwanda dans le conflit à l’est de la RDC, quelques jours seulement après la signature d’un accord à Washington entre Kinshasa et Kigali.
Lors d’une réunion du Conseil de sécurité, l’ambassadeur américain auprès des Nations unies, Mike Waltz, a déclaré : « Au lieu de progresser vers la paix, comme nous l’avons observé récemment sous l’égide du président Donald Trump, le Rwanda entraîne la région vers davantage d’instabilité et vers la guerre ».
Après la signature de l’« accord de paix » entre la RDC et le Rwanda sous médiation américaine, Waltz a affirmé que son pays était « profondément inquiet et extrêmement déçu » par la reprise des violences, dénonçant « l’ampleur » de l’implication rwandaise dans les développements à l’est du Congo.
Il a ajouté que « les Forces de défense rwandaises ont apporté un soutien matériel, logistique et en matière de formation, et combattent aux côtés du M23 en RDC avec environ 5 000 à 7 000 soldats depuis le début du mois de décembre », sans exclure une augmentation de ces effectifs lors de l’offensive en cours.
Waltz a poursuivi : « Ces derniers mois, le Rwanda a déployé un nombre important de missiles sol-air et d’autres armes lourdes et sophistiquées dans le Nord et le Sud-Kivu afin d’aider le M23 ».
Il a également indiqué disposer « d’informations crédibles faisant état d’une augmentation de l’utilisation de drones kamikazes et de tirs d’artillerie par le M23 et le Rwanda, y compris des frappes menées sur le territoire burundais ».
Après avoir pris le contrôle de Goma en janvier et de Bukavu en février derniers, le M23 a lancé une nouvelle offensive au début du mois en cours dans la province du Sud-Kivu, le long de la frontière avec le Burundi.
Mercredi notamment, le groupe s’est emparé de la ville d’Uvira, qui compte plusieurs centaines de milliers d’habitants, lui permettant ainsi de contrôler les frontières terrestres entre la RDC et le Burundi, privant Kinshasa du soutien militaire fourni par Bujumbura.
Dans le même contexte, le chef des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, a averti que cette nouvelle offensive « a réveillé le spectre d’une explosion régionale aux conséquences imprévisibles », exprimant sa vive inquiétude face à une possible extension du conflit.
