Politique

Attaque contre un poste de sécurité à Soueïda : un nouvel indicateur de la fragilité sécuritaire dans le sud syrien


La province de Soueïda, dans le sud de la Syrie, connaît une recrudescence inquiétante de la violence, révélant la fragilité du dispositif sécuritaire dans une région historiquement sensible. Selon l’agence officielle syrienne SANA, un poste du service de sécurité intérieure dans la localité d’Al-Matouna a été la cible, ces derniers jours, d’une attaque armée d’envergure impliquant des tirs de mortier et des mitrailleuses lourdes. Cet assaut intervient dans un contexte de multiplication des attaques visant les routes stratégiques reliant Soueïda à Damas, accentuant la tension au sein d’une zone longtemps considérée comme relativement stable.

Cet incident n’est pas isolé. Quelques jours auparavant, une attaque contre un bus civil près de la station-service « Marjana », sur la même route, avait fait deux morts et plusieurs blessés, selon la chaîne publique Al-Ikhbariya. Les autorités locales ont attribué ces violences à « un groupe armé hors-la-loi », précisant que les enquêtes sont en cours et dénonçant une tentative délibérée de « semer le chaos et d’intimider les civils ».

Ce regain de tension intervient alors que la mise en œuvre de la « feuille de route pour la résolution de la crise de Soueïda » annoncée à la mi-septembre — fruit d’une initiative conjointe entre la Syrie, la Jordanie et les États-Unis — semble au point mort. Ce plan prévoyait notamment le déploiement de forces de sécurité relevant du ministère syrien de l’Intérieur le long de l’axe Damas–Soueïda, avec un appui logistique d’Amman et de Washington. Cependant, selon des sources locales, les désaccords internes et les divergences sur l’avenir politique de la province ont empêché toute application concrète de ces mesures.

Parallèlement, la contestation à l’égard du pouvoir central monte à Soueïda même. Dans un communiqué, le Comité juridique supérieur de la province a accusé le ministère syrien des Affaires étrangères de se défausser de ses responsabilités envers le sud, affirmant que « le destin de Soueïda doit être décidé par ses habitants, non par des déclarations officielles ou des ententes extérieures qui ignorent la réalité locale ».

Le cheikh Hikmat al-Hijri, l’une des figures religieuses les plus influentes de la communauté druze, s’est imposé comme le principal porte-parole de ces revendications. Il plaide depuis plusieurs mois pour une autonomie administrative élargie de la province, proposition rejetée par Damas, qui réaffirme son attachement à l’unité territoriale du pays. Al-Hijri a par ailleurs initié la création d’une force locale baptisée « Garde nationale », officiellement destinée à « protéger les habitants et maintenir l’ordre », mais que certains estiment être une tentative de mise en place d’un pouvoir parallèle. Des dirigeants du mouvement Rijal al-Karama (les Hommes de la Dignité), le groupe druze le plus influent, ont d’ailleurs comparé cette milice à une version locale des Gardiens de la Révolution iraniens.

Cette montée des tensions n’est que le prolongement d’un conflit latent. En juillet dernier, des affrontements sanglants avaient opposé des combattants druzes à des tribus sunnites appuyées par des forces gouvernementales, faisant des centaines de morts et de blessés. Selon plusieurs rapports concordants, Israël serait intervenu à l’époque par des frappes aériennes visant à empêcher des « massacres potentiels » contre la minorité druze, ajoutant ainsi une dimension régionale à une crise déjà complexe.

Historiquement, Soueïda est majoritairement druze, mais abrite aussi des tribus sunnites, notamment dans les zones rurales. Ces dernières années, les tensions entre les deux communautés se sont ravivées sur fond de rivalités foncières, de crise économique et de marginalisation politique. La dégradation des conditions de vie et la faiblesse des institutions ont transformé la province en foyer de contestation contre le gouvernement central, où les revendications sociales ont rapidement pris une tournure politique.

Aujourd’hui, l’insécurité croissante, la multiplication des attaques et l’affaiblissement de l’autorité de l’État placent Soueïda à un tournant critique. La région risque de devenir une nouvelle ligne de front dans le sud syrien, exposant Damas à un défi supplémentaire dans un pays encore déchiré par plus d’une décennie de guerre. Pour de nombreux observateurs, la détérioration sécuritaire de Soueïda pourrait avoir des répercussions directes sur la stabilité de la Syrie entière, la province constituant un point de passage stratégique vers la Jordanie. Entre l’incapacité du pouvoir central à rétablir l’ordre et les ambitions locales d’autonomie, Soueïda s’enfonce dans une zone grise où la frontière entre autorité et chaos devient de plus en plus floue.

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