Moyen-Orient

Intense mobilisation arabe et internationale au Liban pour soutenir l’armée et renforcer la stabilité


Les analyses divergent quant aux scénarios futurs pour le Liban. Certains analystes estiment qu’une guerre est peu probable, car elle conférerait une légitimité accrue au Hezbollah en justifiant toute riposte de sa part, tandis que d’autres considèrent qu’un conflit demeure possible en raison de la lenteur de l’État dans la mise en œuvre de ses engagements visant à réserver les armes à l’autorité publique.

Le Liban connaît une semaine diplomatique particulièrement dense, marquée par une intense mobilisation arabe et internationale axée sur le soutien à l’armée libanaise et le renforcement de la stabilité dans le sud du pays, alors que les attaques israéliennes quotidiennes se poursuivent malgré l’accord de cessez-le-feu en vigueur depuis fin novembre 2024.

Selon des analystes politiques, cette dynamique diplomatique combine des tentatives visant à renforcer la légitimité nationale de l’armée libanaise et à accroître les obstacles à toute éventuelle action militaire israélienne.

Les avis divergent toutefois quant aux perspectives à venir : certains excluent la guerre au motif qu’elle renforcerait la légitimité du Hezbollah, d’autres affirment qu’elle est inévitable en raison du retard du Liban dans l’application de l’engagement de monopole étatique des armes, tandis qu’un troisième courant estime que la guerre reste possible sans être certaine.

Lundi, cette semaine diplomatique a débuté dans le sud du pays par une tournée de diplomates arabes et étrangers aux côtés du commandant de l’armée libanaise, Rodolphe Haykal. Elle doit s’achever vendredi avec la clôture de la quinzième réunion, en 2025, de la commission dite du « mécanisme ».

La commission du « mécanisme » a été créée dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah. Elle est chargée de surveiller sa mise en œuvre et comprend des représentants militaires du Liban, de la France, d’Israël, des États-Unis ainsi que de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).

Parallèlement à cette mobilisation diplomatique à l’intérieur du Liban, Paris a accueilli jeudi des discussions élargies réunissant des responsables français, saoudiens et américains avec le commandant de l’armée libanaise. Ces échanges se sont conclus par un « renouvellement du soutien à l’armée libanaise et au plan du gouvernement visant à désarmer les acteurs non étatiques », en référence à l’arsenal du Hezbollah.

Dans un communiqué officiel publié à l’issue de la réunion, Paris a également annoncé que la France, l’Arabie saoudite et les États-Unis organiseront « une conférence internationale en février 2026 afin de soutenir l’armée libanaise », sans préciser le lieu ni la date exacte.

Dans le même cadre diplomatique, le Premier ministre égyptien, Mostafa Madbouly, est arrivé à Beyrouth jeudi. Il doit rencontrer vendredi le président de la République, Joseph Aoun, le Premier ministre, Nawaf Salam, ainsi que le président du Parlement, Nabih Berri.

Le quotidien israélien Yedioth Ahronoth a rapporté vendredi qu’une réunion israélo-libano-américaine s’était tenue à Naqoura, dans le sud du Liban, afin de prévenir une reprise de la guerre entre Israël et le Hezbollah. Il s’agit de la deuxième réunion de ce type en l’espace de deux semaines.

Le journal a ajouté que de hauts responsables israéliens avaient intensifié leurs efforts diplomatiques pour empêcher la reprise des combats le long de la frontière nord avec le Liban, à l’approche de l’échéance fixée par les États-Unis pour le désarmement du Hezbollah au sud du fleuve Litani, prévue pour la fin de l’année en cours.

Il a précisé que le vice-conseiller israélien à la sécurité nationale, Youssef Draznin, s’était rendu vendredi à Naqoura pour participer à une réunion de la commission trilatérale de surveillance placée sous l’égide des Nations unies, afin de préserver le cessez-le-feu fragile. Il était accompagné du Dr Uri Resnick, un autre haut responsable du Conseil de sécurité nationale, qui avait également pris part au précédent cycle de discussions il y a plus de deux semaines.

Le quotidien a indiqué qu’Israël avait rejoint les discussions de la commission après que le Liban eut accepté d’y inclure un représentant civil pour les dossiers économiques et civils, citant notamment l’ancien ambassadeur du Liban aux États-Unis, Simon Karam, et l’envoyée américaine au Liban, Morgan Ortagus.

L’analyste politique et journaliste Ghassan Rifi estime que le Liban accueille de nombreux diplomates et envoyés internationaux, mais que ces visites ne se traduisent pas concrètement sur le terrain, alors qu’Israël poursuit ses attaques quotidiennes sans tenir compte de ces démarches.

Selon lui, la communauté internationale est désormais convaincue que le Liban a rempli toutes ses obligations, tant au niveau du gouvernement, qui a appliqué les conditions internationales, qu’au niveau de l’armée libanaise, qui a accompli les missions qui lui ont été confiées dans la limite de ses capacités.

Il souligne que la tournée diplomatique organisée par l’armée libanaise dans le sud pour présenter les mesures mises en œuvre a confirmé cette réalité et laissé une impression positive auprès des ambassadeurs arabes et étrangers.

Cette image positive reste toutefois incomplète, dans la mesure où, selon Rifi, l’obstacle majeur à l’action du gouvernement et de l’armée libanaise demeure Israël, qui continue d’occuper cinq points dans le sud, empêchant ainsi le déploiement de l’armée libanaise.

Il explique que l’entrée de l’armée libanaise sur les cinq collines occupées par Israël lors de la dernière guerre, en plus de zones occupées depuis des décennies, impliquerait soit un affrontement avec les forces israéliennes présentes, soit une forme de normalisation en l’absence de confrontation, deux options pour lesquelles aucune décision libanaise n’a été prise.

