Politique

Après une défaite… le Hezbollah conditionne désormais sa décision de faire la guerre à l’accord de l’État libanais


La déclaration de Naïm Qassem révèle le retour de l’État libanais en tant qu’acteur capable de contenir toute aventure militaire, ce qui est perçu comme un signe d’un changement dans l’équilibre des forces entre les institutions officielles et le parti.

Dans un tournant remarquable et sans précédent dans le discours du Hezbollah, son secrétaire général adjoint, le cheikh Naïm Qassem, a déclaré que toute décision de partir en guerre est désormais « liée à une décision de l’État libanais ». Cette déclaration marque un changement profond dans la manière dont le parti aborde les questions de guerre et de paix, longtemps considérées comme des prérogatives indépendantes de l’État.

Dans un discours télévisé prononcé jeudi, Qassem a affirmé que le parti était « prêt à combattre à la frontière », mais a conditionné cette disposition à une décision officielle de l’État libanais. Il a ajouté : « Si l’État libanais décide aujourd’hui d’expulser Israël par la force et d’ouvrir une bataille, nous sommes prêts à nous battre à la frontière. »

Il a poursuivi en affirmant que le Hezbollah « ne se soumettra pas aux diktats, ne se rendra pas, et luttera pour un pays digne de ses générations, quel qu’en soit le prix », qualifiant Israël d’« entité expansionniste » cherchant à dominer toute la région avec le soutien des États-Unis.

Les propos de Qassem constituent ce qu’on pourrait qualifier de « tournant qualitatif », car c’est la première fois que le Hezbollah reconnaît explicitement que la décision d’entrer en guerre contre Israël ne lui revient pas seul, mais dépend des institutions de l’État. Pendant des décennies, le Hezbollah a mené ses guerres au Liban et à l’étranger sans consulter l’armée libanaise ni le gouvernement, ce qui lui a valu de vives critiques locales et internationales, étant perçu comme une entité armée prenant seule les décisions de guerre et de paix en dehors de la légitimité de l’État.

Ce changement semble intervenir après la guerre de 2024 contre Israël, au cours de laquelle les limites des options du Hezbollah ont été révélées, que ce soit à cause des pertes importantes subies ou de son abstention à s’impliquer directement dans le grand affrontement entre son alliée, l’Iran, et Israël en juin dernier. Cela a donné l’impression que le parti n’est plus en mesure d’escalader militairement sans l’approbation de l’État libanais, ou qu’il subit désormais des pressions internes et internationales accrues depuis cette dernière guerre.

La guerre de septembre 2024 entre Israël et le Hezbollah, déclenchée par une escalade militaire majeure, a fait plus de 4 000 morts et environ 17 000 blessés, selon les statistiques officielles. Malgré l’accord de cessez-le-feu conclu en novembre, Israël a continué de violer cet accord et n’a procédé qu’à un retrait partiel du sud du Liban, maintenant son occupation sur cinq collines libanaises.

Cette guerre a mis en évidence les pertes humaines et organisationnelles subies par le Hezbollah, notamment l’assassinat de plusieurs de ses commandants sur le terrain, y compris l’ancien secrétaire général Hassan Nasrallah, ainsi que la destruction d’une grande partie de son infrastructure sécuritaire et militaire dans le Sud. Le parti s’est ainsi retrouvé confronté à une mise à l’épreuve de ses capacités militaires et de son image auprès de sa base populaire.

En juin, lors d’une série de frappes croisées entre Israël et l’Iran, l’absence du Hezbollah sur le terrain a soulevé de nombreuses questions quant aux raisons de sa non-intervention aux côtés de son principal allié régional. Certains y ont vu une preuve du recul de sa capacité à gérer des conflits sur plusieurs fronts, ou du moins, sa soumission à la volonté de l’État libanais, qui semblait – pour la première fois – en mesure de l’empêcher d’entraîner le pays dans une guerre que la majorité des Libanais ne souhaitent pas.

Selon plusieurs observateurs, cette position renforce temporairement le rôle de l’État libanais comme acteur capable de freiner toute initiative militaire hasardeuse, ce qui est interprété comme un indicateur d’un changement dans l’équilibre des pouvoirs entre les institutions de l’État et le Hezbollah, ou du moins comme un début de révision interne au sein du parti concernant le moment, le lieu et les modalités d’un éventuel affrontement.

Et bien que Qassem ait parlé de « pleine disposition au combat », la réalité sur le terrain démontre une posture beaucoup plus prudente. Le Hezbollah semble désormais plus mesuré, et la population libanaise moins disposée à supporter les conséquences d’une nouvelle guerre. La dernière confrontation a coûté très cher au parti, tant sur le plan politique que militaire, ce qui pourrait le pousser à adopter un discours belliqueux sans pour autant passer à l’action, dans une tentative de maintenir un équilibre fragile.

Il apparaît donc que le Hezbollah, sans abandonner entièrement sa stratégie de « résistance », prend désormais conscience que les paramètres ont changé, et que la décision d’entrer en guerre ne peut plus être prise depuis la seule banlieue sud de Beyrouth, mais doit passer – même symboliquement – par l’État libanais.

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