Moyen-Orient

Après l’accord de Gaza… recul des justifications et pressions croissantes pour désarmer le Hezbollah


L’accord de Gaza constitue un tournant régional majeur dépassant les frontières du secteur pour concerner le Liban, qui se retrouve face à un moment crucial susceptible de redéfinir les équilibres de pouvoir internes.

Selon des experts libanais, l’accord de Gaza représente un puissant coup de pouce pour le gouvernement dans la mise en œuvre de son plan de centralisation de l’armement sous l’autorité de l’État, confié à l’armée, avec la volonté et la coopération d’acteurs internationaux et arabes visant à contribuer à la stabilité du pays, devenu une composante essentielle des arrangements de sécurité régionale post-Gaza.

Cependant, ces évolutions portent en elles des potentialités contradictoires, entre l’ouverture d’une voie nationale pour redonner de la légitimité à l’État et le risque d’intensification des tensions internes si le Hezbollah continue de maintenir son arsenal et ses liens extérieurs.

Les experts s’accordent à dire que l’accord offre à l’État libanais une opportunité historique de reconstruire son autorité et de retrouver sa souveraineté, mais qu’il le confronte également à un test de volonté nationale et de capacité à agir sans glisser vers un conflit interne.

Un tournant décisif

Le chercheur et analyste politique Tarek Abou Zineb affirme que l’accord de cessez-le-feu à Gaza constitue une étape cruciale ayant un impact direct sur le Liban, tant sur le plan de la stabilité sécuritaire que dans la mise en œuvre du plan de l’armée libanaise visant à centraliser les armes et contrôler le territoire.

Si le cessez-le-feu se confirme et se maintient, explique Abou Zineb, il fera tomber les justifications de l’escalade à la frontière sud libanaise et affaiblira les prétextes du Hezbollah pour conserver ses armes, offrant ainsi à l’armée libanaise une marge de manœuvre plus large pour appliquer son plan de désarmement des forces illégales, avec un soutien populaire et international croissant.

La prochaine phase pourrait voir une intensification des pressions internationales et arabes pour soutenir l’État libanais et permettre à l’armée de rétablir son autorité complète, d’autant que la stabilité du Liban est devenue un élément central des arrangements de sécurité régionale post-Gaza.

La communauté internationale considère sérieusement la nécessité de désarmer les groupes illégaux et de démanteler les foyers armés dans les camps palestiniens, comme première étape pour réaffirmer l’autorité de l’État et neutraliser le Liban vis-à-vis des conflits régionaux, selon Abou Zineb.

L’analyste souligne que l’armée libanaise dispose aujourd’hui d’une opportunité historique pour mettre en œuvre son plan national, par étapes planifiées, commençant par le désarmement des camps palestiniens et des autres factions armées, parallèlement au traitement du dossier des milices sur le territoire libanais.

« L’objectif est un projet national global qui redonne toute sa légitimité à l’État et à ses institutions, et qui mette fin à la logique des micro-états à l’intérieur de l’État, responsable de lourdes pertes pour la sécurité, l’économie et la souveraineté du Liban », ajoute-t-il.

Selon lui, le succès de l’accord de Gaza ne sera complet que si une traduction concrète se fait au Liban, en permettant à l’armée de centraliser les armes et en confirmant que la sécurité ne peut être assurée que sous l’autorité exclusive de l’État, loin de toute arme factionnelle ou projet extérieur menaçant l’unité et l’avenir du pays.

Mettre fin au « dossier des armes »

L’ancien ministre libanais et responsable des relations extérieures du Parti des Forces libanaises, Richard Qayumjian, indique que l’effet principal du cessez-le-feu à Gaza est la disparition totale pour le Hezbollah de toute justification pour conserver ses armes.

« Ces armes étaient utilisées sous prétexte de soutenir Gaza, mais en réalité elles n’ont jamais réellement apporté d’aide, ni permis de libérer des territoires libanais. Il n’existe donc plus aucune raison légale, pratique ou militaire pour que ces armes restent entre les mains d’une faction, et surtout pas du Hezbollah », précise-t-il.

