Alliances du terrorisme : décrypter la coopération entre les Houthis et Al-Qaïda

Les milices houthies, soutenues par l’Iran, ne considèrent plus les membres d’Al-Qaïda comme des rivaux idéologiques, mais plutôt comme des outils exploitables à des fins stratégiques temporaires.
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C’est ce qu’indique un rapport récent publié par l’Observatoire des crises du P.T.O.C Yemen Center for Research and Specialized Studies, dans le cadre de sa série « Alliances du terrorisme », visant à décoder les mécanismes de coopération entre les Houthis et Al-Qaïda.
Le rapport, intitulé « Le recyclage : Al-Qaïda au service du projet houthi », décrit l’un des dossiers sécuritaires les plus sensibles du Yémen : la transformation des prisons par les Houthis en laboratoires fermés pour « recycler » les éléments d’Al-Qaïda et les préparer comme bras armés et sécuritaires de leur appareil de renseignement, en violation manifeste du droit international de lutte contre le terrorisme.
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Recrutement et infiltration
Selon le document, les services de sécurité et de renseignement houthies ont mis en place une stratégie méthodique visant à exploiter le vide sécuritaire et à recycler d’anciens jihadistes pour les intégrer dans leur projet. Cette stratégie inclut l’attraction de hauts responsables, leur assignation à diverses missions, allant de la direction de cellules secrètes à la création de structures politiques et sociales, jusqu’à la formation d’unités militaires.
Le rapport cite plusieurs cas concrets :
- En 2021, les Houthis ont recruté le dirigeant connu d’Al-Qaïda, Ali Salem Mohammed Amqaida al-Fathani (Abou Salem), d’abord chargé de former des cellules terroristes à Abyan, puis de constituer des forces militaires sur la ligne de front entre Abyan et Al-Bayda, sous la supervision du responsable houthi Tareq Ahmed Ali Abdelrabbo al-Sharif (Abou Malek Harib).
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- En mars 2023, ils ont attiré Riyad Omar Mohammed Ben Shaab al-Nahdi (Abou Omar al-Nahdi), un cadre dissident d’Al-Qaïda, qui a ensuite fondé le courant « Changement et Libération », officiellement lancé en avril 2025 à Hadramout comme façade politique servant en réalité au recrutement et à l’entraînement de combattants d’Al-Qaïda et de Daech.
- En 2021, Abdullah Abdel Ilah al-Mundhari (Abou Ammar al-Mundhari), un autre dirigeant d’Al-Qaïda, a été recruté et promu à un poste sécuritaire à Al-Soumaa après avoir convaincu ses pairs d’éviter l’affrontement avec les Houthis.
D’autres figures influentes, issues de tribus ou d’alliances extérieures, ont également été intégrées.
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Le recyclage des combattants d’Al-Qaïda
Le rapport identifie, pour la première fois, la chaîne de commandement houthie impliquée dans ce « recyclage » :
- Abdelkader al-Chami, vice-président du service de renseignement, chargé des relations avec les détenus ;
- Abdelkrim al-Houthi, ministre de l’Intérieur, autorité suprême pour les libérations ;
- Abdullah Yahya al-Muayyad (Abou Ali al-Hakem), chef du renseignement militaire, responsable de la redistribution des combattants libérés.
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Il mentionne également des acteurs de terrain tels qu’Abou Imad al-Murani, Ali Abdullah al-Qasimi, Abou Mohammed al-Mutahhar, Ibrahim Saleh Ahmed al-Maas, Abdel Salam Ahmed Hassan al-Murtada et Abou Mohammed al-Saqqaf.
Le rapport révèle que des figures d’Al-Qaïda impliquées dans des assassinats et attentats majeurs ont été libérées et réaffectées. Parmi elles, Sami Fadl Abdelrabbo Dayan, responsable du meurtre du général Salem Qatan, ancien commandant de la région militaire sud, relâché début 2024 pour travailler au profit des Houthis.
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Une stratégie structurée
Le processus ne s’arrête pas aux libérations. Les combattants « recyclés » sont envoyés dans des camps d’entraînement secrets à Saada, Amran et Dhamar avant d’être redéployés sur les fronts ou intégrés dans des réseaux de renseignement. Ils bénéficient de privilèges financiers et sociaux : salaires mensuels en devises (environ 260 USD), armes, véhicules, protection familiale et parfois arrangements matrimoniaux.
De fausses identités et pseudonymes leur sont attribués pour faciliter leur infiltration dans de nouvelles zones, notamment Marib et Hadramout, où ils participent à des opérations telles que contrebande d’armes, drogues, antiquités, assassinats ciblés et pose d’engins explosifs.
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Le rapport conclut que les Houthis ne perçoivent pas ces individus comme des alliés idéologiques, mais comme des instruments circonstanciels. L’endoctrinement religieux et les slogans tels que « l’alliance de nécessité » ou « l’ennemi commun » servent à justifier et apaiser les réticences doctrinales.
Enfin, le centre P.T.O.C Yemen appelle la communauté internationale à considérer cette stratégie de « recyclage des terroristes » comme un crime de guerre, à établir une base de données mondiale sur les combattants libérés, à renforcer la surveillance des prisons houthies, et à sanctionner sévèrement les responsables houthis et leurs parrains iraniens.