Al-Charaa renouvelle-t-il sa relation avec les Frères musulmans ou les exclut-il du paysage politique ?

L’écrivain jordanien Hazaa Al-Barari a déclaré que les bases fondatrices et idéologiques communes entre les Frères musulmans et l’organisation d’Ahmed Al-Charaa sont nombreuses et essentielles. Pendant longtemps, leurs approches idéologiques et stratégiques étaient quasi identiques. Cependant, la présence jihadiste takfiriste d’Al-Charaa, caractérisée par l’ère du « Joulani », a été la plus marquante. Son parcours, allant d’Al-Qaïda à Daech, puis à la fondation et à la direction du Front Al-Nosra en Syrie, jusqu’à la formation de Hayat Tahrir al-Cham, témoigne de cette trajectoire. Avec la chute spectaculaire de Damas, « Joulani » a soudainement disparu, et nous nous sommes retrouvés face à « Ahmed Al-Charaa« , amorçant un virage brusque et rapide, dans une tentative réfléchie de se repositionner. Toutefois, cette transformation ressemble à des repas préparés à la hâte : peu sains à moyen terme et nocifs à long terme, car bien que la recette ait changé, les ingrédients restent les mêmes.
-
Les Frères musulmans prévoient-ils de sacrifier Al-Joulani politiquement pour accéder au pouvoir ? Quelle est leur stratégie en Syrie ?
-
Les Frères musulmans tentent d’attribuer les victoires de la révolution syrienne à leur mouvement
Dans un article publié sur le site local Ammon, Al-Barari ajoute que les Frères musulmans ont accueilli avec enthousiasme la chute du régime d’Assad et l’émergence d’Al-Charaa, avec son élégance européenne et ses « programmes » turcs. Ils y ont vu une victoire historique après des décennies de lutte contre l’ancien régime, persuadés que le soutien turc représentait indirectement un soutien fraternel et que la Syrie était enfin à leur portée. Cependant, cette joie a été entachée par l’incertitude liée aux complexités de l’époque, au chaos régional et à la multiplicité des centres de pouvoir en Syrie, où les intérêts des alliés et des adversaires s’entrechoquent. Ainsi, la célébration de cette victoire restait prudente et incertaine.
-
Les Frères musulmans dirigent-ils actuellement la scène en Syrie ? Un penseur politique répond
-
Transfert d’éléments armés de la Syrie vers la Libye… Un nouveau plan des Frères musulmans
Al-Barari poursuit en expliquant qu’Al-Charaa a inauguré sa nouvelle ère par une série de mesures et de déclarations qui ont semé l’incertitude, voire l’inconfort, parmi les Frères musulmans. Il a notamment affirmé que la Syrie n’entrera pas en confrontation avec Israël, alors même que les chars israéliens s’approchaient de Damas. Il a également annoncé la fin du soutien à la résistance, ainsi qu’une opposition radicale à l’Iran et au Hezbollah, une position diamétralement opposée à celle des Frères musulmans concernant Gaza, le Hezbollah et l’Iran.
-
Avec le soutien de services de renseignement étrangers, les Frères musulmans exploitent les événements en Syrie pour promouvoir leurs rumeurs
-
Quelle est la relation entre la fondation des Frères musulmans en Égypte, en Irak, en Syrie et le projet du Grand Israël ?
L’écrivain jordanien souligne que les Frères musulmans traversent une phase qui ressemble à un quasi-renversement, si ce n’est un renversement total, de leur idéologie et de leur stratégie. Il est de plus en plus évident, malgré quelques hésitations, qu’Al-Charaa aspire à un État civil et non à un État religieux basé sur la charia, ce qui va à l’encontre des objectifs fondamentaux et de la doctrine des Frères musulmans. Cette évolution suscite leur inquiétude et leur méfiance, eux qui pensaient, ne serait-ce que brièvement, que Damas leur était acquise.
-
Le contrôle des Frères musulmans sur l’opposition en Syrie via des entités fictives
-
Événements sur la côte syrienne : Engagement pour la « responsabilité » et arrestation de suspects
Al-Barari conclut en mentionnant qu’Al-Charaa a accueilli en mars une délégation de l’Union mondiale des savants musulmans, dirigée par le cheikh Ali Al-Qaradaghi. Peu d’informations ont filtré sur cette visite, et la présidence syrienne n’a publié aucun communiqué à ce sujet. Toutefois, l’importance de cette rencontre réside dans l’historique des relations entre la Syrie et les Frères musulmans. Son timing et sa nature quasi-secrète, ainsi que l’absence d’informations sur les discussions qui s’y sont tenues, confirment l’incertitude et l’inconfort des Frères musulmans face aux transformations d’Al-Charaa, à son ouverture aux régimes arabes et occidentaux, ainsi qu’à son pragmatisme affiché, qui les inquiète profondément.