Moyen-Orient

Assassinats sous couvert de sécurité : comment les Frères musulmans imposent leur emprise sur Taëz par le chaos


La province yéménite de Taëz connaît une escalade alarmante d’assassinats et d’incidents sécuritaires, dans un climat de désordre croissant. Des accusations visent directement le parti Al-Islah — branche locale des Frères musulmans — soupçonné d’encourager et de couvrir ces violations afin d’« étouffer » la ville et de renforcer sa domination politique et militaire.

Le dernier crime en date, survenu avant-hier, illustre cette spirale de violence. Des hommes armés appartenant aux forces de sécurité contrôlées par le parti Al-Islah dans la ville d’Al-Turba, au sud de Taëz, ont exécuté le fils d’un juge devant son domicile. Des sources locales citées par le site Al-Montasaf Net ont rapporté qu’une unité de sécurité a pris d’assaut la maison du juge Abdel Hakim al-Najashi, président du tribunal de Ras al-Arah et Al-Madhariba, dans le gouvernorat de Lahj, et a tué son fils, l’avocat Abdel Rahman al-Najashi.

Selon ces mêmes sources, la victime aurait refusé d’obtempérer à une tentative d’arrestation illégale, exigeant la présentation d’un mandat judiciaire. En réponse, l’un des agents aurait ouvert le feu à bout portant, le tuant sur le coup.

Ce meurtre brutal, survenu seulement quelques mois après la fin des études universitaires du jeune homme, a provoqué un choc immense dans la population et déclenché une vague d’indignation à Taëz.

Cet incident intervient à peine un jour après une tentative d’assassinat attribuée, selon plusieurs observateurs, aux Frères musulmans, visant le général Adnan Raziq, commandant de la 5e brigade de la garde présidentielle. Une charge explosive télécommandée a explosé près de la prison centrale de Taëz, tuant deux de ses gardes et en blessant trois autres, dont Raziq lui-même, touché par des éclats. Les autorités locales ont confirmé l’arrestation d’une dizaine de suspects.

De nombreux analystes estiment que ces violences répétées ne relèvent plus d’actes isolés mais traduisent une stratégie planifiée de déstabilisation. L’objectif, selon eux, est clair : affaiblir les institutions locales et imposer une hégémonie totale sur la ville, historiquement considérée comme la capitale culturelle du Yémen.

Le 18 septembre dernier, une militante et directrice du Fonds d’hygiène et d’amélioration urbaine, Aftehan al-Mashhari, a été abattue par un homme armé affilié au parti Al-Islah, déclenchant une vague de manifestations massives contre le mouvement islamiste. Un mois plus tôt, le 21 août, le chef de la police du district d’Al-Ta’iziyah, le commandant Abdullah al-Naqib, a été tué par une bombe placée sous son véhicule dans la rue Jamal.

Des militants accusent conjointement le parti Al-Islah et les milices houthis d’utiliser ces assassinats comme instruments de règlement de comptes et de consolidation de pouvoir. Dans la province de Taëz, les deux mouvements se partagent en effet le territoire : les Frères musulmans contrôlent le centre urbain tandis que la rive orientale reste sous domination houthie. Malgré leurs rivalités, les deux factions semblent trouver un terrain d’entente tacite lorsqu’il s’agit de maintenir la province dans le chaos, au service de leurs propres agendas politiques.

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