Toute incidence positive de l’accord sur la stabilité et la sécurité du pays dépend, selon lui, de la continuité de l’influence iranienne, écartée du processus régional, et de son usage du Hezbollah comme levier pour maintenir l’instabilité dans le Sud.

Qayumjian exhorte le Hezbollah à agir dans l’intérêt du Liban et de son environnement afin que le pays puisse s’engager dans le projet régional de stabilité, coopération économique et paix. Il souligne également la nécessité pour l’armée d’accélérer la mise en œuvre de son plan afin de résoudre définitivement le dossier des armes et de tenir le Hezbollah et sa direction responsables de leurs obligations nationales.

Il estime que l’« axe iranien », qui dominait auparavant le Liban et d’autres pays de la région, est tombé, et que le Liban appartient désormais à un nouvel axe qui mènera à terme à la paix régionale.

Changement de rythme dans l’exécution

Le responsable de la communication au sein du Parti des Forces libanaises, Charles Jabbour, qualifie l’accord de Gaza de « tremblement de terre majeur » ayant des répercussions considérables au Liban.

Selon lui, les événements de Gaza vont pousser le pays dans une nouvelle dynamique, modifiant le rythme de l’État libanais et la manière d’appliquer son plan de centralisation des armes.

Parmi les premiers effets de ce « tremblement de terre », il note deux positions majeures du président Joseph Aoun : premièrement, tenir le Hezbollah responsable d’avoir impliqué le Liban dans une guerre de soutien ; deuxièmement, rencontrer le président américain Donald Trump pour entamer des négociations indirectes avec Israël afin de résoudre les dossiers en suspens, en priorité le dossier des armes du Hezbollah, qui demeure l’obstacle majeur à toute solution.

Selon Jabbour, l’accord neutralise également les justifications israéliennes pour la présence dans cinq zones du Sud libanais, si l’État réussit à centraliser les armes. Le président libanais a souligné l’importance d’ouvrir un dialogue pour résoudre les problèmes avec Israël et a déclaré que « l’ambiance actuelle est favorable aux accords », rappelant que le Liban ne peut ignorer les évolutions régionales sans risquer d’être emporté par les changements politiques et économiques.

Depuis novembre dernier, un cessez-le-feu parrainé par les États-Unis et la France est en vigueur, mais Israël a continué de mener des raids visant selon elle des éléments et infrastructures du Hezbollah, notamment dans le sud, tout en maintenant ses forces sur cinq collines du sud du Liban, contrairement aux dispositions de l’accord.

Scénario de guerre

L’analyste politique libanais Michel Chammai estime que « la dynamique post-accord de Gaza indique une escalade progressive vers la résolution du dossier libanais, et le Liban ne peut rester en dehors de ce processus ».

Il n’exclut pas un renouvellement du conflit, avertissant : « Le scénario de guerre s’intensifie. La communauté internationale n’attendra pas longtemps pour traiter le dossier des armes du Hezbollah de manière douce à la libanaise ; elle exige un désarmement rapide et efficace ».

« Le président Aoun ne veut pas de confrontation avec des factions libanaises pour éviter des effusions de sang, tandis que le Hezbollah reste attaché à toutes ses options anciennes, comme si aucun développement n’avait eu lieu, comme le montre le récent discours du secrétaire général du Hezbollah, Naim Qassem », ajoute-t-il.

Chammai estime qu’aucun compromis sur le Hezbollah n’est probable, car le parti considère son arsenal comme central à son existence, dépassant les frontières libanaises et servant de moyen pour concrétiser cette extension.

Il avertit que, si cette situation persiste, et avec la détermination du président américain à exécuter ses plans régionaux selon sa maxime « la paix par la force », le Liban reste exposé au risque de nouvelles attaques israéliennes sous couvert américain.

Des sources diplomatiques américaines ont déclaré mercredi aux médias locaux que Washington « considère le Liban comme le prochain terrain de confrontation avec l’influence iranienne », ajoutant : « Il n’y a pas d’État au Liban avec l’État Hezbollah, ni de souveraineté avec une arme qui décide de la guerre et de la paix… La phase de la paix par la force a déjà commencé ».

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