Moyen-Orient

Après le chaos de la première distribution… Le nouveau mécanisme d’aide à Gaza tiendra-t-il bon ?


Quand le blocus, la faim et le désespoir se conjuguent, les scènes de chaos ne peuvent être interprétées que comme le cri d’un peuple luttant contre la mort aux portes de l’aide humanitaire.

Hier, mardi, un chaos total a éclaté sur un site de distribution d’aide alimentaire à Gaza, géré par une organisation soutenue par les États-Unis, où des milliers de Palestiniens désespérés ont afflué pour recevoir des vivres.

Le blocus israélien imposé depuis 11 semaines sur l’acheminement de l’aide humanitaire a poussé les plus de deux millions d’habitants de Gaza vers la famine et une crise humanitaire croissante, alors que l’arrivée de l’aide a repris timidement la semaine dernière.

Des vidéos tournées sur le site de distribution du quartier de Tel al-Sultan, géré par la Fondation Humanitaire de Gaza (GHF), montrent d’immenses foules envahissant les lieux, détruisant certaines barrières et escaladant les clôtures censées réguler les files d’attente.

Une marche de souffrance pour des ventres vides

Dans une déclaration à CNN, Wafiq Qudeih, venu espérant recevoir une aide, a déclaré : « Ils veulent de l’ordre, mais il n’y en aura pas, car ce sont des gens désespérés, ils veulent simplement manger et boire. »

Selon des témoins, l’armée israélienne aurait tiré en l’air, provoquant le repli des Américains et de leurs équipes, rendant la distribution impossible.

Plusieurs habitants ont exprimé leur gratitude pour les vivres reçus, mais ont décrit des trajets très longs, des heures d’attente, et un désordre généralisé.

Un homme sur place a raconté : « Le centre est très loin, nous avons beaucoup souffert pour arriver. Je suis fatigué et épuisé. Comment peuvent-ils nourrir autant de gens ? Il y a tellement de monde ici ; la sécurité ne pourra pas tous les contrôler. »

Un diplomate a confié à CNN que le chaos n’était « une surprise pour personne ».

De son côté, la Fondation Humanitaire de Gaza a reconnu l’ampleur du désordre, affirmant que ses équipes s’étaient retirées pour laisser un petit nombre de Palestiniens recevoir l’aide en toute sécurité, « conformément à ses protocoles pour éviter les blessures ».

La reprise de l’aide

Un responsable sécuritaire a assuré que les contractants de sécurité américains n’avaient tiré aucun coup de feu, et que les opérations de distribution reprendraient ce mercredi.

L’armée israélienne a pour sa part déclaré avoir tiré des coups de semonce à l’extérieur du site, affirmant que la situation était désormais maîtrisée. Elle a nié avoir tiré directement sur le site.

Amjad Al-Shawa, directeur du Réseau des ONG palestiniennes, a averti qu’un « échec majeur » était à craindre.

« Si Israël pense qu’un blocus et l’exacerbation de la famine — en violation des principes humanitaires — permettront de réussir la distribution d’aide, elle se trompe », a-t-il déclaré.

Ce qui a été distribué le jour du chaos

La Fondation Humanitaire de Gaza a déclaré avoir distribué environ 8 000 colis alimentaires, soit un total de 462 000 repas à Gaza jusqu’à présent.

Elle prévoit d’augmenter progressivement ce volume pour atteindre 1,2 million de bénéficiaires — soit 60 % de la population — d’ici la fin de la semaine.

Bien que les distributions aient commencé lundi, les images publiées montrent peu de bénéficiaires portant des colis, tandis que la majorité des caisses étaient posées sur des palettes dans une zone vide.

Les centres de distribution… et le nord ignoré

La GHF prépare trois autres centres de distribution : deux dans le sud de Gaza et un dans la zone centrale.

Tous les centres du sud se situent dans des zones ayant reçu un ordre d’évacuation totale la veille.

Aucun centre n’est prévu dans le nord de Gaza, ce qui a été critiqué par de nombreux experts humanitaires. L’ONU avait averti que cette répartition pourrait être perçue comme une tentative de favoriser l’objectif déclaré d’Israël : forcer tous les habitants à quitter le nord, comme l’a affirmé le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, plus tôt ce mois-ci.

Un haut responsable militaire israélien a déclaré à CNN qu’Israël envisageait d’occuper 75 % de Gaza en deux mois dans le cadre de sa nouvelle offensive.

Une telle opération forcerait plus de deux millions de Palestiniens à se regrouper dans le quart du territoire côtier déjà dévasté, encerclé presque entièrement par les forces israéliennes.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait déjà annoncé que tous les habitants seraient déplacés vers le sud.

L’ONU a un plan

Le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a qualifié les images montrant des milliers de Palestiniens envahissant un site de distribution de « déchirantes ».

« Nous avons, avec nos partenaires, un plan détaillé, fondé sur des principes et réaliste, soutenu par les États membres, pour acheminer l’aide aux populations dans le besoin », a-t-il affirmé aux journalistes.

Il a ajouté : « Nous continuons à affirmer qu’il est essentiel d’élargir l’action humanitaire pour éviter une famine et répondre aux besoins des civils, où qu’ils se trouvent. »

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