Après la trêve… un ennemi silencieux menace Gaza
Alors que l’attention s’est concentrée sur les clauses relatives au désarmement et à l’échange d’otages dans l’accord de cessez-le-feu signé le 8 octobre entre Israël et le mouvement Hamas, la disposition concernant l’acheminement de l’aide humanitaire devait, en théorie, être la plus simple à appliquer.
Mais dès l’entrée en vigueur de l’accord, il est apparu que la faim, et non les roquettes, risquait de devenir la plus grande menace à la stabilité de la trêve. Selon une analyse publiée par Foreign Affairs, l’effondrement des infrastructures et les manœuvres politiques pourraient précipiter Gaza vers une catastrophe humanitaire totale, compromettant ainsi la paix fragile.
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Le « blocus de l’aide »
Selon la « feuille de route Trump en vingt points », six cents camions d’aide devaient entrer quotidiennement dans la bande de Gaza, sans entrave, afin de répondre aux besoins essentiels des habitants épuisés par la guerre, la famine et le déplacement. Mais à peine deux semaines après la signature de l’accord, les promesses se sont transformées en obstacles.
Israël a retardé la réouverture du poste-frontière vital de Rafah et réduit de moitié le nombre de camions autorisés à passer, justifiant cette décision par le non-retour des dépouilles des otages tués par le Hamas, bien que le Comité international de la Croix-Rouge ait précisé que cette opération nécessitait du matériel spécialisé et davantage de temps.
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Tel-Aviv a ensuite menacé de fermer complètement les points de passage après un incident de tir à Rafah, avant de reculer sous la pression directe de Washington, lorsque l’enquête a révélé que l’incident provenait d’une munition non explosée.
Dans le même temps, plusieurs grandes organisations humanitaires ont cessé leurs activités en raison de nouvelles conditions d’enregistrement imposées par Israël. De vastes zones du nord de Gaza demeurent inaccessibles, malgré les clauses de l’accord garantissant une « liberté totale de passage ». D’après le Programme alimentaire mondial, moins de la moitié de l’aide nécessaire était entrée à Gaza au 21 octobre, tandis que les indicateurs de la faim atteignaient des niveaux catastrophiques.
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L’aide comme outil de chantage
Depuis plusieurs années, l’aide humanitaire est devenue un instrument de négociation et un levier de pression politique. Dans le cadre de l’équation « aide contre otages », l’entrée des vivres et des médicaments dépend désormais de décisions militaires et politiques israéliennes, conférant ainsi une légitimité implicite à une politique de punition collective contre la population civile de Gaza.
Bien que le droit international humanitaire impose à toutes les parties de permettre l’accès de l’aide aux civils, Israël a maintenu un contrôle direct sur les canaux de distribution et refusé de coopérer avec l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), pourtant pilier du système humanitaire à Gaza.
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Gaza au bord de la famine
Plus de deux ans après le début de la guerre, les habitants de Gaza connaissent la pire crise humanitaire de leur histoire récente. Le blocus israélien total, imposé depuis mars 2025, a détruit tous les fondements de la vie. En août, les Nations unies ont officiellement déclaré l’état de famine dans certaines zones de l’enclave.
L’organisation internationale estime que plus de 1,9 million de Palestiniens — presque l’ensemble de la population de Gaza — ont été déplacés à plusieurs reprises à cause des bombardements et des ordres d’évacuation. Près de 80 % des habitations, 89 % des réseaux d’eau et d’assainissement et 94 % des hôpitaux ont été détruits ou gravement endommagés.
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La catastrophe trouve son origine dans la décision du ministre israélien de la Défense de l’époque, Yoav Gallant, qui avait ordonné, en octobre 2023, un « siège complet » interdisant l’entrée de nourriture, d’eau, d’électricité et de carburant. Cette mesure, appliquée à la lettre, s’est progressivement transformée en politique de famine systématique.
L’effondrement de l’UNRWA et l’absence d’alternatives
Depuis 2024, Israël mène une campagne soutenue pour affaiblir l’UNRWA, culminant avec l’adoption par la Knesset d’une loi interdisant tout contact officiel avec l’agence, accusée d’être infiltrée par le Hamas. Bien qu’une enquête onusienne ait révélé par la suite que seuls neuf employés sur trente mille avaient commis des fautes individuelles, les dégâts politiques ont été considérables. Cette campagne a paralysé la capacité de l’agence à gérer les opérations de secours, vidant la scène humanitaire de ses principaux mécanismes.
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La justice internationale poursuit Israël
En mars 2024, la Cour internationale de justice a ordonné à Israël, à l’unanimité, de garantir l’accès « large et immédiat » de l’aide humanitaire. Même le juge israélien Aharon Barak a soutenu cette décision. Par la suite, la Cour pénale internationale a inculpé le Premier ministre Benjamin Netanyahou et l’ancien ministre de la Défense Gallant pour « crimes de famine contre les civils ».
Un rapport des Nations unies, publié en septembre 2025, a conclu qu’Israël avait commis un génocide à Gaza en recourant à la famine forcée, à l’entrave à l’aide et à la destruction délibérée des infrastructures sanitaires. Malgré le rejet de ces conclusions par Tel-Aviv, Israël se trouve aujourd’hui légalement tenue d’assurer la continuité de l’acheminement de l’aide conformément à l’accord de trêve.
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Washington, dernier garde-fou
Dans ce contexte complexe, la pression américaine demeure le facteur décisif pour maintenir le flux d’aide. Les États-Unis ont mis en place le Centre de coordination civilo-militaire (CMCC), placé sous la supervision du Département de la Défense,
chargé de suivre l’application de la clause humanitaire de l’accord. Environ deux cents soldats américains y travaillent pour surveiller les opérations logistiques et garantir la livraison des cargaisons.
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Cependant, le succès de ce centre dépend d’une coopération étroite avec les mécanismes onusiens, et non de leur remplacement. Les tentatives antérieures d’Israël de créer une « Institution humanitaire de Gaza », gérée par des sous-traitants militaires, s’étaient soldées par un drame lorsque des milliers de civils affamés avaient pris d’assaut les entrepôts, causant des centaines de morts.
C’est pourquoi des experts des Nations unies préconisent la création d’un mécanisme international de surveillance indépendant, placé sous la supervision de Washington et de ses partenaires régionaux, afin de prévenir toute ingérence et d’assurer l’application effective des dispositions humanitaires de la trêve.
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La faim, une menace silencieuse pour la paix
Selon Foreign Affairs, après deux années de mort et de destruction, Gaza dispose enfin d’une mince fenêtre d’espoir pour retrouver la vie, mais la paix ne pourra durer si la population continue de souffrir de la faim. L’aide humanitaire ne constitue pas un simple engagement moral, mais une condition stratégique de stabilité. L’incapacité de la communauté internationale à garantir l’accès à la nourriture, aux médicaments et au carburant risquerait de provoquer une explosion sociale et de faire replonger la région dans la violence, sapant ainsi tous les efforts politiques.
Pour sauver Gaza, conclut la revue, il ne suffit pas de faire taire les armes : il faut aussi faire taire la faim. Cela passe par un accès sans entrave pour les Nations unies et les organisations humanitaires, soutenu par une protection et un appui financier et politique total des pays garants de la trêve.
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