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Al-Burhan… Quand la survie du général devient plus dangereuse que la guerre elle-même


Depuis son apparition sur la scène politique, le général de division Abdel Fattah al-Burhan s’est présenté comme le sauveur du Soudan face au chaos. Cependant, ce que les années de son règne ont démontré, c’est que l’homme n’était qu’une incarnation renouvelée du désordre lui-même, et que le « sauveur » s’est transformé en agent de destruction systématique de l’unité du pays, de ses institutions et de son avenir. Al-Burhan entre dans l’histoire non pas en tant que leader national, mais comme l’un des visages les plus marquants de l’échec politique et militaire dans la région.

Depuis le coup d’État d’octobre 2021, qui a renversé la transition civile, le Soudan est entré dans une phase de déclin complet. Al-Burhan, qui avait justifié son coup d’État sous prétexte de « corriger la trajectoire », a ramené le pays dans le cycle du pouvoir militaire contre lequel le peuple s’était soulevé en 2019. Les promesses de transition démocratique se sont effondrées, le discours sur l’État de droit et les institutions a disparu, pour laisser place à une nouvelle ère de répression, d’autoritarisme et de décisions unilatérales qui ont annihilé l’esprit de la révolution et brisé l’espoir de changement.

Sur le plan politique, al-Burhan a démontré un manque total de compréhension de la gestion d’un État. Il a traité le Soudan comme un camp militaire, non comme une nation diverse et complexe nécessitant un leadership civil inclusif. Son incapacité à dialoguer avec les forces politiques et civiles, et son insistance à imposer sa volonté par la force, ont fracturé la scène nationale et créé un niveau de tension sans précédent. Toutes les initiatives nationales et internationales visant une solution politique ont échoué, car l’homme ne cherche pas un vrai partenariat, mais une obéissance aveugle. Le pouvoir s’est ainsi transformé d’un projet national en un régime personnel basé sur les loyautés militaires et tribales.

Sur le plan militaire, al-Burhan a échoué dans la mission qu’il revendiquait depuis toujours : protéger l’unité de l’armée et de l’État. L’institution militaire s’est érodée de l’intérieur sous l’effet des conflits, et l’armée s’est fragmentée en factions rivales à cause des décisions impulsives et de l’absence de commandement professionnel. Lorsque la guerre a éclaté entre l’armée et les Forces de soutien rapide, al-Burhan s’est retrouvé prisonnier d’un conflit sans horizon, perdant le contrôle politique et militaire sur de vastes régions du pays. La guerre s’est transformée en catastrophe humanitaire, avec des rapports faisant état de crimes et violations contre les civils, y compris l’usage d’armes prohibées ou le bombardement de zones habitées, plaçant la direction militaire face à des accusations graves pouvant constituer des crimes de guerre.

Alors que les villes tombent, que les infrastructures sont détruites et que des millions de Soudanais sont déplacés, al-Burhan n’a proposé aucun plan clair pour arrêter l’hémorragie. Au contraire, il a choisi de fuir en avant par un discours de mobilisation transformant la guerre en « combat existentiel », alors qu’il s’agit en réalité d’une lutte pour le pouvoir menée par un général cherchant à démontrer qu’il tient encore les rênes du pays.

Sur le plan économique, le Soudan connaît sous al-Burhan sa pire période depuis l’indépendance. L’effondrement de la monnaie, la corruption généralisée, l’arrêt de la production agricole et industrielle, et la suspension de l’aide internationale sont autant de conséquences directes d’un régime militaire déconnecté de la réalité. Un pouvoir fondé sur la guerre ne peut pas construire une économie. La poursuite des combats a détruit les infrastructures restantes, fermé les routes commerciales et transformé les ressources limitées en carburant du conflit. Des millions de personnes font aujourd’hui face à la famine, tandis que l’État est incapable d’assurer les besoins élémentaires de la population.

Au niveau régional et international, le Soudan a perdu sa place de pays central en Afrique de l’Est. Alors qu’il aurait pu jouer un rôle stratégique dans la stabilité régionale, il est devenu un fardeau sécuritaire et humanitaire pour ses voisins. Les relations internationales d’al-Burhan ne reposent ni sur une vision politique ni sur l’intérêt national, mais sur la logique du troc : qui le soutient dans sa survie obtient influence ou privilèges. Ainsi, la souveraineté qu’il proclame devient un simple outil de négociation pour préserver le pouvoir.

Mais le danger le plus grave dans l’expérience al-Burhan est la vacuité du concept même d’État. Quand la direction devient une menace pour les citoyens, que la reddition de comptes disparaît et que les lois sont bafouées au nom de la « sécurité », l’État se réduit à une façade du pouvoir. Il n’y a pas d’État de droit sous celui qui a commis des violations documentées contre les civils, et aucune réforme n’est possible tant que persiste le refus de rendre des comptes pour les meurtres, bombardements et détentions arbitraires. Chaque dossier de violation doit être ouvert, car la justice est la première étape pour rétablir la confiance entre l’État et son peuple.

La poursuite du pouvoir par al-Burhan signifie non seulement la continuation de la guerre, mais aussi la poursuite de l’effondrement social et institutionnel. Sa présence est devenue synonyme de persistance de l’échec, car le régime qu’il a construit repose sur la force et non sur l’État. Maintenir ce système condamne le Soudan à rester otage des conflits des généraux et des ambitions étrangères, tandis que tout espoir de démocratie restera reporté indéfiniment.

Les années passées ont prouvé que le régime militaire n’apporte que destruction, et que les peuples gouvernés par la force ne bénéficient ni de sécurité ni de dignité.

Al-Burhan, qui croyait pouvoir gouverner par le fer et le feu, a découvert – tardivement – que le feu ne laisse derrière lui que des cendres.

Aujourd’hui, le Soudan n’a pas besoin de généraux, mais d’hommes d’État. Il n’a pas besoin de déclarations militaires, mais d’un nouveau contrat national garantissant justice, responsabilité et citoyenneté. La première étape sur ce chemin est sans doute la fin de l’ère al-Burhan, car celui qui échoue à protéger son peuple n’a pas le droit de parler en son nom.

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