Concernant le risque d’une nouvelle agression, Rifi exclut qu’Israël lance une guerre dans l’immédiat, estimant qu’une telle initiative accorderait une légitimité accrue au Hezbollah s’il venait à riposter après avoir respecté durablement le cessez-le-feu.

Il considère également qu’une guerre retournerait l’opinion publique internationale contre Israël, dans un contexte où prévaut la conviction que le Hezbollah n’a pas violé l’accord de cessez-le-feu, que le gouvernement libanais a respecté ses engagements et que l’armée a accompli son devoir, comme en témoignent les diplomates.

De son côté, l’analyste politique et journaliste Mayssa Abdelrazek estime que le Liban reste exposé à une intensification des attaques israéliennes, voire à une nouvelle guerre, malgré le choix de la voie diplomatique, notamment après la nomination de l’ambassadeur Simon Karam à la tête de la délégation libanaise au sein de la commission du mécanisme, devenant ainsi le premier responsable civil à se voir confier une telle mission.

Cette nomination est intervenue après que le président Joseph Aoun a affirmé en octobre dernier qu’« il n’y a pas d’autre choix que la négociation » avec Israël pour résoudre les dossiers en suspens, une position critiquée par le Hezbollah, qui l’a qualifiée de faux pas gouvernemental et de contradiction avec les déclarations précédentes subordonnant la participation de civils à l’arrêt des hostilités.

Dans ce contexte, Abdelrazek souligne que la position officielle libanaise, telle qu’exprimée par le président de la République, confirme que l’option de la négociation constitue une alternative à la guerre.

Elle affirme que le Liban a respecté l’accord de cessez-le-feu, tandis que les violations israéliennes ont dépassé les dix mille infractions.

Elle ajoute qu’Israël justifie ses violations par la présence des armes du Hezbollah, malgré la décision du gouvernement libanais prise en août dernier de réserver les armes à l’État et les mesures mises en œuvre par l’armée libanaise, qui a accompli plus de 90 % de sa mission au sud du Litani.

Elle estime en outre que, malgré ces avancées, une nouvelle agression israélienne ne peut être exclue sous le prétexte de viser l’arsenal du Hezbollah.

Elle considère également que la visite du Premier ministre égyptien au Liban jeudi véhicule des messages diplomatiques visant l’apaisement et la prévention de toute escalade.

Pour sa part, l’analyste politique et journaliste Georges Aaqouri estime que le Liban évolue en permanence « au bord du précipice », soulignant qu’il traverse aujourd’hui une phase de temps critique et non de simple délai perdu.

Il évoque une réticence du Hezbollah à mettre en œuvre les engagements pris lorsqu’il avait soutenu le discours d’investiture présidentielle, la déclaration ministérielle et l’accord de cessez-le-feu.

Il souligne l’insistance du parti à conserver ses armes et à afficher la reconstruction de son arsenal, ainsi que le soutien iranien manifeste au Hezbollah à travers des prises de position et des réunions tenues publiquement.

Il met en garde contre le risque d’une frappe israélienne d’envergure contre le Liban, malgré les efforts de l’armée et de l’État, en raison de la lenteur du processus de désarmement face aux évolutions régionales, notamment la chute du régime baasiste en Syrie et le recul de l’influence iranienne dans la région.

Il ajoute que les visites et délégations diplomatiques au Liban ont transmis des avertissements clairs indiquant que le temps ne joue pas en faveur du pays et qu’une menace réelle pèse de la part d’Israël.

Selon lui, la phase décisive dépendra de la rencontre prévue à la fin du mois entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et le président américain Donald Trump, laquelle pourrait déterminer l’octroi ou non d’un court délai au Liban pour rattraper son retard dans le dossier du désarmement du Hezbollah.

Il précise que les États-Unis ont exigé, par l’intermédiaire de leurs responsables, la fin de l’arsenal du Hezbollah avant la fin de l’année, sans qu’il soit certain qu’ils parviennent à convaincre Israël d’accorder un délai supplémentaire.

Sous la pression américano-israélienne, le gouvernement libanais a approuvé le 5 août la décision de réserver les armes à l’État, y compris celles détenues par le Hezbollah, avant d’annoncer en septembre son adhésion au plan élaboré par l’armée pour mettre en œuvre cette décision en cinq phases.

Aucune échéance globale n’a toutefois été fixée, la première phase prévoyant le retrait des armes du Hezbollah au sud du Litani d’ici la fin de l’année en cours.

En revanche, le secrétaire général du Hezbollah, Naïm Qassem, a déclaré à plusieurs reprises que le parti rejetait cette démarche et exigeait le retrait de l’armée israélienne de l’ensemble du territoire libanais.

Cela intervient alors que les médias israéliens évoquent depuis la semaine dernière l’achèvement par l’armée israélienne des préparatifs d’un « assaut d’envergure » contre des positions du Hezbollah, si le gouvernement et l’armée libanaise échouent à démanteler son arsenal avant la fin de l’année 2025.

Israël a tué plus de 4 000 personnes et en a blessé environ 17 000 lors de son offensive contre le Liban, entamée en octobre 2023 et transformée en guerre totale en septembre 2024, avant qu’elle ne prenne fin avec un accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre de la même année.

Israël a également violé l’accord de cessez-le-feu à plus de 4 500 reprises, causant des centaines de morts et de blessés, tout en occupant cinq collines libanaises prises lors de la dernière guerre, en plus d’autres territoires occupés depuis des décennies.

 

 

 

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