Gardien de la paix dans l’est congolais : les contours d’un mandat en pleine zone de guerre
Il y a à peine deux ans, le Conseil de sécurité des Nations unies débattait d’un retrait progressif de la mission onusienne en République démocratique du Congo. La situation s’est depuis radicalement inversée.
Selon la radio française RFI, des discussions sont en cours au Conseil de sécurité concernant le renouvellement du mandat de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, connue sous l’acronyme Monusco.
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L’adoption d’une résolution est attendue d’ici dimanche, mais ce renouvellement intervient dans un contexte extrêmement tendu, marqué par un conflit sanglant alimenté par les attaques du mouvement armé M23, ainsi que par la défiance affichée par les rebelles à l’égard de la mission onusienne, ce qui pourrait compliquer davantage ses opérations.
Le 21 décembre 2024, le Conseil de sécurité avait adopté à l’unanimité une résolution prolongeant le mandat de la mission jusqu’au 20 décembre 2025.
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À l’époque, cette prorogation intervenait alors que la force onusienne avait entamé son retrait de la République démocratique du Congo, s’étant déjà retirée du Sud-Kivu, après que Kinshasa eut initialement demandé un départ rapide, avant de revenir sur sa position en réclamant un retrait progressif et coordonné.
Par la suite, des observateurs avaient estimé qu’une prolongation d’un an permettrait d’organiser plus efficacement le départ de la mission, même en l’absence d’un calendrier précis pour son retrait total. Toutefois, les événements survenus dans l’est du pays ont profondément modifié l’orientation de la décision internationale.
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Conditions
Ces derniers mois, la quasi-totalité des membres du Conseil de sécurité ont réaffirmé leur soutien à la Monusco, et la majorité d’entre eux appuient, au moins publiquement, les processus de paix menés par Doha et Washington.
En conséquence directe, le prochain mandat de la Monusco devra accorder un rôle central au soutien de ces initiatives de paix, selon des informations obtenues par la radio française.
C’est précisément l’orientation du projet de résolution présenté par la France, en sa qualité de pays chargé de la rédaction du texte au Conseil de sécurité.
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Le texte vise à consacrer le rôle de la mission en République démocratique du Congo en tant qu’acteur de soutien à l’ensemble des efforts de paix, y compris, selon le représentant français auprès des Nations unies, la surveillance de tout éventuel cessez-le-feu.
Ce rôle est déjà prévu dans l’accord-cadre de paix signé à Doha entre Kinshasa et le mouvement M23.
Washington s’est engagé à garantir l’« efficacité » de la mission onusienne, mais cette efficacité est conditionnée à plusieurs exigences, notamment le renforcement de ses capacités opérationnelles, l’amélioration de sa mobilité et, surtout, l’affirmation de son caractère strictement neutre, sans ingérence.
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De son côté, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, insiste pour que le nouveau mandat inclue un engagement ferme en faveur de l’application de la résolution 2773 du Conseil de sécurité adoptée en 2025.
Cette résolution appelle les forces de défense rwandaises à cesser tout soutien au mouvement M23 et à se retirer immédiatement et sans conditions du territoire congolais.
Une annonce inachevée
Dans l’intervalle, des hommes armés en tenue militaire et d’autres en vêtements civils restent présents à Uvira, ville stratégique de l’est de la République démocratique du Congo, dont le mouvement M23 a annoncé mercredi le début du retrait, selon des sources sécuritaires et locales citées par l’Agence France-Presse.
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Après s’être emparée des villes de Goma en janvier et de Bukavu en février derniers, la rébellion a lancé début décembre une offensive en direction du Sud-Kivu, à la frontière avec le Burundi, alors même que la République démocratique du Congo et le Rwanda signaient à Washington un accord de paix sous l’égide du président américain Donald Trump.
Le 10 décembre, le groupe armé a pris le contrôle de la ville stratégique d’Uvira, qui compte plusieurs centaines de milliers d’habitants et permet de surveiller la frontière terrestre avec le Burundi, allié militaire de Kinshasa.
Cette offensive a provoqué la colère de Washington, qui a menacé de réagir à ce qu’il a qualifié de « violation flagrante » de l’accord de paix.
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Mardi, le mouvement M23 a annoncé son retrait d’Uvira « en réponse à une demande du médiateur américain », avant que son porte-parole militaire, Willy Ngoma, ne précise que ses forces avaient « commencé à quitter la ville d’Uvira dans l’après-midi », sans indiquer leur destination.
Des sources sécuritaires et locales ont fait état d’un déplacement des troupes vers le nord.
De leur côté, des sources de la province du Sud-Kivu ont indiqué jeudi dans un communiqué que les forces du M23 se trouvaient toujours « à neuf kilomètres de la ville d’Uvira, avec l’ensemble de leur équipement militaire ».
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Le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a déclaré à l’Agence France-Presse que « ce retrait n’aura de sens que si nos services peuvent le vérifier pleinement en reprenant le contrôle effectif de la ville ».
Mercredi, Kinshasa a estimé que l’annonce du retrait des forces du M23 d’Uvira relevait d’une simple opération médiatique, appelant au retrait de toutes les forces rwandaises du territoire national.
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Le Rwanda ne reconnaît pas officiellement soutenir le mouvement, mais Washington l’a directement accusé après l’attaque contre Uvira.
Depuis près de trois décennies, l’est de la République démocratique du Congo, riche en ressources naturelles et limitrophe du Rwanda, est le théâtre de conflits armés. La situation s’est encore détériorée avec la reprise de l’insurrection du mouvement M23 en 2021.
