Palestine en 2025… une année de reconnaissances historiques
L’année 2025 a marqué un tournant stratégique dans l’histoire de la question palestinienne, avec l’annonce par 11 pays de leur reconnaissance de l’État de Palestine, parmi eux le Royaume-Uni, porteur d’une forte symbolique.
La reconnaissance de l’État palestinien a reflété une révolte internationale contre la brutalité israélienne dans sa guerre contre la bande de Gaza, qui a causé la mort de 70 000 personnes, en majorité des femmes et des enfants.
Au cours de cette année, les pays suivants ont reconnu l’État de Palestine :
Royaume-Uni — 21 septembre
Canada — 21 septembre
Australie — 21 septembre
Portugal — 21 septembre
France — 22 septembre
Belgique — 22 septembre
Luxembourg — 22 septembre
Malte — 22 septembre
Andorre — 22 septembre
Saint-Marin — 22 septembre
Monaco — 22 septembre
La reconnaissance britannique de l’État palestinien porte une symbolique exceptionnelle dépassant la simple dimension diplomatique, car elle provient du pays qui fut un acteur central dans la naissance de la tragédie palestinienne avec la Déclaration Balfour, puis le mandat.
Cette reconnaissance britannique est venue rompre avec un héritage vieux de plus d’un siècle. Elle traduit aussi une profonde évolution de l’opinion occidentale : la question palestinienne n’est plus traitée uniquement à travers le prisme de la sécurité d’Israël, mais à travers les principes d’État, de droits et de souveraineté.
Que signifie reconnaître un État palestinien ?
La Palestine occupe une position fragile et particulière : elle bénéficie d’une large reconnaissance internationale, possède des missions diplomatiques à l’étranger et participe aux compétitions sportives officielles, y compris les Jeux olympiques.
Pourtant, la Palestine ne dispose pas de frontières reconnues au niveau international, ni d’une capitale reconnue, ni d’une armée. Israël, qui contrôle entièrement la Cisjordanie, impose un statut d’occupation sur la majeure partie de ce territoire et, à l’heure actuelle, exerce un contrôle sur l’ensemble de la Palestine.
Cette situation ambiguë rend les reconnaissances largement symboliques. Toutefois, elles constituent aussi un rejet politique et moral des pratiques israéliennes. On peut donc les considérer davantage comme un coup porté à Israël que comme une victoire décisive pour les Palestiniens.
Qui reconnaît la Palestine comme État ?
La Palestine dispose du statut d’« État observateur permanent » aux Nations unies, ce qui lui permet de participer sans avoir le droit de vote.
À l’heure actuelle, 147 pays sur les 193 membres de l’ONU reconnaissent l’État de Palestine.
Parmi les membres permanents du Conseil de sécurité, quatre reconnaissent la Palestine : la France et le Royaume-Uni (2025), ainsi que la Russie et la Chine (qui l’ont reconnue en 1988).
Quant aux États-Unis, ils reconnaissent l’Autorité palestinienne depuis sa création dans les années 1990, mais ont annoncé, sous la première administration Trump, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, une décision très contestée.
Une dynamique croissante
On ne peut comprendre la portée des reconnaissances de 11 pays sans revenir aux développements de 2024.
L’année 2024 a connu une nouvelle vague de reconnaissances de l’État palestinien, redonnant un élan diplomatique à sa cause sur la scène internationale.
Au premier trimestre, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont officiellement reconnu l’État de Palestine, dans une démarche décrite comme une rupture avec la paralysie européenne et avec la condition de lier la reconnaissance aux résultats des négociations.
Par la suite, la Slovénie a rejoint ce mouvement, affirmant que la reconnaissance n’est pas une récompense politique, mais la confirmation du droit du peuple palestinien à l’État et à la souveraineté.
Ces reconnaissances, intervenues dans un contexte d’escalade à Gaza et de critiques croissantes contre les politiques israéliennes, ont envoyé un message clair : reconnaître la Palestine n’est plus un luxe politique ni un simple moyen de pression, mais une nécessité pour établir un cadre juridique pouvant servir de base à toute perspective de solution à deux États.
L’initiative européenne menée par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège a ouvert la voie à une réponse européenne et internationale plus large — une dynamique reprise ensuite par les pays ayant reconnu la Palestine en 2025, suivant un cap déjà tracé par les accords internationaux et les résolutions de l’ONU mais resté gelé avec la mort clinique des négociations.
Israël : défi et containment
Face à ce nouveau contexte, Israël a adopté une approche à deux volets : d’un côté, elle a rejeté fermement ces décisions et promis des mesures de représailles ; de l’autre, elle a tenté de contenir la crise en insistant sur le caractère symbolique de ces reconnaissances, censées ne pas modifier la réalité sur le terrain.
Malgré cela, le débat au sein des élites politiques et sécuritaires israéliennes traduisait un sentiment général de menace pesant sur la légitimité d’Israël.
La position officielle s’est traduite par un refus catégorique et de vives critiques : le ministère israélien des Affaires étrangères a qualifié ces reconnaissances de « démarches unilatérales menaçant les perspectives de paix » et « contraires aux engagements des pays concernés envers la négociation directe ».
Dans le même temps, Israël a intensifié ses efforts pour rassurer ses alliés européens, en soulignant la poursuite du soutien militaire, économique et politique, afin de limiter l’impact de ces décisions sur ses relations bilatérales.
Sur le plan intérieur, ces reconnaissances ont suscité un vif débat entre la droite dure et le centre politique : la droite y a vu une menace pour la légitimité d’Israël, tandis que le centre a insisté sur la nécessité de gérer cette nouvelle réalité de manière stratégique — en renforçant les relations avec les États-Unis et en ouvrant des canaux de dialogue avec l’Europe. Dans le même temps, aucun changement concret n’est intervenu sur le terrain au profit des Palestiniens, confortant l’idée israélienne que ces décisions restent purement symboliques.
Confusion américaine
L’ampleur des reconnaissances de l’État palestinien a provoqué un malaise à Washington, qui s’est retrouvée face à une percée diplomatique menée par certains de ses plus proches alliés européens.
Tout en restant attachée à l’approche traditionnelle liant la reconnaissance aux résultats des négociations directes, Washington a constaté que nombre de capitales européennes avaient dépassé ce cadre, ouvrant un débat interne sur les limites de l’influence américaine et sa capacité à orienter la politique internationale au Moyen-Orient.
La réaction initiale des États-Unis est restée prudente : la Maison-Blanche s’est contentée de réaffirmer son soutien à la « solution à deux États », tout en minimisant l’impact des décisions, les qualifiant de symboliques et difficilement convertibles sur le plan politique.
À l’intérieur du pays, l’aile progressiste du Parti démocrate a plaidé pour que Washington saisisse l’occasion de corriger sa trajectoire et d’exercer davantage de pression sur Israël.
De leur côté, les républicains ont considéré ces reconnaissances comme une menace directe pour la sécurité d’Israël et une tentative d’affaiblir les leviers de négociation de Washington.
Les États-Unis ont finalement adopté une approche proche de celle d’Israël : conscients qu’il était impossible de freiner la vague internationale, ils ont cherché à en contenir les effets et à réparer l’image d’Israël sur la scène mondiale — reste à savoir, dans les années à venir, s’ils y parviendront.
