Al-Ain News a eu une interview avec l’écrivain français chevronné Emmanuel Razavi
Emmanuel Razavi c’est un écrivain français expérimenté et spécialisé de la géopolitique du Moyen-Orient, et un grand reporter et directeur de la rédaction du site d’information GlobalGeoNews. Il est diplômé́ de sciences politiques, et il a écrit nombreux livres, comme « Qatar, vérités interdites: Un émirat au bord de l’implosion » en 2017. A travers ce livre, Emmanuel Razavi a observé durant son travail à Doha de trois ans la face cachée du système qatari. Le livre incluait ainsi plusieurs faits que Razavi avait obtenus en dehors du cercle du système de Doha. Il a pu obtenir grâce à ses relations privées avec les décideurs, les médias et les sources diplomatiques, et aussi par sa connaissance directe de la situation au Qatar.
Emmanuel Razavi a également publié un livre sous le nom « Les Frères musulmans dans l’ombre d’Al Qaeda » en 2005, et a ainsi achevé plusieurs documentaires sur les Frères Musulmans qui ont été́ diffusés à la télévision française. De son côté, le site d’actualité d’Al Ain News a réalisé une interview avec l’écrivain français qui a révélé la double face du système du Qatar.
– Vous avez travaillé́ à Doha pendant plusieurs années, avez-vous découvert que le Qatar a une face invisible dans le soutien et le financement de l’extrémisme autre que celui que vous montrez en soutenant le soft power en France?
-J’ai travaillé́ au Qatar. Mais en toute franchise, les gens avec lesquels je travaillais étaient pour la plupart contre les Frères Musulmans. C’était des gens de grande qualité́, qui étaient ouverts au monde, très en phase avec la modernité́, et qui voulaient la paix et la stabilité́. Je les ai beaucoup respectés. Mais en termes d’influence politique, ils étaient minoritaires. À Doha, j’ai aussi croisé des Frères Musulmans. Au sein de la télévision publique, mais ce n’est un secret pour personne, j’ai constaté́ que ceux qui ont vraiment de l’influence, ce sont les Frères musulmans. Ils sont d’ailleurs intelligents, avec un haut niveau de compétence, ce qui les rend encore plus dangereux. Le Qatar a en fait deux visages : celui de la modernité́ et de l’ouverture, mais aussi celui de l’islamisme des Frères musulmans qui y sont puissants politiquement. Il sera donc très difficile d’avoir une relation avec fiable avec cet état, tant qu’il continuera à soutenir les Frères Musulmans.
-Quel est le danger d’Islam politique sur la sécurité de la France?
-Il faut nommer les choses par leur nom : l’islam politique, c’est l’islamisme révolutionnaire des Frères musulmans. L’organisation islamiste des Frères Musulmans est considérée par de nombreux spécialistes comme la matrice idéologique du Djihadiste contemporain. Elle n’a rien à voir avec la plupart de nos concitoyens musulmans français qui pratiquent un islam apaisé.
En France, plusieurs responsables de l’association Musulmans de France, anciennement appelée Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), qui n’a rien à voir je le répète avec l’islam apaisé, sont liés à cette confrérie terroriste.
Depuis 30 ans, ils ont implanté́ dans plusieurs régions des écoles, des centres de formation religieuse ou des associations loi 1901 qui diffusent leur idéologie. D’après les informations publiées sur son site internet, l’association Musulmans de France regrouperait «600 associations membres et coopérants reparties sur l’ensemble du territoire français et qui œuvrent dans des champs d’action diversifies : l’humanitaire, le social, l’éducation, la formation, la culture.
En clair, cette matrice idéologique que sont les Frères musulmans, qui a inspiré́ Al Qaida, est présente partout sur le territoire français. Elle représente donc un danger réel pour la France et ses institutions, ainsi que pour la démocratie.
-Quelles sont les initiatives prises pour expulser l’influence qatarie de la France?
-Je n’en vois aucune qui a été́ prise concrètement, même si le président Macron veut mettre en terme aux financements étrangers de l’islam en France. Je vous rappelle aussi, à titre symbolique, que le Qatar, qui soutient les Frères musulmans, a la mainmise sur le club de foot du Paris Saint-Germain. Cela en dit long sur sa stratégie d’influence.
