Grand Maghreb

Affrontements, divisions et solutions différées… La Libye au bord de l’explosion


La Libye revient sous les projecteurs régionaux et internationaux après une semaine marquée par de vives tensions politiques et sécuritaires, alors que la violence s’intensifie dans les villes de l’Ouest. Une situation qui reflète la fragilité du paysage politique et la profondeur des divisions entre les forces en conflit.

De nouveaux affrontements sanglants entre milices rivales ont exacerbé les divisions qui étouffent le pays depuis des années, compliquant davantage les chances de sortir de cette crise. Parallèlement, la contestation populaire contre le chaos persistant grandit, et la communauté internationale s’inquiète d’un effondrement général qui réduirait à néant les espoirs de règlement.

Dans ce climat de blocage, des analystes libyens estiment que la sortie de crise passe nécessairement par le démantèlement des milices armées, le recueil des armes hors du contrôle de l’État et l’unification de l’institution militaire afin d’assurer un minimum de stabilité sécuritaire.

Ces experts insistent sur le fait que toute solution qui ne passe pas par les urnes et qui ne donne pas au peuple libyen la possibilité d’exprimer librement sa volonté ne serait qu’un recyclage de la crise sous une autre forme, prolongeant la division et maintenant le pays prisonnier des conflits internes et des tensions régionales.

Affrontements et mobilisations

Les villes d’Al-Khums et de Zaouïa ont été le théâtre de nouvelles violences entre groupes armés. De violents combats ont éclaté entre la « Force conjointe de Misrata » et l’« Appui à la stabilité », faisant plusieurs victimes civiles et causant des dégâts à des biens publics et privés, ravivant les souvenirs du chaos et de l’insécurité qui ont suivi la chute du régime en 2011.

Les mouvements militaires ne se sont pas limités aux abords des villes. D’importantes mobilisations ont été observées autour de la capitale Tripoli, alimentant les craintes d’un affrontement généralisé entre factions rivales.

Dans ce contexte, le mouvement « Jeunesse du Grand Tripoli » a exprimé son rejet catégorique de toute escalade militaire dans la capitale, menaçant d’une réponse sur le terrain en cas d’attaque imposée, signe d’un fort mécontentement populaire et d’une peur croissante de voir Tripoli redevenir un champ de bataille.

Conflit des légitimités

Sur le plan politique, les divisions profondes persistent. Tandis que le Conseil présidentiel annonçait une série de mesures juridiques censées préparer le terrain à la stabilité et aux élections, certaines parties politiques ont rejeté ces initiatives, les jugeant illégitimes ou non inclusives.

De son côté, la Chambre des représentants a proposé la formation d’un nouveau gouvernement dont la principale mission serait de préparer les échéances électorales, intensifiant les désaccords et relançant le débat houleux sur la légitimité et la répartition des pouvoirs exécutifs.

Ces tensions coïncident avec l’annonce de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (MANUL), qui a reçu le rapport final du comité consultatif contenant des propositions pour résoudre les problèmes juridiques et politiques liés à la base constitutionnelle. La mission a affirmé son intention de lancer des consultations globales afin d’établir une feuille de route claire menant à des élections unifiées et à l’unification des institutions souveraines divisées.

« Pas de stabilité sans démantèlement des milices et élections »

De nombreux experts libyens estiment que la racine du problème réside dans le chaos des armes et la domination des milices, face à une faiblesse chronique de l’État et de ses institutions, sur fond d’ingérences internes et externes exploitant cette fragilité à des fins intéressées.

Dans ce cadre, le professeur de sciences politiques Youssef Al-Farsi affirme que « la clé de la solution réside dans l’unification de l’institution militaire et la tenue d’élections présidentielles et législatives équitables. »

Il souligne que « toute initiative qui ne rend pas le pouvoir de décision au peuple libyen par les urnes ne fera que reproduire la crise sous un autre nom. »

De son côté, l’analyste militaire Mohamed Al-Tarhouni considère que le démantèlement des milices et la récupération des armes hors du contrôle de l’État est la première étape indispensable vers la stabilité.

Il affirme que « le maintien de ces groupes armés ne fait que prolonger la crise, affaiblir les institutions de l’État et entraver le processus de transition politique véritable. »

Colère populaire

Face à la répétition des promesses politiques sans résultats concrets, les signes de colère populaire deviennent de plus en plus visibles.

Le mouvement « Libye al-Watan » a appelé à des sit-in dans plusieurs villes libyennes pour dénoncer ce qu’il décrit comme des « projets étrangers douteux », notamment après des rapports évoquant des plans présumés visant à accueillir des migrants en situation irrégulière venant des États-Unis afin de les installer en Libye.

Ces informations, qui ont provoqué une vive indignation, sont perçues comme une tentative d’exploiter la situation chaotique du pays pour en faire un terrain de règlement de comptes internationaux, au détriment de la souveraineté nationale et des souffrances du peuple libyen.

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