Moyen-Orient

Abdelkarim al-Houthi : le destin incertain de l’homme de l’ombre au sein des milices


Les milices houthis continuent de garder le silence sur le sort de leur principal responsable sécuritaire, Abdelkarim al-Houthi, plus de 117 jours après une frappe israélienne ayant visé plusieurs dirigeants des milices.

L’oncle du chef des milices, connu sous le surnom d’« Abou Mohammed », était apparu lors d’une réunion sécuritaire de haut niveau le 17 août 2025, soit environ onze jours avant la frappe israélienne, avant de disparaître totalement de la scène publique.

Des informations ont circulé faisant état de la blessure d’Abdelkarim al-Houthi lors de l’attaque israélienne qui a ciblé le gouvernement putschiste et le chef d’état-major des milices le 28 du même mois.

Abdelkarim Amir al-Din al-Houthi se trouve à la tête de la structure du ministère de l’Intérieur des milices et est considéré comme leur premier responsable sécuritaire. Il est épaulé par son adjoint Abdelmajid al-Murtada, par le directeur de son cabinet Mohammed al-Dhahiyani, ainsi que par 64 cadres intervenant en son nom dans toute affaire sécuritaire.

Il est également le commandant de fait des forces de sécurité centrale, des unités de secours, de la sécurité publique, de la protection des installations, des forces d’intervention rapide, des unités anti-émeutes, de la police touristique et judiciaire, ainsi que de la police de la circulation.

L’homme de l’ombre

De nombreux Yéménites décrivent al-Houthi comme « l’homme de l’ombre insaisissable ». Des observateurs le considèrent comme l’homme le plus puissant de Sanaa, en raison de sa supériorité sur les autres ailes houthis et de son rôle dans la mise en place de structures sécuritaires, militaires et financières, dans le cadre d’une lutte profonde pour le pouvoir et le contrôle des institutions génératrices de revenus dans la capitale prise en otage.

Abdelkarim al-Houthi avait été arrêté par les forces de sécurité yéménites puis libéré en 2008, avant de réapparaître publiquement en tant que haut responsable au sein de l’appareil sécuritaire des milices.

Après le coup d’État du 21 septembre 2014, il a imposé son oncle à la tête du « Diwan des injustices », puis du bureau exécutif du Conseil politique suprême des houthis, avant d’être nommé ministre de l’Intérieur à la fin de l’année 2018.

Depuis lors, l’oncle du chef des milices a consolidé son influence, profitant de son contrôle sur des entreprises pétrolières, tout en percevant environ trois millions de dollars par mois à titre d’allocation personnelle, en plus de disposer librement du budget du ministère de l’Intérieur du gouvernement putschiste non reconnu.

Rivalités familiales

Abdelkarim al-Houthi bénéficie d’un soutien important d’experts iraniens et du Hezbollah opérant au Yémen, ce qui fait de lui l’un des principaux prétendants au leadership au sein de la famille houthie, en raison de sa maîtrise des leviers de pouvoir et de force au sein de la structure des milices.

Il a écarté l’ancien vice-ministre de l’Intérieur des houthis, Abdelkarim al-Khiwani, qui gérait de facto le dossier sécuritaire, notamment à Sanaa.

Il a également rapproché de son cercle le fils du fondateur des milices, Ali Hussein al-Houthi, qu’il a nommé vice-ministre de l’Intérieur, afin de bâtir un alignement solide au sein du noyau houthi contrôlant la décision sécuritaire.

En février 2021, le chef des milices, Abdelmalek al-Houthi, a tenté d’éloigner son oncle Abdelkarim des centres de pouvoir en le nommant président du Conseil consultatif. Toutefois, ce dernier est rapidement revenu aux commandes du dossier sécuritaire et du ministère de l’Intérieur, avec l’appui de conseillers iraniens présents à Sanaa pour évaluer la gestion des institutions de l’État.

Cet épisode a conduit le chef des milices à placer sous surveillance et sous écoute les téléphones du cercle proche de son oncle.

Toujours selon ces sources, le chef des milices estimait alors que son oncle représentait une menace réelle pour son autorité.

Dans ce contexte, Abdelkarim al-Houthi a commencé, en novembre 2021, à déployer la police de la circulation dans tous les quartiers de Sanaa, et non plus uniquement sur les grands axes, tout en lançant le recrutement massif de nouveaux éléments, majoritairement originaires de Saada, Amran, Sanaa, Dhamar et Hajjah, au sein des forces placées sous son contrôle, telles que les unités de secours, la police de la circulation, la sécurité centrale, la police des installations, l’administration générale du ministère et la sécurité publique.

Il en a résulté une mainmise d’Abdelkarim sur l’ensemble des leviers de Sanaa, y compris les routes et accès internes de la capitale, qui constituent un moyen de surveillance des déplacements et des zones de présence des dirigeants des milices. Il a également cherché à organiser une démonstration de force de ses unités sécuritaires en septembre 2022, perçue par les observateurs comme un message adressé au chef des milices et une démonstration de puissance et d’influence.

Conflits internes exacerbés

Le 25 mars 2024, la destruction par les milices de maisons résidentielles dans le quartier d’Al-Hafra, à Rada’a, dans le gouvernorat d’Al-Bayda, a déclenché un grave différend ayant atteint le stade de menaces mutuelles entre le ministre de l’Intérieur des houthis et d’autres dirigeants, dont Mehdi al-Mashat, en raison du refus du premier de toute sanction à l’encontre des éléments impliqués.

À l’époque, le chef des milices a été contraint d’adopter la position de son oncle Abdelkarim et de se limiter à l’indemnisation des victimes, tandis que d’autres dirigeants, à savoir Mohammed Ali al-Houthi, Mehdi al-Mashat et Ahmed Hamed, avaient proposé des mesures judiciaires, même temporaires et symboliques, afin d’apaiser les tribus, contenir la colère populaire et soulager les chefs tribaux alliés aux milices dans la province d’Al-Bayda.

En novembre 2024, un conflit majeur a opposé Abdelkarim à Abdelkhaleq al-Houthi, frère du chef des milices et superviseur direct du volet militaire, après que ce dernier a suspendu pendant trois mois les allocations financières des forces dites de la sécurité centrale, tout en ne débloquant que celles des forces de secours dirigées par Ali Hussein al-Houthi.

Le chef des milices cherchait alors à dissoudre les forces de la sécurité centrale et à les rattacher aux forces de secours dirigées par le fils du fondateur des milices, dans le but d’affaiblir l’influence de son oncle Abdelkarim. Ce dernier a refusé cette décision et a rappelé à Sanaa ses unités déployées sur les fronts de Marib et de Taëz, tout en accordant des congés d’un mois entier à plus de 300 éléments.

Abdelkarim al-Houthi utilise d’anciens locaux des ambassades de Jordanie, du Koweït et du Royaume-Uni à Sanaa comme centres de commandement et de contrôle de la sécurité centrale, ainsi que comme résidences pour les dirigeants houthis et comme centre d’information placé sous la supervision du renseignement de la police.

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