-Quel est le rôle de la Turquie et du Qatar dans le soutien aux frères musulmans de France?
-Actuellement, les deux principaux sponsors de la confrérie en France sont le Qatar et la Turquie. Les mêmes pays qui activent les campagnes de boycotts contre la France. Le Qatar finance les Frères Musulmans, et la Turquie œuvre en tant que stratège. Il y a une stratégie globale mise en place par Erdogan, le président turc, pour affaiblir la France via les organisations liées à l’islam politique, des campagnes de victimisation, mais aussi des boycotts.
Le Qatar, allié de la Turquie, joue un rôle très important dans cette stratégie, car il est le grand financier des Frères musulmans.
Comment le Qatar et les Frères musulmans ont contribué́ au programme de la Turquie en Libye ?
-Comme je vous le disais, les deux pays s’inscrivent dans une stratégie globale au Proche Orient et en Europe. Ils veulent déstabiliser ces deux zones géographiques pour y positionner les Frères Musulmans qu’ils soutiennent idéologiquement, financièrement et militairement. Ce qui se passe ainsi en Libye concerne directement l’Europe. Si on laisse le Qatar et la Turquie continuer en Libye à soutenir les frères musulmans et leurs alliés de Daeich ou Al Qaida, alors ces mêmes terroristes s’en prendront directement aux intérêts de la France et des pays européens. C’est ce que veut le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui représente autant un danger pour l’Europe que pour le Moyen-Orient.
-Existe-t-il des initiatives possibles présentée au ministère français de l’Intérieur pour protéger la France des cercles de l’islam politique qui nourrissent la haine et menacent la sécurité́ de la France?
-Il y a une volonté́ d’Emmanuel Macron de lutter contre l’islamisme. Il a pris conscience du danger. Le problème, c’est qu’il se heurte au droit français, mais aussi à des lobbys politiques, y compris dans sa majorité́, qui l’empêchent d’avancer aussi vite qu’il faudrait. Il commence à fermé des associations islamistes, et il a totalement raison. Mais il faut faire beaucoup plus et pénaliser l’Islam politique, car c’est un mouvement islamo-révolutionnaire qui menace l’intégrité́ de notre pays.
La question de l’islam politique sera-t-elle un dossier important lors des prochaines élections présidentielles françaises de 2021 ?
-C’est un dossier très important. La France est confrontée à la montée du radicalisme chez une partie des jeunes musulmans qui ne reconnaissent plus les lois de la République. Le terrorisme islamiste frappe aussi la France régulièrement. Il y a une volonté des Frères Musulmans, appuyés par Erdogan, de plonger la France dans le chaos, et de fracturer la société française. On est dans un moment de l’histoire où la question de l’islamisme est en enjeu politique majeur.
Quel est votre avis au rôle des pays arabes, comme Les Émirats Arabes Unis pour lutter contre le terrorisme ?
-D’une manière générale, je crois au dialogue entre les cultures, et je suis favorable à la coopération avec les pays arabes, tant sur le plan culturel, qu’économique ou militaire. Je connais les Émirats arabes Unis où je suis venu plusieurs fois en tant que journaliste, et je crois que c’est un pays qui a un rôle diplomatique très important à jouer sur la scène internationale. Je suis fasciné par la dimension politique de votre dirigeant, que j’aimerais beaucoup interviewer. Je pense qu’il joue un rôle historique au Moyen-Orient, dans un moment important de l’histoire du monde.
Les émirats arabes Unis ont en fait montré qu’ils étaient un allié très important de la France dans la lutte contre le terrorisme. C’est un pays moderne, qui a de plus en plus d’influence au Moyen-Orient, avec lequel nous entretenons des liens solides en termes de coopération, y compris militaire. Nous devons donc nous appuyer sur l’expérience de ce pays, qui a une réelle expertise de l’organisation des Frères Musulmans et du terrorisme islamiste en général. Par exemple, en plaçant l’union des organisations islamiques de France sur la liste des organisations terroristes, les émirats Arabes-Unis ont pris une décision très forte, et nécessaire. Nous aurions dû suivre son exemple et faire la même chose. Mais peut-être cela arrivera-t-il si le Président Macron poursuit sa stratégie.