America First en Antarctique : le pôle Sud entre dans l’arène géopolitique

L’attention des États-Unis ne se limite plus au Groenland et à l’Arctique. Désormais, la boussole de la politique « America First » semble pointer vers l’Antarctique, devenu un nouvel espace de rivalité entre grandes puissances.
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La montée en puissance de la Chine et de la Russie sur le continent austral constitue une alerte stratégique pour Washington : cette région longtemps considérée comme géopolitiquement passive est désormais mûre pour la compétition mondiale.
En mars dernier, la Chine a annoncé la construction d’une nouvelle station polaire en Antarctique. Simultanément, la Russie a révélé son intention d’y bâtir une station supplémentaire, de rénover une station fermée de longue date, et de construire un aéroport.
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D’après la revue américaine Foreign Policy, cette station sera la sixième base chinoise en Antarctique, complétée par un aéroport entamé en 2018. La Russie, de son côté, dispose déjà de six stations actives et cinq inactives. En janvier 2024, le président Vladimir Poutine a déclaré que la station Vostok, proche du pôle Sud, avait été entièrement modernisée.
Mais selon Foreign Policy, ces installations ne répondent pas uniquement à une logique de prestige ou de présence symbolique. Sur un continent hostile à toute forme d’habitation permanente, les stations de recherche sont les seuls moyens de maintenir une présence étatique, de formuler des revendications territoriales, et de mener indirectement des activités à caractère militaire, malgré les restrictions imposées par le Traité sur l’Antarctique de 1959.
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L’empreinte américaine s’amenuise
Les États-Unis ont longtemps bénéficié d’un avantage stratégique en Antarctique grâce à leurs stations de recherche, essentielles pour l’avancement scientifique. Washington a aussi joué un rôle central dans la promotion du traité international régissant le continent, mais sa position d’influence s’érode progressivement.
À l’origine du traité, le secrétaire d’État américain John Foster Dulles affirmait vouloir éviter que la guerre froide ne s’étende au continent blanc. Or, la Chine, ces dernières décennies, a tenté d’étendre les limites du traité, voire de les dépasser.
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Cette stratégie s’inscrit dans la doctrine chinoise de « fusion civilo-militaire », explicitement mentionnée dans l’édition 2020 du manuel militaire Science de la stratégie militaire, où il est affirmé que le mélange civil-militaire est la voie royale vers une présence polaire puissante.
En 2014, le président Xi Jinping a déclaré que la Chine chercherait à « comprendre, protéger et exploiter » l’Antarctique. Quant à Zhou Tan Zhu, directeur de l’administration chinoise des régions polaires, il a estimé que la communauté internationale devait s’habituer psychologiquement à cette nouvelle réalité.
« Concernant l’Antarctique, nous sommes là pour explorer le potentiel des ressources et leur exploitation », a-t-il affirmé.
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Une nouvelle partie d’échecs géopolitique
Face à la volonté croissante de Pékin de redéfinir les normes en Antarctique, les États-Unis et les autres puissances doivent réévaluer leur stratégie.
Le Protocole de Madrid, rattaché au traité, interdit de manière permanente l’exploitation des ressources énergétiques et minières. Cependant, une théorie populaire dans les milieux académiques chinois affirme que ce protocole expirera en 2048, ouvrant ainsi la voie à l’extraction, alors qu’en réalité il ne sera que réexaminé.
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À Pékin, les spéculations sur les richesses énergétiques, minérales et halieutiques de l’Antarctique et de l’océan Austral sont nombreuses. Anne-Marie Brady, professeure à l’Université de Canterbury (Nouvelle-Zélande), estime que la Chine voit sa présence polaire comme un moyen de garantir sa part dans les ressources mondiales.
Selon Guo Beiqing, professeur à l’Université Océanique de Chine : « L’exploration de l’Antarctique par la Chine s’apparente à une partie d’échecs : il est crucial d’avoir une position sur l’échiquier mondial, même si l’on ne sait pas encore quand la partie commencera. »
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L’inaction stratégique américaine
Washington reste étonnamment passive. L’administration Biden n’a pas contesté l’interprétation chinoise du Protocole de Madrid, ni freiné les tentatives de Pékin de bloquer la conservation de l’environnement marin dans l’océan Austral.
Depuis 2020, aucune inspection surprise n’a été effectuée par les États-Unis, comme le permet pourtant le traité, sur les stations chinoises ou russes.
Les efforts récents des États-Unis pour se recentrer sur l’Arctique n’ont entraîné aucun investissement supplémentaire en Antarctique. Le programme de renouvellement des brise-glaces américains, pourtant crucial, est largement retardé, laissant un seul navire lourd en activité.
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Vers une stratégie américaine intégrée
Une stratégie nationale américaine pour l’Antarctique, semblable à celle annoncée pour l’Arctique sous Donald Trump, est devenue indispensable.
Une telle stratégie impliquerait :
- Le financement et la modernisation des stations existantes.
- La construction de nouvelles bases pour affirmer la présence américaine.
- La défense ferme du cadre juridique international.
- La préparation à un effondrement potentiel du traité ou du Protocole de Madrid.
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Elle impliquerait aussi :
- La priorisation des brise-glaces, y compris nucléaires.
- L’utilisation de drones et de véhicules sous-marins pour surveiller l’océan Austral.
- Un entraînement spécifique pour les troupes polaires américaines.
- La réalisation de relevés géologiques et marins en cas d’annulation des accords.
Enfin, Washington devrait former une alliance avec des pays aux vues similaires — Argentine, Australie, Chili, Nouvelle-Zélande — pour établir des règles communes et préserver la stabilité géopolitique du pôle Sud.